6.5.20

Shashi Kapoor (1938 -2017)



Un membre du clan Kapoor



Shashi, de son vrai nom Balbir Raj Kapoor, naît en 1938 à Calcutta. C’est le troisième enfant de l’acteur Prithviraj Kapoor patriarche de la lignée, le petit frère de l’acteur-réalisateur Raj, le génie de la famille, et de l’acteur Shammi. Il apparaît enfant dans quelques films, dont le chef-d’œuvre de Raj, Awaara, au côté de son frère et de son père.

Il jouera à nouveau dans un film de Raj Kapoor en 1978, le très beau conte Satyam Shivam Sundaram. Il a épousé l’actrice anglaise Jennifer Kendal, aujourd’hui décédée, à la suite d’une histoire digne d’un film Bollywood, Jennifer pensant à leur rencontre qu'il était homosexuel, car, comme beaucoup d'hommes indiens, il tenait ses amis par la mains puis, une fois le malentendu dissipé, les parents de la jeune femme s'opposèrent fermement à leur mariage.

Avec son frère aîné Raj
 

Shashi fera carrière d’une façon originale, continuant pour une part la tradition familiale en consacrant beaucoup d’énergie au théâtre, tout en jouant aussi bien dans les films les plus traditionnels que dans des productions internationales.

Avec Jennifer Kendal


L’acteur fétiche des productions Merchant-Ivory



Maîtrisant parfaitement l’anglais, Shashi va apparaître dans la plupart des films indiens de James Ivory : Shakespeare wallah (1965) Bombay Talkie (1970) et Chaleur et poussière (1983), bien souvent aux côtés de son épouse. Dans les deux premiers films, il est co-scénariste. Qu’il joue un aristocrate ou un Don Juan, ce sont son élégance et son pouvoir de séduction qui sont mis en avant.

Bien plus tard, alors qu’il avait interrompu sa carrière, pris beaucoup de poids et sombré dans la dépression, très affecté par la mort de sa femme en 1984, il retrouve Ismail Merchant qui lui offre un magnifique rôle dans In Custody (1993) (film en hindi), celui d’un poète de langue ourdoue autrefois brillant, mais aujourd’hui exploité par sa seconde épouse.

Parmi ses autres films en anglais, il est le héros de Siddartha, de Conrad Rooks.




Un acteur bankable



Mais ces films, appréciés à l’étranger, font peu pour la renommée de Shashi en Inde. Il tourne à la même époque dans des films commerciaux très populaires.
Un physique avenant, un sourire charmeur, une grande élégance et une assurance à toute épreuve, voilà qui fait de lui un parfait héros romantique. Pourtant, bien qu'il ait fréquemment eu des premiers rôles, dans de nombreux films des années 1960 puis, entre autres, dans Satyam Shivam Sundaram, déjà cité, où encore dans l’adorable Aa Gale Lag Jaa (souvent appelé Janitou en Algérie, d'après les premier mots de la principale chanson), histoire d’un père célibataire et gros succès en Algérie, ce sont les films où il sert de contre-point à Amitabh Bachchan qui le font entrer dans la mémoire collective.


Le compère d’Amitabh Bachchan



Les films en hindi ont toujours accordés beaucoup d’importance à l’amitié, et Shashi et Amitabh forment le couple d’amis (ou de frères) des années 1970 -1980.


Amitabh a le rôle du prolétaire viril, un peu en marge de la société, voir carrément délinquant. Shashi est un policier ou un ingénieur, un homme éduqué au charme plus doux. Bien souvent ils symbolisent l’alliance des classes contre les fléaux qui menacent l’Inde. Ainsi dans Kaala Patthar, sorte de Germinal indien, l’ingénieur et le mineur s’unissent contre les vilains capitalistes corrompus qui mettent en danger la vie des travailleurs. Même lorsqu’ils sont tous les deux des truands, le contraste entre leurs personnages (et leurs jeux, très différents, Shashi faisant plus dans la nuance, Amitabh dans l’intensité) fonctionne à peu près de la même manière. C’est toujours Amitabh qui a le premier rôle. Depuis une vingtaine d'année, Shashi connaît un regain de popularité parmi les amateurs de Bollywood à travers le monde. Il suffit de jeter un œil aux blogs consacrés à ce cinéma pour s’en apercevoir. Pour ma part, j'ai un faible pour le délirant Suhaag (chanson plus haut)


Parfois les deux personnages s’opposent, comme dans le magnifique Deewaar, tragédie de Yash Chopra sur le thème des frères ennemis, dans lequel il a une des répliques les plus connues du cinéma hindi. Le policier qu'il joue, et qui vit avec leur vieille mère se querelle avec Amitabh le ganster qui lui dit "j'ai des immeubles, des propriétés, de l'argent sur mon compte, une maison de campagne, une voiture, et toi, qu'as-tu donc ?" ; il répond "mere paas maa hai" : "moi, j'ai maman". Je découvre en faisant cette biographie que la scène est devenue un meme pour les hindiphones et que les parodies sont nombreuses sur Youtube.



C’est bien sûr à Amitabh qu’il fait appelle pour son unique réalisation, Ajooba (1991), film inspiré d’un conte des Milles et une nuits qui fut un échec commercial et critique.


Le producteur et acteur de film d’auteur



Ces succès permettent à Shashi d’investir dans un cinéma plus ambitieux. Il produit entre autre Junoon, qui traite de la difficile cohabitation d’une famille anglaise et de celle d’un aristocrate indien peu après la révolte des cipayes, et de la passion du nawab en question pour l’une des Anglaises, et Kalyug, adaptation contemporaine de l’épisode central du Mahabharata, la guerre des Pandava et des Kaurava. Il joue dans ces deux films, tous deux réalisés par Shyam Benegal.

L'autre gros avantage de ce genre de films, c'est qu'il n'a pas à danser. Malgré quelques tentatives pour imiter le danseur remarquable qu'était son frère Shammi, cela n'a jamais été son point fort (mais il est mignon quand même quand il essaie)  :



Après 1987, on ne le voit guère plus à l'écran. Il meurt en 2017 de maladie. Il laisse deux fils et une fille, qui ont tous les trois, sans grand succès, tenté leur chance au cinéma. C'est remarquable car le clan Kapoor s'opposait alors fermement à ce que les femmes de la famille fassent carrière comme actrices. L'un de ses fils, Karan Kapoor, trop blond pour percer à Bollywood, a connu un certain succès comme photographe.

Shashi Kapoor est l'un des deux seuls acteurs indiens dont la mort ait été mentionnée pendant une cérémonie des Oscars, lors de l'hommage aux personnalités décédées dans l'année.

un charme fou

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