19.9.06

Sholay (1975) - Le western culte

Plongée dans les 70s avec ce film étonnant que l'éditeur du DVD qualifie de "western curry". J'ignore si l'expression est d'usage courant, mais elle qualifie bien la chose : tous les ingrédients d'un western traditionnel, une forte pincée d'ironie qui rappelle les westerns spagetti, et bien sûr des chants et des danses. Le tout est extrêmement divertissant et comparable en qualité aux films de Sergio Leone.

Sur les épaules de Jay Veeru improvise un petit air à l'harmonica

Un petit rappel historique pour commencer : Sholay sort en Inde en 1975 et ne rencontre tout d'abord que peu de succès : le film est jugé trop violent, trop original. Fort heureusement sa musique devient néanmoins rapidement populaire, et finit par inciter les Indiens à aller voir le film. Celui-ci reste finalement à l'affiche cinq ans, bat tout les records au box-office, et aujourd'hui encore les meilleures de ses répliques sont connues de tous les Indiens. C'est en outre Sholay qui a fait d'Amitabh Bachchan une star.

Celui-ci joue Jay, l'un des deux héros. Jay et Veeru (Dharmendra) sont deux jeunes et sympathiques outlaws qu'un ancien officier de police devenu propriétaire terrien engage pour capturer l'infame bandit qui terrorise la région, le vraiment très méchant Gabbar Singh . Veeru, dragueur invétéré, tombe sous le charme d'une jolie conductrice de carriole, la bavarde Basanti, tandis que Jay aimerait bien en apprendre un peu plus sur la jeune femme silencieuse qui loge chez son employeur.

cactus, train et bandits à cheval

Cet aperçu du scénario montre bien le mélange des genres qu'opère le réalisateur Ramesh Sippy. D'un côté ce film a tout du western : les grands thèmes (vengeance, question de la loi...) comme les topoï (attaque de train, fusillade, poursuite à cheval, pont que l'on fait exploser à la dynamite, arrivée de la cavalerie juste à temps...). Il faut dire que le scénario s'inspire des Sept mercenaires et d'Il était une fois dans l'ouest. L'influence de Sergio Leone est d'ailleurs perceptible dans d'autres aspects du film : soin porté à une musique résolument moderne, durée des plans, travail sur le cadrage, et même jeu des acteurs (celui d'Amitabh Bachchan n'est pas sans rappeler celui d'Eastwood, période Le bon, la brute et le truand)...

Mais comment construire une tension semblable à celle des films de Sergio Leone, qui se développe jusqu'au duel final, quand les personnages s'arrêtent à tout bout de champ pour pousser la chansonnette? Sholay y parvient tout d'abord en intégrant parfaitement au film les danses, qu'elles jouent un rôle dans la structure dramatique du film (comme la danse de Basanti au campement de Gabbar, cf. photo ci-dessous) ou qu'elles servent de comic relief, en jouant du contraste (la fête de Holi interrompue par une attaque), mais aussi en travaillant le rythme (les morceau musicaux ne durent pas une seconde de trop), et surtout en faisant passer dans les chorégraphies le naturel et la légéreté avant l'esbrouffe. La musique, qui évoque par moment celle d'Ennio Morricone, s'appuie sur les bruits et les rythmes du film (celui de la carriole de Basanti, par exemple).

Moment de grande tension : sous la menace des hommes de Gabbar, Basanti danse pour sauver Veeru

Certaines danses sont de grands moments comiques, mais ce ne sont pas les seuls de Sholay. Le discours que fait Veeru du haut de la citerne, passablement ivre et désespéré de ne pouvoir épouser Basanti, sur un thème pourtant potentiellement tragique, est l'un des passage les plus drôle du film. Il explique dans un anglais très approximatif à la foule que tous les amoureux désespérés finisse par commettre a suicide, mot auquel les villageois donne un sens bien particulier, et qu'il compte bien en faire autant, mais il ne cesse de retarder son passage à l'acte, jusqu'à faire enfin cèder la tante de Basanti.

Jay n'intervient pas au cours de cette scène. Assis au pied s'une maison, il semble bouder. Il a en effet tout tenter pour empêcher ce mariage (et ces sabotages successifs constituent un autre ressort comique efficace). Version officielle : il ne veut pas que Veeru se range et rompe leur collaboration. Sholay est cependant suffisamment ambigu (surtout vu d'occident, où l'amitié ne s'exprime pas de la même façon) pour que certains aient pu imaginer une relation homosexuelle entre les deux compères. Amour ou profonde amitié, leur relation est en tout cas difficile à oublier et prend en charge l'essentielle de la dimension "sentimentale" du film. La chanson qui la célèbre est d'ailleurs la plus connue du film.

Jay tire plus vite que son ombre, et sabote tout aussi vite les efforts de son pote pour impressionner Basanti

L'objectivité exige que je signale aussi les quelques défauts du film. Je n'en vois que deux : le comique de répétition assez lourd de la scène de la prison, et un affrontement final entre Gabbar et sa victime un peu trop long (en outre l'intervention de la censure y est manifeste).

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