Je ne vois jamais beaucoup de films indiens récents (j'ai bien souvent un ou deux ans de retard sur les sorties cinéma). La grande nouveauté cependant cette année, c'est que sur cinq films vus, quatre sont sortis en France au cinéma ! 2012 restera dans les annales comme l'année où les nouveautés indiennes ont commencé, modestement, certes, à être diffusées au cinéma, hors des quelques salles spécialisées dans les projections de films hindi ou tamouls.
Qu'ai-je donc vu parmi les films sortis en 2012 ?
Agneepath, d'abord. Le seul que j'ai vu en DVD. Une des meilleures musiques de l'année, une belle photographie aux couleurs chaudes, et un film qui ne manque pas d'ampleur - sans doute un des meilleurs de cette mode du revival masala - mais plombé par un aspect grand-guignolesque assez déplaisant. La violence (il s'agit d'une histoire de vengeance) est filmée sans recul, et je garde aussi un fort mauvais souvenir de la vente comme prostituée de la jeune sœur du héros, là aussi filmée d'une façon pas très nette. Sanjay Dutt est parfaitement ridicule en sbire tout en muscles et en rictus de Rishi Kapoor. Ce dernier compense heureusement cette faiblesse en composant un méchant d'anthologie (et en ayant l'air de bien s'amuser à l'interpréter). Je suis assez curieuse de voir le Agneepath original.
Billa 2, seul film tamoul que j'ai vu cette année, et malheureusement grosse déception. L'impression qu'il y a tromperie sur la marchandise. On nous vend le secret des origines de Billa, gangster mythique, et on a droit à une ascension sans surprise, rythmée par une succession très monotone d'exécutions de tous ceux qui s'opposent à lui, et filmée façon Scarface (de mémoire, il me semble qu'on a sur certaines scènes quasiment affaire à du plagiat). Une glorification constante d'un personnage de tueur sanguinaire. L'ennui s'installe vite, que le physique de gravure de mode des deux adversaires de Billa ne parvient pas à dissiper.
Et, pour en finir avec les films de gangster, l'exact contraire de Billa 2 : Gangs of Wasseypur 1 & 2. Chakri Toleti plagie De Palma. Anurag Kashyap, lui, s'inspire, et brillamment, de Scorcese, Coppola et Tarantino (oui, les trois à la fois) pour créer une saga de cinq heures relatant le conflit qui oppose la famille de Shahid Khan au clan des Qureshi et au riche Ramadhir Singh.
Cinq heures qui s'ouvrent sur l'assaut contre la maison de Faizal Khan, moment d'anthologie et meilleure scène d'action vue depuis longtemps dans un film indien. Cinq heures inventives de bout en bout, pleines d’énergie et filmées sans complaisance aucune pour ces gangsters vulgaires et souvent ridicules, incarnés par des acteurs pour la plupart peu connus, mais excellents. La musique, souvent décalée et ironique, contribue grandement à cette distance. Tout n'est pas parfait cependant : l'ensemble est trop dense, au point que certains épisodes, malgré la durée du film, doivent être narrés en voix off, et l'on sort épuisé par la succession de tant de rebondissements, impliquant tant de personnages. Mais franchement, vu les immenses qualités du film, c'est très secondaire.
Enfin, parce que le cinéma indien ce n'est quand même pas que des fusillades, des gangsters et des histoires de vengeances sanglantes, English Vinglish, un sympathique petit film marquant le grand retour de Sridevi en mère de famille qui décide d'apprendre l'anglais pour enfin n'être plus méprisée par ses enfants et son mari. La révélation du film, à mes yeux, c'est Mehdi Nebbou en amoureux éconduit de Sridevi.
2 commentaires:
Bonsoir Adeline,
Je te souhaite tout d'abord une belle et heureuse année 2013.
Merci pour ce compte-rendu de tes visionnages salle et DVD.
L'évolution de la distribution des films indiens en salles est en effet significative, et ce depuis la sortie de "My Name is Khan" il y a de cela deux ans et demi. Pile au moment où j'ai véritablement lâché le cinéma hindi avec l'immense déception ressentie devant ce film. Je n'ai pas revu de films qui m'ait autant marqué que "Rab Ne Bana Di Jodi"
Je n'ai quasiment rien vu depuis, à l'exception notable de "Shaitan" que j'ai trouvé bien fichu (et Kalki Koelchin prouve qu'elle ose vraiment prendre des risques, j'aime beaucoup cette actrice).
Pour en revenir à la distribution donc, c'est Aanna Films qui réalise un gros boulot pour sortir les films en VOSTF dans des circuits officiels (Gaumont en particulier).
Ce n'est pas la seule chose marquante : il y a de plus en plus de une de magazines, des articles en pagaille, bref l'Inde et le cinéma indiens se font une place de plus en plus importante en France ce qui n'était vraiment pas le cas il y a encore cinq ou six ans.
Quand on pense qu'en 2005, il y n'avait guère que les DVD pirate pour pouvoir visionner les dernières nouveautés, et qu'à ce moment-là, les DVD originaux étaient un peu marginaux, jusqu'à la vente des films par Bollywood Gigastore (anciennement rue Jarry) et Bollywood Univers.
Je suis par ailleurs assez alléché par "Gangs of Waseypur", n'ayant par ailleurs pas compris la logique du distributeur d'espacer de six mois la sortir du volet 1 et 2 ? Quel intérêt de laisser autant de temps entre les deux ?
J'ai vu des choses intéressantes néanmoins du côté du cinéma commercial bengali ("Jaaneman", "Awara" entre autres). Comme quoi la page n'est pas définitivement tournée.
Bien à toi
Jordan
Cher Jordan,
Je te souhaite également une excellente année 2013, et je te remercie pour ton message : cela faisait longtemps que nous n'avions pas échangé sur le cinéma indien.
J'ai également beaucoup diminué mon rythme de visionnage, en tout cas de films récents, pour différentes raisons. A l'exception de Gangs of Wasseypur, le dernier film que j'ai vraiment adoré est Zindagi Na Milegi Dobara, et ça remonte à un an et demi. Un film avec Kalki, d'ailleurs, une actrice que j'aime beaucoup aussi, même si je n'adhère pas à tous ses choix (je n'ai pas réussi à dépasser la première demi heure de Shanghai).
Aanna Films fait un gros travail, et le bond quantitatif, mais aussi qualitatif (en matière de conditions de projection et de sous-titres) est immense. Son directeur participera d'ailleurs à une table ronde à l'INALCO mercredi prochain dans le cadre du festival FFAST.
Concernant GOW, il est assez regrettable d'avoir laissé s'écouler six mois entre les deux volets. Il y a beaucoup de personnages, pris dans des relations complexes, et j'ai été obligée de relire un résumé du premier film avant de voir le second pour bien l'apprécier. Et pourtant, ce premier volet m'avait passionnée ! Peut-être une décision de prudence commerciale de la part du diffuseur, pour se laisser le temps d'annuler la sortie du second si jamais le premier venait à se planter.
Je ne connais pas les films bengali dont tu parles, mais je retiens les titres.
Amicalement,
Adeline
Enregistrer un commentaire