A. Un cinéma commercial qui tourne en rond
J’ai évoqué en introduction le non-renouvellement des acteurs de ce cinéma, et sa baisse de
qualité à cette époque. Mais il déplaît aussi aux auteurs du nouveau cinéma sur un plan plus idéologique.
Pourtant le cinéma commercial de l’époque est lui aussi politisé. Et, comme le nouveau cinéma, il défend
des valeurs progressistes « de gauche » (sur le plan socio-économique en tout cas, beaucoup moins en ce
qui concerne les questions de genres) : Indira Gandhi clame à qui veut l’entendre qu’il faut libérer les
paysans du féodalisme, et faire disparaître la pauvreté, et de nombreux réalisateurs de films populaires
font échos à ses propos, moitié par conviction, moitié par opportunisme. Mais dans ce cinéma la pauvreté
est symbolisée par quelques scènes mélodramatiques, toujours les mêmes (une mère qui ne peut plus
nourrir son fils, une jeune femme obligée de se prostituer… ). Bidonvilles ou villages sont reconstitués en
studios sans aucun soucis de réalisme ni d’ancrage régional. L’injustice est vaincue par l’action d’un héros
solitaire, presque surhumain. Et la réflexion sur les causes de cette pauvreté est réduite au strict
minimum (c’est la faute de la corruption). Bref, le spectateur n’est pas incité à agir, encore moins à
réfléchir. On lui propose simplement une revanche imaginaire sur les classes dominantes, le temps du
film.
B. Une plus grande ouverture au cinéma du reste du monde
Ceux qui vont créer le nouveau cinéma ont heureusement de plus en plus accès à d’autres films,
ceux produits dans le reste du monde. C’est la période du développement des ciné-clubs en Inde, bientôt
suivi par le développement de la vidéo, permettant de découvrir les innovations d’autres auteurs indiens,
mais aussi de partout ailleurs. L’International Film Festival of India joue le même rôle. Fondé en 1974, le
Film and Television Institute of India est quant à lui à la fois un prestigieux centre de formation, d’où sont
issus bon nombre d’acteurs et de réalisateurs du mouvement, et une cinémathèque.
C. L’engagement de l’Etat
Le nouveau cinéma indien, écrit Aruna Vasudev dans The New Indian Cinema (1986) « est né
d’une décision gouvernementale ». Les modalités des aides financières et des récompenses attribuées
influent fortement sur l’idéologie de ces films, et sur la prédominance de cette dernière sur la forme des
films. Par ailleurs, si l’Etat soutient la formation professionnelle et la production des films, rien n’est fait
pour permettre leur distribution en Inde : un grand nombre d’entre eux, après avoir fait le tour des
festivals étrangers, ne sortiront jamais en salle ! Certains Etats indiens, comme le Bengale, alors
communiste, coproduisent également des films. Il est important d’avoir conscience que ces films qui nous
paraissent si critiques envers la société indienne ont été financé par le pouvoir en place. Cela n’empêche
pas d’autres formes de financement plus originales : Manthan, qui raconte la naissance d’une coopérative
laitière regroupant des éleveurs intouchables, a été financé par 500 000 fermiers du Gujarat, membres
d’une coopérative !
Une lassitude face aux films existants, la découverte d’autres cinémas, un effort financier de
l’Etat : le nouveau cinéma est prêt à émerger. Mais en quoi est-il « nouveau » ?
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