L'avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux, pour le témoigner,
Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable,
Pondait tous les jours un œuf d'or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
[...]
Jean de la Fontaine
L'intrigue ne colle pas tout à fait à la fable, mais elle en a l'esprit. Plus qu'une poule, elle implique un dieu déchu et oublié, enfermé dans l'utérus de la Déesse Mère après lui avoir dérobé son or. Une famille brahmane atypique (la maîtresse d'un baron local qui semble être une veuve aux cheveux rasés mais est toujours vêtue de rouge contrairement à l'usage, et leur deux enfants) a la garde d'une créature qui a peut-être été un jour humaine et qui sait comment lui soutirer des pièces d'or.
séance de pédicure
Un monstre qui fait très Guillermo Del Toro
C'est un film humide (il y pleut tout le temps) et féminin. La nature, sur cette terre-mère, est envahissante (on y voit un arbre
pousser à travers quelqu'un - une des images les plus originales que
j'aie vues depuis longtemps). On y voit littéralement, au fond d'un puits creusé au fond d'un autre puits, l'intérieur de la matrice de la Déesse originelle, mère des dieux et, comme dans les grottes sacrées qui lui sont dédiées en Inde, assimilable à la Terre.
Cette vue d'un intérieur féminin, organique, rouge sang, est le gros point fort du film, et rappelle Faux-Semblants de Cronenberg (une histoire de gynéco tordu, si vous ne l'avez pas vu, foncez !)
Mais les femmes ne sont pas réduites à leur utérus. Le récit se situe dans la première moitié du XXe siècle, et l'épouse du héros est bien plus active que lui dans la lutte pour l'indépendance, et n'hésite pas à mettre une claque à son fils quand il lui dit de s'occuper des tâches ménagères.
L'histoire de l'indépendance se lit en filigrane. On envisage de remplacer l'argent anglais d'une fumerie d'opium par celui de ce trésor bien indien, dans l'esprit de l'autosuffisance économique prônée par Gandhi. A l'indépendance, le village (et donc le trésor en-dessous) devient propriété de l’État.
Si le film compte plusieurs monstres (très crédibles), ce n'est pas vraiment un film d'horreur au sens classique. Pas de jump scare ici. C'est l'atmosphère qui est étouffante, et le pressentiment que tout cela ne peut pas bien tourner. Les trois hommes du film sont en effet présentés comme excessivement cupides, et le scénario tient du conte moral.
L'histoire de l'indépendance se lit en filigrane. On envisage de remplacer l'argent anglais d'une fumerie d'opium par celui de ce trésor bien indien, dans l'esprit de l'autosuffisance économique prônée par Gandhi. A l'indépendance, le village (et donc le trésor en-dessous) devient propriété de l’État.
Si le film compte plusieurs monstres (très crédibles), ce n'est pas vraiment un film d'horreur au sens classique. Pas de jump scare ici. C'est l'atmosphère qui est étouffante, et le pressentiment que tout cela ne peut pas bien tourner. Les trois hommes du film sont en effet présentés comme excessivement cupides, et le scénario tient du conte moral.
Plus que l'écriture du film, dont la fin laisse un sentiment d'inachevé et qui aurait pu donner plus d'épaisseur aux personnages, c'est la mise en scène et les superbes images en clair-obscur, qui font l'originalité de ce film, et frappent durablement l'imagination. La musique, en outre, est envoutante.
Tumbbad devait initialement sortir en 2012, mais n'étant pas satisfaits du résultat, ses réalisateurs l'ont retravaillé pour finalement le sortir en 2018. On sent ce soin du travail bien fait à chaque instant du film.
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