12.4.10

The Fall (2006)


Ceci n'est pas un film indien. C'est un film américain, qui parle, essentiellement, de l'Amérique, de son cinéma, de son histoire. Pourquoi j'en parle, alors ? Parce que le réalisateur est indien. Parce qu'une bonne partie de l'action se déroule dans de sublimes paysages indiens. Parce que c'est un film qui mérite bien un petit peu de pub.

Tarsem Singh s'est fait connaître en réalisant des clips et des films publicitaires. The Fall est son second film après le thriller The Cell. The Fall est un échec commercial aux Etats-Unis (malgré une presse dithyrambique) ; en France, pas de sortie en salle, mais, heureusement, une sortie DVD. Rien dans la presse.

Et pourtant The Fall ne mérite pas tant d'indifférence.

ATTENTION AUX ENORMES MECHANTS SPOILER CI-DESSOUS

Un hôpital de Californie, entre les deux guerres. Une petite fille qui est tombée et s'est cassé un bras. Un cascadeur qui est tombé lui aussi, du haut d'un pont, pour fuir un chagrin d'amour, et ne peut plus quitter son lit. Le cascadeur veut en finir. Il va donc captiver la petite fille par une histoire, pour la convaincre d'aller voler de la morphine.


Son récit met en scène cinq camarades unis par leur haine envers le gouverneur Odious. Au début on ne voit pas trop où va cette histoire, un peu molle, il faut l'avouer, pendant la première demi-heure, puis on comprend que le conteur ne le sait pas plus que nous. Pour compliquer davantage les choses, la petite fille comprend mal l'anglais, et interprète à sa façon ce qu'elle ne connaît pas. C'est cette fusion d'un conte dont le seul fil directeur est l'humeur du conteur et de l'imagination de sa jeune auditrice qui nous apparaît, sous la forme d'images absolument hallucinantes.



J'ai abondamment illustré cet article, mais j'aurais pu mettre bien plus d'images, tant chaque plan est stupéfiant. Des décors provenant de dix-huit pays, un travail sur les couleurs qui évoque parfois Zhang Ymou, et une invention formelle de tout les instants. Parmi les passages marquant, un labyrinthe sorti d'une œuvre d'Eicher, et un raccord qui transforme le visage d'un prêtre fourbe en paysage menaçant.


Autant dire que dans la première moitié du film, l'intérêt du conte est surtout visuel. En effet le fait que son intrigue n'aille nulle part et soit sans cesse modifiée par les interventions de la fillette empêche qu'on y entre vraiment. Ce qui n'empêche pas d'apprécier ce coté foisonnant, qui n'est pas sans rappeler l'univers du roman de Vikram Chandra, Red Earth and Pouring Rain, avec lequel The Fall partage de nombreux thèmes et motifs*. Ce n'est que peu a peu que le conte gagne en tension dramatique, au fur et à mesure que la réalité prend le dessus et qu'on cesse de le regarder comme une belle histoire pour enfants pour ne plus voir que l'expression d'un esprit désespéré et manipulateur.



Bref, un film à voir, parce que malgré ses petits défauts c'est un film qui ne tombe jamais dans le pur formalisme, et qui est même carrément émouvant, tout en nous offrant des images comme je n'en avais jamais vues au cinéma, et en prime, une réflexion sur ce que c'est qu'une histoire.









*Outre la réflexion omniprésente sur la narration et les pouvoirs du récit, outre le thème de la mort désirée qui ne vient pas, outre également le cadre géographique des palais indiens, on retrouve un certain nombre de motifs tels que le suicide par défenestration d'une épouse outragée, la présence d'un singe plus intelligent que bien des humains, et abattu d'un coup de fusil alors qu'il est en haut d'un mur, ou encore l'idée qu'un écrit avalé peut réapparaître sur le corps de l'homme qui l'a ingéré.
Les ressemblances s'arrêtent là. Sont-ce les réminiscences d'une lecture de ce roman par le réalisateur ?

2 commentaires:

Eunostos a dit…

Ce film a effectivement l'air très beau, je loucherai sur le DVD à ma prochaine sortie shopping (mais après le DVD d'Agora ;-) ).

Adeline a dit…

Oui, ça vaut le coup d'oeil, d'autant que le DVD est bradé un peu partout.