A. Des budgets ridiculement réduits
Le titre de ce paragraphe n’a pas besoin de beaucoup d’explications. Le budget d’un film indien lambda des années 1970 ou 1980 ferait sourire n’importe quel producteur d’Hollywood. Il est pourtant faramineux en comparaison de celui de beaucoup de films du nouveau cinéma. Par ailleurs, selon Aruna Vasudev, le soutien systématique des agences gouvernementales à de très petits films (en termes de budget) a fait naître une esthétique du « cinéma pauvre » qui limite les possibilités et nuit à la qualité technique.
B. Une certaine lourdeur idéologique
Pour recevoir le soutien de l’Etat certains auteurs cherchent les sujets les plus sordides, conformes à l’image d’alors d’un cinéma « sérieux », qui ne cherche pas à divertir. D’autres s’enferment dans l’abstraction idéologique et se coupent totalement des spectateurs. Un bon exemple en est le film de Nihalani Party, interminable huis-clos dans une réception de la bonne société intellectuelle d’une grande ville indienne, où chacun disserte sur le sens de l’engagement politique. La principale faiblesse de ce cinéma tient à la tension entre deux pôles contradictoires : l’idéologie et le réalisme.
Ce point est particulièrement sensible en ce qui concerne le réalisme psychologique, souvent sacrifié au profit de personnages creux, purement fonctionnels, au service du message du film : cela a été à l’origine de tensions entre les acteurs et les scénaristes et réalisateurs. Certains acteurs, et non des moindres (Naseeruddin Shah par exemple), déçus de n’avoir pas de personnages plus consistants à incarner, se sont progressivement tournés vers le cinéma commercial. D’autres difficultés découlent de la même source : comment concilier ancrage dans une réalité locale particulière et illustration d’un dogme à portée internationale, ou au moins nationale ?
C. Les limites des innovations formelles
Le manque de moyens et le poids de l’idéologie se conjuguent pour limiter la qualité formelle de ces films. Le refus des conventions scénaristiques du cinéma populaire va aussi rapidement rencontrer ses limites. Le nouveau cinéma a beaucoup de mal à inventer des scénarios qui se démarquent de ces codes sans imiter le cinéma occidental. D’où une abondance de scénarios bancals, qui ne correspondent ni aux attentes du public traditionnel indien, ni à celui des spectateurs occidentalisés, habitués à plus de rigueur et de cohérence. On assiste à l’émergence de nouveaux clichés, de nouvelles histoires bateau, avec leurs figures incontournables : propriétaires terriens héritiers d’un système féodal qui tarde à disparaître, écrivains portant un regard désabusé sur la société corrompue qui les entourent, pensionnaires de maisons closes qui ne sont que le miroir grossissant de l’exploitation dont sont victimes les femmes « respectables »… Bref, le mouvement s’essouffle, et finit par disparaître au début des années 1990.
Difficile, aujourd’hui, de trouver en DVD les films de cette époque, dont beaucoup ne semble plus exister que dans les mémoires de quelques nostalgiques. Est-ce à dire que ce mouvement n’a plus d’intérêt pour le spectateur d’aujourd’hui aujourd’hui ? Il n’en est rien, car certains réalisateurs ont réussi a géré les tensions issues des ambitions contradictoires du nouveau cinéma, sans renoncer à leurs ambitions formelles et à un style très personnel.
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