19.4.20

Kalank (2019)

Quelques mots sur Kalank d'Abhishek Varman, et surtout beaucoup d'images, car j'ai eu envie de me faire plaisir !
Husnabad (la "Cité de la beauté"), périphérie de Lahore, actuel Pakistan, à l'époque colonie anglaise des Indes (mais plus pour longtemps). Satya (Sonakshi Sinha), épouse de Dev, n'a plus qu'un an à vivre et cherche une nouvelle épouse pour son mari. Elle demande à Roop (Alia Bhatt), qui lui doit une faveur, de venir vivre un an chez eux pour rencontrer son mari. Roop accepte, à condition d'épouser immédiatement Dev (qui se retrouve donc bigame). Dev n'a aucun sentiment pour Roop et la prévient que le mariage restera platonique, ce qui convient très bien à Roop. En réalisant un reportage dans le quartier malfamé (et musulman) de la ville, elle rencontre le forgeron Zafar, qui la séduit bien vite (faut dire qu'il est toujours torse nu — mais quand même, elle n'a aucun goût, Aditya Roy Kapur qui joue son mari est beaucoup plus charmant que Varun Dhawan). Or Zafar a une dent contre le père de Dev, est sa cour assidue est en fait un plan diabolique pour détruite sa famille....

Dans l'ordre, Satya, Dev, Roop et Zafar (torse nu)

Une fois les personnages et l'intrigue posés, passons à la critique proprement parler. Ce qui saute aux yeux c'est que tout est magnifique,l'image, les costumes et décors, et tout est soigné dans les moindres détails (les broderies florales sur le sari de Roop...). Les dialogues évitent de trop mentionner la ville de Lahore, mais c'est bien une sorte de Lahore rêvée que nous voyons. Rien n'est  très réaliste (surtout les extérieurs) mais tout est un régal pour les yeux.

 Quelques décors, composites et fourre-tout, mais étonnamment plaisants à regarder

Un aperçu des costumes


La musique est correcte, et les chorégraphies plutôt belles (et Madhuri, jouant une ancienne courtisane devenue professeur de chant, est toujours aussi gracieuse à 53 ans). Par ailleurs, le couple de "vétérans" (Madhuri Dixit et Sanjay Dutt) ont tout deux beaucoup d’allure.

Bref, j'ai passé 2h45 à faire des captures d'écran.
Et ce n'est peut-être pas plus mal car les personnages manquent clairement de profondeur. Dur du coup de dire si les acteurs jouent bien, car il n'y a pas grand chose à jouer. On ne voit pas les personnages évoluer : un tel dit être tombé amoureux d'une telle, mais on ne nous l'a pas montré, et on ne le voit pas. Leurs changements de positions paraissent donc aussi assez arbitraires.

Il y a un dernier point assez délicat. Difficile dans un film qui parle des prémisses de la Partition, de ne pas regarder comment sont représenté les communautés hindoue et musulmane. Les musulmans d'abord. Il ne sont que trois à sortir de la foule : une courtisane (qui bénéficie d'un portrait plus nuancé que les autres), Abdul, l'ami de Zafar, violent et qui hait les hindous. Zafar, lui, est présenté comme un séducteur sans scrupules, utilisant son sex appeal pour arriver à ses fins. On est pas loin des théories du "love jihad" (idée selon laquelle des musulmans séduiraient de jeunes hindoues pour les convertir). C'est un bloc de haine et d'animalité (on le voit d'ailleurs combattre — torse nu — un taureau en images de synthèse pas très convaincant). Il attise la haine communautaire pour servir ses intérêts personnels. Les hindous sont des intellectuels (Dev a un journal dans lequel Roop écrit), qui passent leur temps à se sacrifier pour les autres. Seul le père de Dev (Sanjay Dutt) et le personnage de Madhuri sont un peu nuancés.

Arrivée triomphale du dieu Ram dans les rues de Lahore 


Surtout, on a l’impression de voir une Lahore fantasmée par des nationalistes hindoues. Les hindous sont les patrons, vivent dans des maisons gigantesques, tandis que les musulmans, prostituée ou artisans, vivent dans les bas quartiers. Il suffit de comparer les chansons qui mettent en scène les fêtes de Dussehra (hindoue) et de l'Aïd (musulmane), pour voir le problème. La séquence de Dussehra nous montre le dieux Ram incarné par un acteur, triomphant du démon Ravana, arrivant victorieux et suivi de son impressionnante armée de singes dans les rues de Lahore.



A l'inverse , la chorégraphie de l'Aïd, pour joyeuse qu'elle soit, évoque davantage un item number, avec danseuse séduisante et peu vêtue, qu'une fête religieuse. Je comprend que l'hindouisme, étant une religion d'images, soit plus facile à mettre en scène que l'islam. C'est néanmoins assez gênant. 



Les prises de position sur  la Partition semblent à peu près représentatives : la Ligue Musulmane y est favorable, les hindous, d'abord opposer, finissent par se rallier à cette idée. Évidemment, la violence est montrée comme unilatérale. Si à Lahore il est probable que la plupart des victimes de la Partition aient été hindoues, l'inverse est vrai dans de nombreux autres cas. Quelques mots à la fin sur la Partition qui "a brisé des vies" sont un peu justes pour rétablir un semblant d'équilibre.

Je doute que le film ait connu un grand succès au Pakistan.

Terminons sur les sages paroles de Madhuri :




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