14.11.20

Soorarai Pottru (2020)

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En raison de la pandémie actuelle, le film est sorti exclusivement sur Amazon Prime Video, la veille de Diwali, date généralement propice aux blockbusters.

Ça commence en fanfare, comme un film d'action hollywoodien, en un peu plus spectaculaire. Un avion interdit d’atterrissage risque d'être à court de carburant. Heureusement notre héros Maara (Suriya) est là : il enfourche sa moto et vole (c'est une image, quoique j'aurais bien aimé voir Suriya sur une moto volante) au secours de l'avion et de ses passagers. 

Flashback. Retour dans une petite ville du Tamil Nadu. Inversant la tradition, une jeune femme et sa famille viennent demander la main de Maara. L’héroïne, Bommi, est jouée par Aparna Balamurali. Au milieu d'actrices indiennes qui ont (presque) toutes des physiques similaires, son apparence fait du bien aux yeux.

Et son caractère fait du bien à mon petit cœur féministe : constatant qu'il veulent tous les deux monter une entreprise (elle de pâtisseries, lui d'aviation) et que cela occupe toute leur attention, elle refuse d'épouser Maara. Quand, une fois son business devenue rentable, elle se marie finalement avec lui, elle continue à braver les règles sociales en subvenant aux besoin du ménage. Car Maara n'a pas eu autant de succès.


Venu d'une petite ville, fils d'instituteur soucieux des autres et du bien commun (on nous dit qu' "il a dansé à tous les enterrements"), il a pourtant de grandes ambitions. Son plan, grossièrement, est de lancer une compagnie aérienne low cost, pour que tout un chacun puisse prendre l'avion. Il espérait le soutien de son idole, Paresh Goswami, un self-made man qui règne sur le monde de l'aviation civile en Inde. Mais Goswami, joué par Paresh Rawal, est une belle ordure qui non seulement ne l'aide pas mais lui met des bâtons dans les roues. Le genre de type qui ne supporte pas que les employés d'un hôtel utilisent les mêmes toilettes que les clients. Son pire cauchemar : devoir voyager avec des gens du peuple.


La vie de Maara et Bommi, ce couple peu commun, constitue l'arrière plan de l'intrigue principale : le héros du peuple parti de rien contre le méchant capitaliste (castéiste en plus). On voit Maara essuyer échec après échec et rebondir à chaque fois. Le film est inspiré d'une histoire vraie, je ne sais pas dans quelle mesure la scénariste-réalisatrice Sudha Kongara a pris des libertés avec la réalité (Maara ne cherche pas à faire du profit, mais simplement à aider le peuple. Je ne sais pas si son modèle est aussi altruiste). Ce qui est certain c'est que Sudha Kongara sait dramatiser un récit. Le bon côté, c'est qu'on est scotché devant son écran. Le mauvais, c'est un méchant assez caricatural, ainsi qu'une légère tendance au mélodrame (sur une séquence essentiellement, qui explique les motivations de Maara, et que je ne veux pas spoiler). 


La photographie est splendide, et le scénario arrive à faire se succéder les flash-back sur différentes étapes de la vie de Maara sans perdre le spectateur dans ces voyages dans le temps. Suriya est toujours aussi charismatique, et l'histoire d'amour, entremêlée à l'intrigue principale, fonctionne.


J'aime vraiment le personnage de Bommi, une femme à l'exact opposé des héroïnes timides et très puériles qu'on nous présente si souvent. Aparna Balamurali a certes 20 ans (!) de moins que Suriya, mais son personnage agit de façon mature que ce soit dans sa vie professionnelle ou dans sa vie privée.

Bref, bien qu'on se réjouisse de pouvoir le voir en France (en tamoul (la VO), en telugu, kannada et malayalam, on ne peut que regretter que ce film, qui a vraiment le potentiel pour être un gros succès, n'ait pas pu sortir dans les cinéma du monde entier. Je parie par ailleurs qu'il y aura un remake hindi sous peu !

17.10.20

Smita Patil (17 octobre 1955 - 13 décembre 1986)

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Smita Patil, qui aurait eu aujourd'hui 65 ans, est la fille d’un homme politique et d’une mère qui travaillait dans le social. Elle apprend à jouer dans des pièces de théâtre expérimental. Militante féministe, refusant de servir de faire-valoir à des stars masculines, elle a joué quelques-uns des rôles féminins les plus intéressants de l’époque. Elle interprète souvent des femmes du peuple au franc-parler cinglant et au sex-appeal naturel. C'est une figure essentielle de la "nouvelle vague" du cinéma Indien Sa vie privée fait la une de la presse people lorsque l’acteur Raj Babbar divorce pour l’épouser !


Un véritable scandale à l’époque. Elle meurt à trente et un an seulement, des suites d’un accouchement. Son fils, Prateik Babbar, est lui aussi acteur. (sur cette photo elle ressemble très fort à feu ma marraine, à chaque fois que je tombe dessus j'ai un petit pincement au cœur).

 

Ce qui est assez drôle, c'est qu'en France, où la culture sérieuse ne s'intéresse que sporadiquement au cinéma indien, son charisme n'est pas passé inaperçu : le critique Charles Tesson, qui l'interviewa, est ainsi clairement séduit (Cahiers du cinéma n° 320, février 1981). 

Son succès atteint le milieu cinéphile des Etats-Unis, où le critique Eliott Stein écrit « A vingt-cinq ans Smita est clairement la reine du cinéma parallèle indien, elle est une icône pour les cinéastes de ce milieu, au même titre qu'Anna Karina pour les jeunes réalisateurs français au début de leur nouvelle vague. Patil n'est pas une beauté classique mais elle resplendit. Elle ne joue jamais faux. »*

Son plus beau rôle à mes yeux : celui d’une actrice qui ne trouve pas sa place dans la société indienne dans Bhumika, de Shyam Benegal. Et ça tombe bien, Bhumika est sur Youtube avec des sous-titres anglais. On y trouve également le très bon Nishant.

 

* cité par Monojit Lahiri dans un article intitulé «A blazing talent remembered » publié par The Hindu, citation originale : « At 25 Smita is clearly the queen of Indian parallel cinema, as much an icon for film-makers of the milieu as was Anna Karina for young directors in France at the outset of their new wave. Patil is not a classic beauty but the lady glows. She never makes a false move on screen. » Traduit par mes soins 

15.7.20

Lamhe (1991)

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c'est juste le titre, mais je trouve ça beau

Aujourd'hui on parle de Lamhe, film de Yash Chopra, le roi des films d'amour, avec Anil Kapoor, Sridevi, encore Sridevi, Waheeda Rehman et Anupam Kher.

Viren, né en Angleterre, visite pour la première fois la terre de ses parents, accompagné de sa nourrice qui est comme une mère pour lui. Il tombe amoureux de Pallavi (Sridevi), qui danse sous la pluie.


Les superbes chorégraphies de Saroj Khan, récemment décédée

Mais Pallavi aime Siddharth. Viren les aide généreusement à se marier dans les meilleures conditions. Pallavi et Siddharth meurent le jour de la naissance de leur fille Pooja. Viren confie le bébé à sa nourrice et veille de loin à ce qu'elle ne manque de rien. Chaque année, il retourne en Inde pour l'anniversaire de la mort de Pallavi, et laisse un cadeau d'anniversaire à Pooja, sans jamais vouloir la rencontrer. A 18 ans, Pooja (Sridevi), devenue le portrait craché de sa mère, rencontre enfin son ange gardien sur qui elle a fantasmé  toutes ces années. C'est là que les problèmes commencent.


Pallavi et Siddharth. Il n'y a pas à dire, Yash Chopra sait filmer les scènes romantiques

Le premier quart d'heure insiste assez lourdement sur les valeurs des Rajputs et l'attachement à la terre du Rajasthan que Viren devrait ressentir. On peut penser que le film va tourner autour de la crise d'identité d'un NRI. Mais cette piste est vite oubliée, et sert surtout à montrer de beaux décors magnifiquement filmés, accompagnés de nombreuses et belles chorégraphies de Saroj Khan, récemment décédée.



C'est une très belle première partie. Visuellement, bien sûr (les costumes de Sridevi...), mais aussi parce que le personnage masculin accepte que son amour ne soit pas réciproque et ne harcèle pas sa bien-aimée, comme c'est si souvent le cas

La deuxième partie n'est pas aussi bonne malheureusement. Déjà parce qu'on nous impose un second rôle comique, Prem, joué par Anupam Kher (et ça fait bizarre de le voir jouer un personnage de l'âge du héros, lui qui a si souvent joué les pères). Malheureusement, le comique indien des années 1990s, ce n'est pas trop ma tasse de thé.

L'humour. 

Adieu aussi les beaux costumes, Pooja s'habille à l'occidentale (et à la mode de 1991... brrrr). Au début de cette seconde partie, pour mettre de bonne humeur Viren, Prem et Pooja interprètent de vieilles chansons hindi. C'est plaisant cinq minutes, mais la séquence s'éternise, et heureusement que Waheeda Rehman finit par reprendre "aaj phir jeene ki tamanna hai" (la fan girl que je suis est émue aux larmes) et évite ainsi que le spectateur ne s'endorme.

Une bonne nouvelle quand même : Viren prend l'attirance enfantine de Sridevi pour ce qu'elle est : une sorte de complexe d’œdipe inversé (attirance d'une petite fille pour une figure paternelle). Par ailleurs, il est toujours amoureux de Pallavi et n'a pas de place dans son cœur pour Pooja. La différence d'âge est soulignée (Anil a les cheveux grisonnant, Sridevi s'habille et se coiffe comme une gamine, met du rouge à lèvre rose bonbon, dort avec ses peluches). Bref, Viren et le spectateur sont tous les deux aussi gênés par les sentiments de Pooja. A cet égard, la fin tombe malheureusement comme un cheveux sur la soupe. Un cheveu qui met mal à l'aise en plus.



Pooja

Bref une deuxième partie moins dynamique, moins belle aussi, mais qui permet quand même à Anil Kapoor de montrer ses qualités d'acteurs. Au final, un film inégal, sauvé par une mise en scène splendide et une très bonne première partie.























3.7.20

Bulbbul (2020)

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Bengale, fin du 19e siècle. Une enfant, Bulbbul, est mariée à un adulte qui n'hésite pas à consommer le mariage sans attendre. Elle se lie d'amitié avec son jeune beau-frère, Satya, du même âge qu'elle, qui lui raconte des histoires de sorcières. Son mari a un jumeau, son cadet de peu, et la vie familiale est compliquée par la rivalité entre l'épouse plus âgée mais mariée à un homme légèrement plus jeune et Bulbbul, beaucoup plus jeune mais "BaDi Bahu", "première belle-fille", rôle éminent dans la maisonnée.

20 ans plus tard. De retour de Londres, Satya est surpris de voir le maître de maison absent, et son rôle assuré avec confiance par Bulbbul, qui prend des libertés inattendues. Dans le même temps, les morts violentes se multiplient, et les villageois accusent la sorcière.

C'est globalement un "Rape and Revenge" déguisé en film d'épouvante. Pas vraiment mon genre de films préféré. Mais ça se passe au Bengale, et j'aime bien les films qui se passent au Bengale, les superbes saris, les paysages...

Le scénario de ce court film (1h30) est pourtant plutôt bien construit avec ses flashback successifs sur la vie de Bulbbul, et les scènes de violence ne sont heureusement pas trop racoleuses. Peut-être parce que c'est une réalisatrice, Anvita Dutt, qui a fait ce film. Trois petits problèmes quand même : j'ai trouvée l'actrice principale, Tripti Dimri, ne jouait pas très juste.

Bulbbul
 
C'est dommage car le film est centré sur elle. Les effets spéciaux quand apparaît la sorcière sont au bord du ridicule (sauf quelques rares plans réussis) et cassent un peu l'effet d'épouvante. Enfin, il aurait fallu confisquer le filtre sépia dont Anvita Dutt abuse largement.



Du côté des acteurs masculins, Rahul Bose, seul nom que je connaissais, est bon, comme toujours. La révélation (à mes yeux), c'est Avinash Tiwary, qui joue Satya. Cela peut sembler un peu étrange, mais comme le film ne me passionnait pas vraiment (on devine en quelques instants qui est l'assassin), je me suis mise à l'imaginer en Heathcliff dans une adaptation indienne des Hauts de Hurlevent. Il serait parfait. Ce n'est pas le même genre de rôle mais je trouve qu'il a le visage idéal pour jouer le ténébreux anti-héros du roman.

Satya

Sur le plan culturel, j'ai appris quelques petites choses : que la bague d'orteil, par exemple, servait à contrôler la puissance latente des femmes en enfermant un nerf particulier. Et il se confirme que les cheveux détachées d'une femme sont la marque d'un pouvoir non contrôlé, et donc dangereux.


La sorcière

Bref, c'est pas franchement génial, mais ça change de voir de nouveaux visages et une histoire plutôt originale.

11.6.20

Ponmagal Vandhal (2020 - Tamoul)

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Quand  "A Jyothika and Surya production" apparaît à l'écran, le public (moi) frissonne, tant ce couple a marqué le cinéma tamoul. Peu importe que Surya ne soit pas dans ce film,et que le réalisateur, un nouveau venu (J. J. Frederick ), soit inconnu, cela réveille de bons souvenirs.


Un citoyen tamoul, Pethuraj, habitué des cours de justice (il a gagné un procès pour une mouche dans un thé), demande que soit portée devant la justice une affaire de meurtre d'enfants vieille de 15 ans. Une psychopathe d'Inde du Nord, Jothi, avait fini par être tuée par la police après avoir abattu deux jeunes gens qui cherchaient à sauver une de ses victimes.

C'est la fille de Pethuraj, Venba (Jyothika), dont c'est le premier procès, qui va défendre Jothi et tenter de réhabiliter son nom. Elle a face à elle un ténor du barreau à l'honnêteté douteuse. Ils vont s'affronter à coup de preuves pendant la moitié du film, jusqu'à ce que l'identité de Venba soit révélée : elle est la fille de Jothi (on s'en doutait un peu, puisque que Jothi est également jouée par Jyothika). Petit à petit, les véritables identités des personnages vont se révéler et faire efficacement avancer l'intrigue (malgré une révélation finale qui tombe à plat), et la rigueur des preuves va laisser place à l'émotion.

Car ce qui se révèle est une série de viols d'enfants suivis de meurtre, dont Venba est la seule survivante. Images de cadavres, sang sur les robes ..., le film donne alors un peu dans le racoleur.


et oui, y a du vomi...

Il est amusant que les quinze premières minutes de sa plaidoirie cherchent à prouver que Jothi n'était pas une Indienne du Nord (alors que l'actrice Jyothika n'est pas tamoule...). En effet les méchants des films tamouls sont si souvent du Nord, et les préjugés si tenaces, que le fait qu'elle soit en réalité tamoule affaiblit l'accusation.

La jeune femme, toujours meurtrie, est éloquente. A son adversaire qui lui recommande un psychiatre, elle répond :



"Si les femmes se battent pour la justice, avec courage et conviction, vous dites qu'elles sont folles"

"Si nous expliquons à la société d'une voix forte nos problèmes, vous dites que c'est du cinéma"

et souligne combien il est difficile pour les femmes victimes d'abus d'oser prendre la parole, par peur d'être traiter de folles, parce que leur seule preuve est leur parole. Cette partie du film donne à fond dans le mélo (l'on voit tout le public pleurer). Venba rappelle, comme les chiffres donnés à la fin du film (pendant que s'affiche le numéro d'assistance aux enfants en danger), que la majorité des agresseurs sont connus de leur victimes. Ce n'est pourtant pas le cas ici, et cela affaiblit assez fortement le message du film, qui veut faire œuvre de prévention ( en parlant de prévention, on voit d'ailleurs brièvement Venba, au début du film, expliquer à des écolier les endroits où ils ne doivent pas se laisser toucher).

Oh, et comme d'habitude,  le méchant avocat ne défend que des coupables, et la gentille ne prend la parole que parce qu'elle croit en l'innocence de sa mère. Ce serait un péché de simplement s'assoir au côté du défenseur d'une tueuse. Il faudrait expliquer un jour aux scénaristes que ce n'est pas "mal" pour un avocat de défendre un coupable. C'est aussi son taf, et la condition pour que la justice puisse être rendue équitablement.

Le film est efficace, bien qu'il fasse un peu dans le sensationnalisme. Je me rappelle de ces pas si vieux films tamouls, où une fin heureuse, pour une jeune fille violée, consistait à épouser son violeur (qui "répare" ainsi sa faute). Que de chemin parcouru...

6.6.20

OK Jaanu (2017)

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Je suis tombée dans le piège. J'ai tapé "Mani Ratnam" sur Prime Video, et ce titre est sorti en premier. Il y avait Aditya Roy Kapur et Naseeruddin Shah, ça me suffisait largement. En réalité, Mani Ratnam n'est que le scénariste de ce remake d'un film qu'il avait tourné en tamoul (ça aussi je l'ignorais). Et même si Naseer sahab est au top,

C'est 100% déception

Tara (Shraddha Kapoor) et Adi (Aditya Roy Kapur) se plaisent bien, mais font passer leur carrière en premier. Adi doit partir à L.A., et Tara à Paris. Au début, leur relation tient surtout de l'amourette. Ils décident de vivre ensemble, hors mariage, et sans projet matrimonial, ce qui choque un temps leur entourage, avant que Tara ne soit acceptée, y compris par le très strict juge (Naseeruddin Shah) chez qui ils vivent.

Et voilà la première partie. Un peu léger non ? J'apprends juste au passage que le sexe hors mariage est désormais assez toléré pour qu'on en fasse un film, mais encore assez problématique, justement, pour être le sujet du film. On découvre aussi que téléphoner à haute voix pendant une messe ne pose de problème à personne (et que Tara et Adi sont vraiment mal élevés — je ne suis pas souvent choquée, mais là je l'ai été)

Deuxième partie convenue : l'amourette se transforme en amour, dilemme entre carrière et cœur, sans surprise. Au mariage raté des parents de Tara s'oppose le couple formé par le juge et sa femme, atteinte d'Alzheimer, qui semblent toujours aussi amoureux qu'au premier jour. La maladie de Charu est un des rares ressorts dramatiques du film auxquels on s'intéresse.


Il n'y a de suspense que lorsque Tara fait des blagues douteuses à Adi (elle lui dit, en tout, qu'elle veut l'épouser, qu'elle est enceinte et qu'elle le quitte, pour plaisanter. Adi marche à chaque fois. Le spectateur nettement moins).

Ajoutons qu'Adi travaille dans une entreprise de jeux vidéos, où il présente sa "super idée de scénario" : un grand méchant enlève une jeune femme, le héros doit le battre pour la récupérer. Jamais vu de scénario plus banal, mais tout le monde autour de lui est ultra enthousiaste. On a donc le droit à des séquences animées pas particulièrement réussies façon GTA.

Je découvre Shraddha Kapoor dans ce film. Elle ne joue ni mieux ni moins bien que des dizaines d'actrices, mais me semble avoir le charisme d'une huître. Elle est comme ce film, totalement fade.

La musique d'A.R Rahman ressemble à ce qu'il fait depuis quelques années : sans intérêt, et sans inspiration (il reprend même une chanson de Bombay). Petit détail amusant, c'est un des rares films indiens où j'ai entendu des passages de musique classique européenne dans la bande originale. Une façon de dire la tension entre tradition et occidentalisation ? Vu le niveau du film, je pense que je surinterprète.


2.6.20

Aayitha Ezhuthu (2004 - Tamoul)

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Trois hommes qui se croisent sur un pont, trois minutes, les trois premières du film, qui résument les trois intrigues romantiques avec une fluidité remarquable : Inba (Madhavan) se demande s'il doit rester avec sa femme, Michael (Surya), voudrait que son amie vienne vivre chez lui hors mariage, et Arjun, de façon très mélodramatique, cherche à convaincre sa copine de ne pas le quitter. Et à la quatrième minute, Inba tire, trois fois, sur Michael.

Puis viennent les flashbacks.

La structure du film interroge : en général, chaque partie du film développe une intrigue, ou un aspect de l'intrigue, séparés entre eux par l'entracte. On aurait pu avoir en une première partie les flashbacks sur les personnages, puis le retour au présent dans la deuxième. Les "trois points" du titre, référence à une lettre de l'alphabet tamoule et qui suggèrent aussi bien les trois balles que se prend Michael que les trois personnages principaux, se seraient ainsi vus réunis par un montage parallèle en une même moitié de film. Ici, la première partie est constituée de la courte séquence d'introduction dans le présent, puis des histoires, en flashback, de Inba et Michael. Vient l'entracte, et le flashback d'Arjun , qui se trouve ainsi isolé, avant le retour au présent. Cette structure, qui met en valeur Arjun, en fait le personnage porteur du sujet du film : le jeune homme sans conviction qui va, peut-être, accepter de s'engager pour ses concitoyens.


 "je ne suis pas comme vous, je suis comme tout le monde, égoïste"

Présentons les trois personnages principaux : Inba, donc, le petit gangster qui se verrait bien plus grand, violent et sans scrupules, au service d'un homme politique véreux qui lui demande de calmer l'agitation étudiante contre les "pourris". Michael, le leader étudiant, galvanisant les foules et donnant de sa personne, pas si différent, dans son aspect brutal, d'Inba. Et Arjun, le dragueur, qui voit une amourette avec Meera (Trisha) se transformer en amour alors qu'il se prépare à partir étudier aux États-Unis et que Meera va bientôt se marier. Les trois flashbacks se terminent sur un retour à la case départ, à la première séquence, sur le pont. Les trois personnages vont bien sûr se rencontrer de nouveau, et Arjun va peut-être passer du statut de témoin (de l'attentat) à celui d'acteur. On n'en dira pas plus.

Les trois acteurs sont inégaux. Siddharth joue son rôle habituel de tombeur, c'est d'ailleurs lui qui a la seule "party song" (sans grand intérêt). Surya est assez décevant, essayant sans doute de montrer sa détermination en ayant la même expression pendant tout le film. Madhavan, en revanche, est exceptionnel de force brute et de charisme.

 
La scène où se décide, de façon assez originale, la place de chacun dans le petit monde de la prison par une partie de kabaddi

C'est bien filmé, mais pas aussi bien que d'autres films de Mani Ratnam. Les scènes de foules restent son point fort, elles sont toutes marquantes ; mais les scènes de rixes manquent de réalisme, sans atteindre pour autant les excès de certains films tamouls.

Le président de l'université contre la foule des étudiants

La musique d'A.R. Rahman est elle aussi légèrement décevante. Même la chanson censée motiver la jeunesse ("Yuva", titre de la version hindi du film), qui reprend le titre de l'hymne national, manque un peu de peps. Et on a la drôle d'impression que toute la jeunesse indienne est composée d'étudiants...


Les personnages féminins sont relativement développés, bien que l'une des trois femmes soit quand même presque présentée comme une récompense pour un des héros qui a fait le bon choix. Elles décident  toutes les trois de leur vie (lieu de résidence, décision sur un avortement...), sans en parler à leur compagnon. Sasi (Meera Jasmine) est la plus fouillée. Et l'on en vient au sujet qui fâche : son homme est violent, il la frappe, on le voit, fait assez rare pour être souligné, battre sa femme à l'écran, et pourtant leur relation est totalement romantisée. Ils ont plein de scènes mignonnes ou un peu coquines, comme si leur relation n'était pas foncièrement toxique. Ils sont filmés dans de jolies teintes chaudes et ont "la" chanson romantique du film, dans lequel Inba porte sa femme sous un parapluie, sous une pluie battante. Cela n'envoie pas vraiment le bon message.



Bref, le film, qui a été simultanément tourné en hindi avec Ajay Devgan (pas très convaincant en Michael), Abhishek Bachchan en gangster et Vivek Oberoi en Arjun, est légèrement décevant. Cependant, malgré mes réserves, je préfère la version tamoule, qui donne une impression d'authenticité que n'a pas Yuva (titre de la version en hindi)




bonus : Esha Deol et Surya parlent un peu français !

25.5.20

Kaadhal (2004 - Tamoul)

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Kaadhal, en tamoul, c'est l'amour, tout simplement. Il n'a pas besoin de qualificatif tant ce que vivent les deux personnages est un sentiment pur, opposé à une société qui ne le leur pardonne pas.

Attention, il va y avoir des spoilers dans cet article, y compris sur la toute fin du film.

Aishwariya (Sandhya) tombe amoureuse de Muruga (Bharath). Mais Aish est la fille d'un riche mafieux de Madurai, tandis que Muruga est un pauvre mécanicien.

Ce qui frappe d'emblée c'est le parti pris réaliste du film. (Presque) rien n'est tabou, l'image n'est pas particulièrement soignée esthétiquement (il y a de jolis plans quand même, mais ils ont presque l'air accidentel), et montre la vie de tous les jours de Madurai, alternant entre plans très larges sur la ville (et ses très nombreux temples monumentaux, qui évoquent tout de suite une ville plus conservatrice que Chennai  qui sera aussi filmée de la même manière (mais sans temples !) par la suite), et plans très serrés sur les visages des amoureux, très souvent montrés ensemble, dans une proximité touchante.


Autre point qui concourt au réalisme du film, les acteurs sont des débutants, et malgré leur charme indéniable, ont des têtes, si je puis dire, de Monsieur et Madame Tout-le-monde. Ils ont de l’acné, et un physique assez différents des standards du cinéma indien (la couleur de leur peau, notamment, est frappante, tant le cinéma tend à privilégier les peaux très claires, pourtant pas si courantes dans le pays).


 
 Monsieur et Madame Tout-le-monde

Pour Aish, la fille de riche (dont le prénom même évoque la richesse), ce réalisme est aussi une descente brutale dans la réalité du pays. Elle s'enfuit dès le début du film avec Muruga, pour Chennai, où leur problème central sera de trouver des toilettes pour femmes et une douche à peu près propre. Le contraste est frappant dans le traitement de la puberté de la jeune fille (l'actrice avait 16 ans à l'époque). Elle a pour la première fois ses règles au début du film, et cette entrée dans le marché matrimonial est célébré avec faste, selon le rituel tamoul. La jeune femme est isolée dans une hutte, enduite de curcuma, et toute la ville ou presque invitée à célébrer l'occasion lors d'un banquet. Dans la deuxième partie, à Chennai, le traitement est tout autre : Aish a ses règles, peut à peine marcher, et envoie Muruga lui chercher des serviettes hygiéniques (ce que je trouve fort romantique, car Muruga ne craint pas de ne pas paraître virile, et Aish lui fait assez confiance pour lui confier des choses intimes). Les discussions sur son mariage (arrangé) imminent sont elles aussi très crues : personne ne se cache pour parler de dot, Aish est considérée comme un bien à vendre, rien de plus ("En quoi serais-je plus riche si votre fille fait des études ?" demande la future belle-mère).

Le réalisme est parfois un peu trash même, comme lorsqu'on voit le petit garçon qui travaille avec Muruga cracher dans le thé d'un client désagréable. C'était quand, la dernière fois que vous avez vu de la salive dans un film indien ?



Arrivé à Chennai, le couple doit se marier rapidement non par romantisme (même si cela faisait partie de leur plan pour le long terme), mais pour trouver un logement, personne ne voulant leur louer d'appartement. Ce mariage improvisé, auquel se joignent les habitants d'un foyer pour hommeq où vit un ami de Muruga, est un très joli moment, romantique dans sa simplicité et la solidarité de classe qu'il démontre, mis en scène dans une des rares chorégraphies du film. La plupart des chansons en effet sont vraiment bien intégrées au film, et arrivent naturellement. Seule cette chorégraphie et un duo romantique font exception.


Ce sont dans ces instants que le réalisateur ose des plans plus symboliques :


C'est là aussi que se niche l'ultime tabou : la scène de sexe est remplacée, comme d'habitude, par une chanson. Elle intervient juste après que Muruga a vu Aish nue, et est suivie par un plan des deux amants dans leur lit. Le symbolisme fait qu'il est impossible de se tromper sur le sens de cet intermède. Notons que cela a lieu, pour une fois, avant le mariage


hum... ("et je suis tendu comme un arc")

Ce réalisme n’empêche pas une dramatisation discrète mais efficace de l'histoire, portée par la passion des amours adolescentes. La famille d'Aish est visiblement mafieuse, et puissante. Il y a le père, brutal, et l'oncle, plus diplomate, plus mielleux. C'est elle qui fait respecter la coutume, obligeant dès le début du film un couple marié par amour à annuler leur mariage inter-caste (là encore, on tranche avec les topos des films indiens, dans lesquels le mariage est toujours pour la vie). Il va donc être bien compliqué pour les deux héros d'obtenir la bénédiction de la famille de la jeune femme, dont la fuite est qualifié "d'insulte" et d'"humiliation" pour une famille respectée pour son pouvoir et sa richesse, mais aussi pour son respect des coutumes, notamment de caste.

Tout commence donc par la fuite des deux tourtereaux, dont la réunion est retardée par une procession en l'honneur du dieu Muruga.



En effet le héros porte le nom du dieu qui est peut-être le plus vénéré dans les villes tamoules. Double effet : effet de réalisme, le bus est retardé par un des nombreux rituels qui rythme la vie de Madurai. Et effet prémonitoire : même si aucune intervention divine n'est évoquée (elle détonnerait dans le film) l'homonyme divin du héros semble s'opposer à sa fuite, ce qui n'est guère bon signe. Les deux jeunes gens ont peur, Aish doit se déguiser en garçon pour ne pas attirer les regards. Puis vient le flashback, d'abord les souvenirs d'Aish, puis ceux de Muruga. L'amour naissant est montré avec beaucoup de poésie : ne pouvant pas se rencontrer longtemps, le couple se croise à moto et échange de brefs sourires. Pas mal de naïveté aussi, Muruga est si distrait par ses sentiments qu'il manque de boire du pétrole au lieu de son verre d'eau (c'est peu être la séquence la moins réussie du film, car elle semble exagérée). La plupart des chansons (très plaisantes) ne sont pas chorégraphiées. La première partie s'achève sur la fin de ces retours en arrière, qui semblent après coup dépeindre un monde idyllique où l'on vit d'amour et d'eau fraiche. Immédiatement après, la famille se lance à la poursuite du couple, et la vie des héros alterne avec l'enquête pour retrouver les fuyards. Quand il les trouve enfin, l'oncle les convainc de revenir à Madurai, feignant d'avoir eu plus de peur que de colère. S'en suit une conversation dans la voiture qui commence assez classiquement  "tu as fait des études ?" "tu gagnes combien ? " "tu es de quelle caste ?". Et là, à la réponse de Muruga "La caste de l'humanité", tout déraille soudainement, l'oncle dévoilant son vrai visage.

La toute fin du film (violente, naturellement) est elle aussi dramatisée, par une révélation faite au tout début du générique qui oblige à regarder tout le film d'un autre œil : l'histoire est vraie, le réalisateur a rencontré le "vrai" Muruga dans l’hôpital psychiatrique où il vit désormais.

Si l'injustice est flagrante Aish, la petite fille riche, qui a poussé Muruga a s'enfuir avec elle, s'en sort nettement mieux que lui, il y a aussi une note d'espoir en la personne du mari d'Aish, visiblement nettement plus humain que sa famille (effet de génération ?), qui accepte de prendre soin de Muruga devenu fou sous l'effet des coups et du chagrin.

Ce film, qui a été un succès surprise, a ouvert la voie à une vague de films tamouls réalistes, tous plus déprimants les uns que les autres. Kaadhal reste l'un des meilleurs d'entre eux.

23.5.20

Student Of The Year (2012)

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Il y a des films que personne n'oserait qualifier de bons, qui sont totalement régressifs mais absolument jouissifs. Il faut reconnaître que Karan Johar a un don pour ce genre de films. Et comme toujours, on ne sait pas trop ce qui est à prendre au premier degré et ce qui est à prendre avec un peu de distance. Student Of The Year est une sorte de film de campus comme Hollywood en est friand, mais où tout est exagéré, exacerbé. Et l'effet est grandiose.


Sorti en 2012, il possède deux particularités : les acteurs principaux sont tous des débutants (sauf Alia, qui avait eu un petit rôle enfant), et le film est sorti pile au moment où faute de temps je renonçais au cinéma indien. Je n'ai donc pas vu Sidharth Malhotra (Abhimanyu), Varun Dhawan (Rohan) et Alia Bhatt (Shanaya) faire les belles carrières qui ont suivi SOTY.

Tous ces petits nouveaux ont droit à leur entrée en scène de star, hypersexualisée (et assez gay) pour les hommes, bien cliché pour Alia, dépeinte en une chanson en accro à la mode, et un peu plus tard comme "pas trop maligne".

le torse de Rohan, qui se rêve en rock star (c'est ce qu'on voit en premier)
Abhi, très sexe
 et l'entrée en scène de Shanaya, au milieu d'une énumération de marques de luxe

Puisqu'on parle de gays, un mot sur un truc assez révolutionnaire. Un des personnages importants est homo, et il n'est pas totalement une caricature. C'est le doyen de l'Université, joué par Rishi Kapoor, très doué en mode comique. Mais pas d'erreur, si ses tentatives de dragues sont censées faire rire, c'est plus en raison de son statut et de son âge que parce qu'elles s'adressent à un homme (comme le flirt entre Miss Braganza et Mr. Malhotra dans Kuch Kuch Hota Hai). Ce qui n'empêchera sans doute pas certains spectateurs de rire pour de mauvaises raisons, et Karan Johar s’accommode de cette ambigüité. Le comique du personnage ne vient pas uniquement de son orientation sexuelle (heureusement) : la scène où il parle à sa plante est irrésistible. Si le personnage joue finalement un rôle négatif (avec une drôle d'explication : comme il n'arrive pas à se lier à quelqu'un, il s'amuse à briser les relations des autres  — qui peut être vue comme une remarque sur l'homophobie de la société indienne qui l'empêche de mener à bien sa vie amoureuse), il est décrit comme énergique et plein d'autorité. A un personnage qui demande si le doyen ne prendrait pas "la voie de derrière au lieu de l'autoroute", on répond "c'est le doyen, pas un taxi". Ou comment casser une vanne homophobe.


La maladie grave du doyen, donc, réunit dans un hôpital un petit groupe d'anciens élèves, dix ans après des événements qui les ont tous marqués. Les personnages parlent en aparté à la caméra, ce qui permet d'introduire les éléments important de l'histoire :


 "le malaise... après dix ans"

Dans une université de luxe, où les élèves se répartissent entre fils de riches donateurs et boursiers, Rohan, gosse de riche peu intéressé par les études, règne en maître. Il est depuis dix ans avec Shanaya, une des filles les plus populaires, mais ne cesse de flirter avec d'autres. Arrive Abhi, boursier, "villageois", et surtout extrêmement ambitieux. Entre les deux jeunes gens va se nouer une amitié profonde mais menacée par la rivalité. Rivalité pour Shanaya, pour l'admiration du père de Rohan, qui méprise son fils musicien et apprécie l'ambition d'Abhi, et surtout pour le trophée d'Etudiant de l'Année. 

L'arrivée d'Abhi, en chanson bien sûr, est joliment chorégraphiée : le chœur des étudiant.e.s commence par l'admirer en mode "qui est ce bel homme ?" (qui rappelle fortement la chanson "Deewana Hai Dekho", de Kabhi Khushi Kabhi Gham (La Famille indienne), du même réalisateur), mais la chanson se termine en affrontement avec Rohan façon West Side Story. Ce qui résume bien la situation. Pourtant rapidement, les deux hommes se lient d'amitié (par calcul de la part d'Abhi ? La question est posée).

Mais si l'Université Saint Teresa est un monde à elle tout seule, où se reproduisent tous les défauts du monde réel, les étudiants retrouvent un week-end sur deux leurs familles, toutes détestables, ambitieuses et calculatrices, et les plus riches ne sont pas les mieux lotis. La famille, c'est compliqué chez Karan Johar, mais c'est la première fois que je vois les relations familiales dépeintes de façon si négative. Quand on fait remarquer à Rohan qu'il est finalement devenu quelqu'un, il répond : "c'est parce que j'ai quitté mon père". On est très très loin de La Famille Indienne.


Le films tisse trois fils : l'intrigue amoureuse, la vie familiale des personnages, et la rivalité qui menace leur amitié, amitié pourtant vitale pour ces jeunes gens sans appui affectif dans leur famille. Plus le film avance, plus la critique de la compétition qui règne dans l'université (et dans tous les établissements indiens ?) est dure. Elle est cristallisée par la course au trophée de l'Etudiant de l'Année, qui occupe la deuxième partie du film, et dans laquelle les motivations de chacun sont bien différentes, comme on le découvre peu à peu. Si la compétition est rythmée et prenante, elle pose un problème pour le spectateur français : elle contient un jeu de piste dont les énigmes sont difficilement compréhensibles pour un non-indien.

Le gros point fort du film, est de réussir à raconter une histoire fluide en mêlant ces différents éléments. De même, les personnages secondaires ne sont pas que des clichés* ou des faire-valoir, ils jouent aussi un rôle dans les différentes intrigues et les complexifient. Ce n'est pas un film aussi facile qu'il en a l'air.

Shanaya entre ses deux hommes

L'intrigue amoureuse, assez cliché là aussi par moment (Shanaya veut rendre jaloux Rohan en flirtant avec son meilleur ami, qui bien évidemment tombe amoureux), réserve néanmoins de belles surprises. Shanaya, par exemple, qui explose "je ne suis pas un prix à remporter". Ou le sérieusement révolutionnaire "Radha on the dance floor", qui reprend le thème classique de Radha, la favorite du dieu Krishna, jalouse de le voir flirter avec les gopis (de jolies vachères). Mais la musique dance concurrence sérieusement les passage plus classiques. Et surtout, Shanaya dit des choses que je n'avais jamais entendues sur ce thème traditionnel : "Tout le monde tient Radha pour responsable" des infidélités de Krishna, "Radha en veut plus", "Radha aime bouger ce corps d'Indienne". ça secoue.


Pour résumer, c'est un film très Bollywood dans ses excès, mais adapté assez habilement pour un public né autour de l'an 2000. La critique sociale est bien présente, mais n'enlève rien aux moments d'émotions très touchants, que ce soit dans l'histoire d'amour ou d'amitié, et la fin contient son lot de surprises. La musique est assez moyenne, c'est bien dommage. Enfin, je découvre avec plaisir cette plus si nouvelle génération d'acteurs bien prometteuse et charmante (Surtout Siddarth...).



Et toujours, cette petite distance qui n’empêche curieusement pas l'émotion : comment prendre entièrement au sérieux un film dont une chanson s'intitule "l'Amour qui aime" ("Ishq wala Love")** ? 


*on aurait bien aimé, quand même, que l'intello ne soit pas un gros à lunettes, et la meilleure amie de l'héroïne une jeune femme à la peau plus foncée qu'elle. 
** une personne plus douée que moi en langues me suggère que ce titre est peut-être à prendre au 1er degré, voyant "love" comme une amourette et "ishq" comme l'amour passionné. Un truc comme "une amourette de tout cœur" (c'est ma traduction tenant compte de cette interprétation, et j'ai bien conscience qu'elle n'est pas terrible).

22.5.20

Yeh Jawaani Hai Deewani (2013)

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Quand deux jeunes hommes et deux jeunes femmes partent en randonnée en montagne et se retrouvent neuf ans plus tard, on imagine, le cerveau empli de très nombreux films indiens, que deux couples se formeront parmi eux.

Yeh Jawaani Hai Deewani vaut le coup ne serait-ce que parce qu'il détourne ce schéma attendu. Je vais devoir spoiler assez largement la deuxième partie pour en parler, si vous ne l'avez pas vu, il vaut peut-être mieux ne pas lire.

Cette "folle jeunesse" (c'est le titre du film) est celle de Kabir (Ranbir Kapoor), Avi (Aditya Roy Kapur) et Aditi (Kalki Koechlin), trois amis qui partent en voyage à Manali, dans l’Himalaya. Ils sont rejoints à la dernière minutes par Naina (Deepika Padukone), beaucoup plus sage, mais lassée de sa vie monotone et studieuse d'étudiante en médecine. Juste après leurs vacances, Kabir part étudier le journalisme à l'étranger, malgré l'émergence de sentiments entre Naina et lui.
Quand il revient neuf ans plus tard, pour le mariage de l'une d'entre eux, beaucoup de choses ont changé.



Aditi nous est montrée comme amoureuse d'Avi. On s'imagine donc que neuf ans plus tard, c'est lui l'heureux élu. Et bien non ! Avi est plus que maussade au mariage, on s'imagine qu'il est jaloux du futur mari. Et bien non ! Et déjà, qui aurait imaginé qu'Aditi serait la première à se marier ?

En effet, Aditi, jouée par l'actrice blanche (mais indienne) Kalki Koechlin, semble cumuler tous les clichés associées aux occidentales. Elle est un peu hippie, pas très respectueuse de ses aînées, court vêtue, la seule à partir en rando avec un maquillage visible. Et il est fait allusion plusieurs fois à sa possible bisexualité. Bref, pas vraiment la fille indienne traditionnelle. La mère de Naina dit d'elle "A force de profiter de la vie, elle va finir enceinte et malheureuse". Évidemment, elle fume et boit. Petit accroc au cliché quand même, ce n'est pas elle, mais une Indienne, Lara, la tombeuse d'homme du groupe : Aditi en effet est secrètement amoureuse d'Avi. Et à la surprise générale de la spectatrice (moi), elle est la première à se marier, un mariage arrangé qui plus est,  un mois après avoir rencontré son prétendant.

avant 
 
après

Naina, l'intello de service (elle a des lunettes), prend ses études très au sérieux et ne rejoint qu'à la dernière minute ses amis. Religieuse, réservée, elle n'est pas tellement à sa place parmi cette bande de grands adolescents. D'ailleurs, c'est la seule qui fait la cuisine, quand les autres mangent des sandwichs au jambon. Dans la logique "maman ou putain" dont le film ne s'affranchit pas totalement (malgré de notables efforts), elle est clairement le premier terme. Quand ils jouent à "qui n'a jamais", elle réalise qu'elle n'a jamais rien fait de transgressif. Et pourtant, elle ne manque ni de courage ni de détermination.
Son départ en randonné marque le début de sa libération, de ses parents étouffants, et de ses propres exigences. De façon amusante, on la voit rejoindre Kabir à bord du train en marche non à la fin du film, quand l'héroïne enfin libre rejoint d'habitude son bien-aimé, mais avant leur départ en vacances.

Attends-moi !

Naturellement, l'intello va tomber ses lunettes et apprendre à vivre plus libre, mais sans renoncer à ses priorités : la famille, la beauté d'une vie calme, la médecine. D'ailleurs, elle remet ses lunettes quand elle seule (ce qui est beaucoup plus réaliste que la transformation de l'héroïne de Kal Ho Na Ho (New-York Masala), elle aussi nommée Naina, qui lorsqu'elle se décoince un peu voit sa myopie disparaître soudainement). Quand elle se débride un peu, ce n'est pas avec de l'alcool, mais avec le plus traditionnel et acceptable bhang (cannabis comestible)*. Et, surprise, quand Kabir part, huit ans, elle ne l'attend pas et le dit.
 
 avant
 après, pour la première fois filmée comme une star de cinéma, avec brushing et décolleté, et allure à tomber.

Kabir est le contraire de Naina. Mais comme ils le disent tous les deux, aucun des deux n'a tort, ils sont juste très différents. Pas de jugement moral ici, c'est rafraichissant.

 Kabir est différent

Passionné de voyages, il ne tient pas en place, ne semble pas spécialement attaché à l'Inde (il ne pourra même pas revenir pour l'enterrement de son père - et c'est là que l'on voit qu'il est l'opposé de Naina : elle voit naître des enfants, lui n'est pas là à la mort de son père pour accomplir les rites funéraires). Mais à leurs retrouvailles leurs sentiments n'ont pas faibli, et il va devoir choisir entre sa vie de globe-trotter et Naina. Un simple "I love you" ne suffira pas. Il va aussi lui falloir se réconcilier post-mortem avec son père.

Une pause dans la description des personnages pour revenir sur la vision des blancs dans ce film. Outre Aditi, on croise des touristes allemands, dont tout ce que l'on sait est qu'ils organisent une fête, une blonde peu farouche à Paris (gros cliché, elle) et les journalistes occidentaux pour qui Kabir travaille au début comme stagiaire. Ceux-ci viennent filmer pour un reportage à sensation la misère des maisons-closes indiennes, à l'inverse de la tradition de la "courtisane", éduquée et admirée. Juste après, la voici d'ailleurs qui paraît, en la personne de Madhuri Dixit qui récite de la poésie et se lance dans une danse (en reprenant le nom du personnage qui l'a rendue célèbre dans Tezaab). Regard européen contre regard indien.


De manière amusante, quand Kabir devient vraiment photographe, c'est à son tour de photographier la contre-culture occidentale, entre petits deals et graffitis. Un donné pour un rendu.

Retour aux personnages, et à Avi, le plus énigmatique. On sait peu de choses de lui dans la première partie. Dans la deuxième partie, on le voit très alcoolisé et visiblement de mauvaise humeur au mariage d'Aditi, dont on suppose donc qu'il doit être aussi amoureux. Et l'on s'attend avoir les deux tourtereaux se réunir à la fin du film. Mais non. Avi est jaloux, et furieux, mais contre Kabir, qui les a abandonnés pour vivre son rêve, sans donner de nouvelles, alors que lui, Avi, voit ses projets professionnels échouer. Cette amitié profonde qui se développe dans la deuxième moitié est un des aspects les plus touchants du film.



Un mot sur mon avis quand même ! J'ai beaucoup aimé ce film plus complexe qu'il n'y paraît. Le scénario est plein de surprises. Les acteurs sont très bons (y compris Ranbir, que je n'aime pourtant pas beaucoup - et il sait danser !).



La belle photographie met bien en valeur les paysages de montagnes puis la ville d'Udaipur. La musique, sans être exceptionnelle, est entrainante. Et on a même deux guest stars : le regretté Farooq Sheikh, mort l'année du film, et grosse surprise, la star télugu Rana.




Et juste pour le plaisir, deux des plus beaux sourires de Bollywood :















*note de fondue de langues (lecture très facultative). La chanson de Holi où Naina s'éclate la désigne par le mot "balam", un des nombreux termes affectueux pour désigner la bien-aimée. C'est amusant car ce mot, autrefois courant dans les chansons d'amour, en avait presque disparu (cf Talking Songs: Javed Akhtar in Conversation With Nasreen Munni Kabir). Une façon de souligner le caractère plus traditionnel de Naina ? Ou peut-être est-ce que j'extrapole complétement.