La première partie du dernier film d'Anurag Kashyap, Gangs of Wasseypur, bénéficie d'une sortie en France dans une dizaine de cinémas. Je ne sais pas si le film attirera beaucoup de monde, mais c'est en tout cas un beau succès critique : "le film de l'été" pour le Nouvel Obs, une "oeuvre riche" pour l'Humanité, "un cocktail savoureux et palpitant" pour le Figaro (Anurag Kashyap met l'Huma et le Figaro d'accord), tandis que Télérama attend impatiemment la deuxième partie " Vivement la suite des hostilités !".
Une unanimité rare pour un film indien, mais méritée, car Gangs of Wasseypur est effectivement très réussi et très prenant.
Mais que les critiques français aiment (rarement) ou n'aiment pas (le plus souvent) les films indiens, on retrouve toujours ici et là le même genre de perles, qui trahissent une certaine condescendance pour ce cinéma, et révèlent bien souvent une ignorance regrettable, que les auteurs semblent vouloir camoufler derrière des clichés :
"Fini la guimauve bollywoodienne, les chorégraphies pop, les couleurs kitsch et les amourettes sirupeuses."
On ne peut pas dire que je ne m'y attendais pas. Tout article sur un film indien se doit de comporter les mots "guimauves", "kitsch" et "sirupeux" (éventuellement remplaçable par "à l'eau de rose"). Mais les trois dans une même phrase, c'est quand même très fort.
Je propose qu'on se cotise pour envoyer à la rédaction de Télérama les jolis morceaux de guimauve que sont, disons, Pattiyal, Firaaq ou Hey Ram, ou encore les précédents films d'Anurag Kashyap.
Mais à quoi sert au juste ce passage ? A dire que Gangs of Wasseypur n'est pas une comédie romantique ? On pouvait s'en douter dès la lecture du titre, non ?
"Une geste policière comme on n’en espérait plus depuis Le Parrain de Coppola et le diptyque scorsésien Les Affranchis/Casino. Beaucoup s’y sont essayés, au cinéma ou à la télévision, en France, en Italie et en Grande-Bretagne, et se sont souvent couverts de ridicule. En Inde, pas de complexes, pas de tradition du genre à respecter."
Mesdames, Messieurs, venez admirer Gangs of Wasseypur, le tout premier film de gangsters indien !
On est pas obligé, quand on est un critique généraliste, de connaître parfaitement le cinéma de tous les pays. Mais on peut se renseigner. Se dire que puisqu'on n'y connaît pas grand chose, il est possible que ce qu'on croit savoir ne soit que le reflet d'un manque de culture. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, les Indiens n'ont pas attendu 2012 pour faire des films de gangsters, des films policiers, des films noirs, etc. On peut citer à tout hasard Satya ou Nayakan, qui partagent avec Gangs of Wasseypur une profonde noirceur et une certaine ampleur.
Oui Gangs of Wasseypur est novateur (par révolutionnaire, novateur). Mais on ne peut apprécier ce qu'il apporte de neuf si l'on ne sait pas de quoi il se démarque !
- Et le pompon, la conclusion de la critique d'Excessif :
"Dans son ambition et sa densité dramaturgique, Gangs of Wasseypur nous rappelle Lagaan, Once Upon a Time in India, le bijou musical de Ashutosh Gowariker."J'ai vu Gangs of Wasseypur. J'ai vu Lagaan. J'ai apprécié les deux. Mais vraiment,
Quels peuvent bien être les points communs entre ces deux films ? "Ambition", "intensité dramatique" c'est un peu vague, surtout que si les deux films ont une indéniable "intensité dramatique", elle est très différente d'un film à l'autre. Lagaan est une progression vers un long match de cricket sur lequel s'achève le film, dont on ne doute pas un instant qu'il va être gagné par les gentils villageois : la question est plutôt de savoir comment. Gangs of Wasseypur est une succession trépidante de rebondissements et de scènes d'action, mêlant les différents fils d'une intrigue complexe. Rien à voir.
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