Avant de proposer quelques films qui à mes yeux méritent d’être découverts, je voudrais dire
quelques mots sur trois réalisateurs majeurs du nouveau cinéma : l’incontournable Shyam Benegal,
Govind Nihalani, qui a longtemps été son directeur de la photographie, et la réalisatrice Sai Paranjpye qui
a choisi un registre très personnel.
Shyam Benegal (né en 1934), a étudié le cinéma au Royaume Uni et aux Etats-Unis. Il a réalisé plus de soixante films, dont une bonne moitié de documentaires. Ses films, qui abordent des sujets très variés, sont caractérisés par un certain désenchantement, et une ironie qui n’épargne personne (pas même le gouvernement du Bengale, dans un film pourtant financé par ce dernier, Arohan). Il se situe volontiers dans le registre de la satire. Il est toujours actif aujourd’hui, mais semble être retourné à un certain classicisme.
Govind Nihalani (né en 1940) est a mes yeux un des cinéastes les plus intéressant pour la qualité des scénarios qu’il choisit, bien construits et riches. Ces films, souvent policiers, souvent violents aussi, pourraient souffrir d’une certaine sécheresse due à son refus de tout pathos, heureusement compensée par le jeu vibrant d’Om Puri, son acteur fétiche.
Sai Paranjpye enfin se distingue par son choix d’une voie médiane, qui se rapproche du cinéma commercial, notamment par l’inclusion de quelques chansons dans ses films, et par le choix de ses sujets : ses personnages sont souvent issus de la classe moyenne, voir de milieux aisés. Elle peint comme personne l’atmosphère des chawls de Bombay, ces immeubles de la classe moyenne organisés autour d’une cour commune où tout le monde connaît les moindres détails de la vie des autres locataires. Elle accorde une vraie attention à la psychologie de personnages qu’elle filme avec beaucoup de tendresse et d’humour.
Les films présentés ci-dessous font naturellement la part belle à ces trois réalisateurs :
De Sai Paranjpye, avec Shabana Azmi, Om Puri, Naseeruddin Shah, 1980
Shyam Benegal (né en 1934), a étudié le cinéma au Royaume Uni et aux Etats-Unis. Il a réalisé plus de soixante films, dont une bonne moitié de documentaires. Ses films, qui abordent des sujets très variés, sont caractérisés par un certain désenchantement, et une ironie qui n’épargne personne (pas même le gouvernement du Bengale, dans un film pourtant financé par ce dernier, Arohan). Il se situe volontiers dans le registre de la satire. Il est toujours actif aujourd’hui, mais semble être retourné à un certain classicisme.
Govind Nihalani (né en 1940) est a mes yeux un des cinéastes les plus intéressant pour la qualité des scénarios qu’il choisit, bien construits et riches. Ces films, souvent policiers, souvent violents aussi, pourraient souffrir d’une certaine sécheresse due à son refus de tout pathos, heureusement compensée par le jeu vibrant d’Om Puri, son acteur fétiche.
Sai Paranjpye enfin se distingue par son choix d’une voie médiane, qui se rapproche du cinéma commercial, notamment par l’inclusion de quelques chansons dans ses films, et par le choix de ses sujets : ses personnages sont souvent issus de la classe moyenne, voir de milieux aisés. Elle peint comme personne l’atmosphère des chawls de Bombay, ces immeubles de la classe moyenne organisés autour d’une cour commune où tout le monde connaît les moindres détails de la vie des autres locataires. Elle accorde une vraie attention à la psychologie de personnages qu’elle filme avec beaucoup de tendresse et d’humour.
Les films présentés ci-dessous font naturellement la part belle à ces trois réalisateurs :
Nishaant (la fin de la nuit)
De Shyam Benagal, avec Shabana Azmi, Girish Karnad, Kulbhushan Kharbanda,
Amrish Puri, Naseeruddin Shah, 1975
Le cadet d’une famille de propriétaires terriens, un jeune homme timide et faible, suit la tradition
familiale en enlevant la femme qui lui plait, l’épouse du maître d’école. Celui-ci remue ciel et terre pour
la récupérer, en vain, jusqu’à ce que le prêtre du village accepte de s’allier à lui et déchaîne la colère
des villageois contre les seigneurs féodaux. Une relecture très sombre et très ironique de l’épopée du
Ramayana, qui dénonce autant le féodalisme que la lâcheté des pouvoir publics face aux puissants, et
porte néanmoins un regard désabusé sur la violence aveugle inhérente aux révolutions.
Bhumika (le Rôle)
De Shyam Benegal, avec Anant Nag, Amol Palekar, Smita Patil, Amrish Puri,
Naseeruddin Shah, 1977
La vie d’une actrice des années 40 qui peine à trouver sa
place dans une société où ce métier est considéré comme
déshonorant. Usha, magnifiquement incarnée par Smita
Patil, est déchirée entre sa volonté de vivre sa vie comme
elle l’entend et son désir de respectabilité. Une belle
peinture du monde du cinéma indien de l’époque, et un
portrait de femme tout en nuances.
Aakrosh (En colère)
De Govind Nihalani, avec Smita Patil, Amrish Puri, Om Puri, Naseeruddin Shah,
1980
Un aborigène est accusé du meurtre de sa femme. Le jeune avocat brahmane qui le défend mène son
enquête avec professionnalisme, mais sans douter de sa culpabilité. Mais le mur de silence auquel il se
heurte l’amène à revoir ses certitudes. Un film policier au scénario surprenant et très bien construit,
sec, nerveux, sans le moindre pathos, qui dénonce l’oppression dont sont victimes les aborigènes avec
d’autant plus de force qu’il se passe la plupart du tant de grands discours et évite tout angélisme.
L’accusé ne dit quasiment pas un mot pendant toute la durée du film. Om Puri est bouleversant dans ce
rôle presque muet.
Sadgati (Délivrance)
De Satyajit Ray, avec Mohan Agashe, Smita Patil, Om Puri, 1980, moyen-métrage.
Dukhi, un intouchable, a besoin du prêtre du village pour fixer le jour du mariage de sa fille. Celui-ci n’a
pas le temps, mais lui donne plusieurs tâches à accomplir. La derrière, le découpage d’une énorme
bûche, se révèle fatale pour Dukhi, affamé et fiévreux. Mais que faire du corps, source d’impureté,
abandonné près du puits des brahmanes ? Quasiment pas de commentaire, juste des faits, les corvées
que le brahmane donne sans même y penser entre deux sermons pompeux sur la vie et la mort et qui
se révèlent mortelles. Un moyen métrage d’une grande force à voir absolument quand on s’intéresse
au système des castes et à l’intouchabilité.
Sparsh (Le Toucher)
De Sai Paranjpye, avec Shabana Azmi, Om Puri, Naseeruddin Shah, 1980
Adieu la critique sociale, voici une histoire d’amour entre deux individus appartenant à des milieux
aisés. Mais l’un est aveugle (et doté d’un très mauvais caractère), l’autre veuve, dans un pays où les
femmes de castes élevées ne se remarient généralement pas. Tous les deux finissent naturellement
par surmonter leurs handicaps dans ce petit film plein de tendresse et tout en finesse qui inclut
quelques chansons (mais pas de chorégraphie).
Ardh Satya (Une demi-vérité)
De Govind Nihalani, avec Smita Patil, Amrish Puri, Om Puri, Naseeruddin Shah,
1983
Un policier, fragile et violent, dominé par un père autoritaire et en bute à une hiérarchie corrompue
trouve un peu de stabilité et de tendresse auprès d’une professeure de littérature. Le film est
intéressant pour sa peinture nuancée de la police, et pour sa position originale vis-à-vis de la violence
policière, dont le cinéma de l’époque fait généralement l’apologie.
Paar (le Passage)
Pour avoir assassiné l’homme qui opprimait sa
communauté, un intouchable doit fuir son village avec sa
femme enceinte. Ils cherchent du travail à Calcutta, mais le
seul qu’on leur offre est dangereux, surtout pour une
femme enceinte. Gros travail de Naseeruddin Shah (prix
d’interprétation à Venise) et de Shabana Azmi pour
incarner ces deux personnages, avec la gestuelle et l’accent adéquats. Un film qui se distingue par le
soin apporté à la photographie et par l’ampleur qu’il atteint parfois (lors de la séquence
cauchemardesque de l’incendie du village par exemple), mais souffre d’un scénario découpé en deux
parties lâchement reliées.
Ek Pal (Une fois)
De Kalpana Lajmi, avec Shabana Azmi, Naseeruddin Shah, Farooq Sheikh, 1986
Dans l’Etat de l’Assam, l’Extrême-Orient de l’Inde, Priyam doit renoncer l’homme qu’elle aime pour
épouser un jeune homme gentil mais inintéressant au possible, y compris sur le plan sexuel. Elle finit
par le tromper. Un film assez révolutionnaire dans le cinéma indien par les sujets tabous qu’il aborde,
et par son traitement du désir féminin et des relations de couple. Un joli rôle tout en nuances pour
Naseeruddin Shah dans le rôle du mari trompé ; Shabana Azmi est également excellente dans un
registre qu’elle connaît par coeur.
Pestonjee
De Vijaya Mehta, avec Shabana Azmi, Anupam Kher, Naseeruddin Shah, 1988
Deux amis appartenant à la communauté parsie (zoroastrienne) de Bombay ont recours à la même
marieuse. Ils jettent leur dévolu sur une même femme. Pestonjee, plus rapide à se décider, l’épouse.
Piroj, quant à lui, va idolâtrer ce couple, dont il ne voit pas les failles pourtant évidentes, tout en
menant une triste vie solitaire. Une belle reconstitution de la vie de la communauté parsie au milieu
du siècle dernier, et la triste histoire d’un homme qui ne vit qu’à travers le bonheur fantasmé de son
ami. Le film souffre hélas du cabotinage d’Anupam Kher (Pestonjee).
Mane / Ek Ghar (Une Maison)
De Girish Kasaravalli, avec Rohini Hattangadi, Deepti Naval, Naseeruddin Shah,
1991 (film en langue kannada, doublé en hindi sous le titre Ek ghar)
Un couple sans enfant s’installe dans un appartement. En son centre, abandonné, trône le lit de leurs
prédécesseurs. Dans le taudis qui jouxte leur immeuble travaillent toutes les nuits des ferrailleurs qui
les empêchent de dormir. Qu’est-ce qui fait qu’on se sent chez soit quelque part ? C’est la question que
pose Mane, oscillant sans cesse entre l’analyse sociale (les rapports de classes entre les ferrailleurs et le
15
couple, les rapports de pouvoir entre le mari et sa femme) et une vision plus expressionniste, lorsque
Kasaravalli met en scène les effets du manque de sommeil. Le film est loin d’être parfait, mais dans les
meilleurs moments on pense au Locataire : il y a pire comparaison !
*****
Tous les films du nouveau cinéma ne sont pas aujourd’hui dépassés. Ceux qui ont mal vieilli, et
il y en a beaucoup, conserve un intérêt historique supérieur aux films commerciaux déconnectés de la
réalité. Et certains d’entre eux possèdent de véritable qualités cinématographiques qui en font des films
incontournables pour quiconque s’intéresse au cinéma indien. On assiste d’ailleurs à un certain regain
d’intérêt pour ce mouvement à l’heure où des films sociaux à petit budget recommencent à voir le jour
en Inde, et où les potentialités offertes par internet permettent un meilleur accès à ces oeuvres rares.
PS : une série d'articles consacrés à la filmographie de Naseeruddin Shah est consultable ici
PS : une série d'articles consacrés à la filmographie de Naseeruddin Shah est consultable ici
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