25.10.07

Chak De ! India (2007)

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Chak de ! India est l'une des premières adaptations indiennes du genre très américain du film de sport. On y retrouve les thèmes et les figures imposées de ce genre très codifié : valorisation de l'effort, du sport comme dépassement de soi, de l'esprit d'équipe, personnage de l'entraineur bougon mais finalement pas si mauvais bougre, équipe en qui personne ne croit et qui ne croit pas elle-même en ses chances avant l'arrivée du dit entraineur...

En un mot, Chak de!, c'est l'histoire d'un joueur de hockey musulman, Kabir - Shahrukh- Khan, accusé de trahison après un pénalty manqué contre le Pakistan, qui revient, après un exil de 7 ans, pour entraîner l'équipe nationale féminine, sur laquelle personne ne parierait une roupie, avec l'objectif affiché de lui faire remporter la coupe du monde.

Mais voilà, comme le dit un commentateur au début du film à propos du match Inde-Pakistan, "ce n'est pas que du sport". Et je pense que l'implantation du sport movie en terroir indien n'est pas étrangère au renouvèlement du genre réalisé par Chak de !. Dans un pays ou de si nombreuses cultures cohabitent et où il reste tant à faire, les notions d'union et de solidarité forcément un sens différent.



Mais Chak de ! India se distingue d'abord de la masse des films de ce genre par une mise en scène et une photo très soignées. Rien de tape-à-l'oeil, mais une photo qui joue sur les contraste de luminosité à la fois au sein d'images au cadrage étudié qu'entre les séquences, et plus largement entre la première partie étonnamment sombre, et l'éclairage plus vif de la partie australienne. La caméra très mobile pendant les matchs fait aisément entrer le spectateur dans l'action.

Les personnages ne sont pas des caricatures. Kabir Khan n'est pas un misanthrope antipathique. A l'inverse de Dev dans Kabhi Alveda na Kehna, autre sportif interprété par SRK, il ne sombre pas dans l'amertume mais sublime son traumatisme. C'est un personnage intéressant, à la fois dur et sec lors des entrainements et presque paternel parfois, voire enjôleur quand il le faut. Cette complexité se retrouve à des degrés divers chez l'ensemble des joueuses, même si certaines sont inévitablement un peu sacrifiées (voir les scènes coupées - non sous-titrées - pour l'histoire de Gul Iqbal, issue d'une famille de hockeyeurs et écrasée par la peur de ne pas être à la hauteur). Les actrices choisies (toutes très bonnes, même si j'ai une préférence pour celle qui joue la petite Komal) surprennent par la diversité de leurs physiques et de leurs styles de jeu. Chacune d'entre elles est l'image d'une facette de l'Inde, que ce soit d'un Etat (et là on retrouve quand même quelques stéréotypes, genre la fille du Punjab au fort caractère) ou d'une situation problématique (prédominance excessive du cricket sur les autres sports, question de la carrière des femmes mariées - le thème de la condition de la femme parcourt tout le film - ...). Mais aucun des personnages ne se limite à cela. Ces éléments ne constituent qu'un arrière plan donnant de la consistance aux joueuses et expliquant leurs motivations. Elles présentent toutes une vraie cohérence psychologique. Ainsi l'hostilité que Bindya affiche envers le nouveau coach n'est-elle pas gratuite : en tant que joueuse la plus expérimentée, elle espérait sans doute avoir un certain ascendant sur ses collègues et n'entend pas voir Kabir Khan l'en priver. Tout cela rend sensible la difficulté qu'il peut y avoir à constituer une équipe à partir d'autant de forces opposées qui cherchent toutes à s'imposer aux dépends des autres et se regroupent dans des alliances fluctuantes (très bonnes descriptions des clans qui se font et se défont au gré des circonstances). La scène de l'arrivée des joueuses souligne le poids des préjugés qu'il va falloir combattre : l'attitude de l'assistant qui reçoit les jeunes femme est carrément insultante envers les deux jeunes femmes du Jharkand, et même ses efforts pour se montrer accueillant se soldent par des échecs (il offense notamment une joueuses originaire de l'extrême est de l'Inde, en lui souhaitant la bienvenue comme si elle était étrangère).

En fait, Chak de ! India bénéficie d'un excellent scénario (signé Jaideep Sahni, scénariste du futur Aaja Nachle), ce qui n'a pas échappé à la plupart des critiques tant cela contraste avec la faiblesse de beaucoup de films hindis sur ce point. Les matchs ne durent pas une seconde de trop et alternent avec des moments plus intimes ; de même les histoires parallèles de Kabir et de son équipe s'entremêlent parfaitement. Mieux, il y a un réel suspense lors des matchs au cours desquels on ressent vraiment les émotions des personnages. C'est flagrant lors de la fin du dernier match, lorsque (Spoiler) Kabir se remet lui même dans des circonstances similaires à celles qui ont causé sa disgrâce en prenant la responsabilité de donner une directive précise à la gardienne de but - il prend évidemment un risque immense, et la tension est palpable, ainsi que son choc lorsqu'il réalise que cette fois il a gagné.

Et c'est dans cette scène qu'on prend le mieux la mesure du talent de Sahrukh Khan. Si dans la première séquence son jeu ressemble encore un peu à celui auquel on est habitué, dès son retour - et l'apparition de la barbe - c'est un tout autre Shahrukh qui apparaît (remarque hors sujet : et en plus ça lui va carrément trop bien la barbe, dommage qu'il ne la porte pas plus souvent - fin de la remarque hors sujet). Le travail effectué sur sa voix et ses intonations est particulièrement sensible et très impressionnant. Les journalistes ont rapporté que Shimit Amin faisait systématiquement rejouer chaque scène de nombreuses fois, jusqu'à ce que chaque acteur soit parfait ; je veux bien le croire. En outre, Shahrukh n'écrase jamais ses partenaires mais laisse s'exprimer leur talent : là encore un vrai travail d'équipe !



image tirée des scènes coupées

Enfin, et j'en reviens au scénario, Chak de ! India a l'immense mérite de ne pas prendre les spectateurs pour des enfants. Le film n'enfonce jamais le clou, et laisse entendre plus qu'il n'affirme. Le mot "musulman" n'est ainsi jamais prononcé. Le message passe plus par l'action que par les discours - bien que celui prononcé par Kabir avant le dernier match (et reproduit sur le cd de la BO) soit particulièrement émouvant.
Ce qui me fait penser que j'ai oublié de mentionner combien la musique, même les chansons les plus faibles, était particulièrement bien exploitées malgré l'absence de chorégraphies.




je remets la bande-annonce :

20.10.07

Aaja Nachle -critique de la BOF par Jordan White

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Ce blog a le plaisir d'accueillir un nouveau rédacteur invité en la personne de Jordan White, animateur actif du topic bollywood de dvdclassik. C'est la critique qu'il a publiée dans ce forum qui est reproduite ici.


"L'année dernière révélait au monde la BOF de Dor, composée par un duo répondant au nom de Salim-Suleiman (pour Salim et Suleiman Merchant). Merveille parmi les merveilles, cette bande originale entrait dans toutes les mémoires pour y rester ancrée.

Un an plus tard, à l'aune d'une fin d'année qui s'annonce particulièrement alléchante, les deux génies reviennent avec un second miracle composé de neuf titres. Ils illustrent ici le retour à l'écran de Madhuri Dixit, danseuse faramineuse, ayant eu une heure de gloire dans les années 90 puis en 2002 avec Devdas dans lequel Aishwarya Rai triomphait pour ensuite laisser le ciné de côté pour s'occuper de sa famille. Revoilà donc Madhuri qui invite tout le monde à danser.

Dense, ambitieuse, la BOF d' Aaja Nachle l'est. Les compositions se suivent et ne se ressemblent pas tout au long de quarante minutes intenses. Entre ballade extraordinairement subtile et ambiance punjabi. Entre reprise rêvée des Supremes dans l'esprit et remix techno. Les deux compères ont bien saisi l'essence de la danse ensorcelante de Madhuxi qui pratique cet art depuis son enfance et est devenue une des figures les plus respectées dans cette discipline qui demande rigueur voire perfectionnisme.
A peine la plage d'ouverture ouverte, "Aaja Nachle" que la pleine mesure de la Bof s'exprime d'abord par la douceur des tintements des bijoux puis par le roulement foudroyant des tablas qui emportent tout, instrument à vent et voix suprêmement mature de Sunidhi Chauhan dans ce qui s'apparente comme un de ses sommets vocaux avec "Beedi" ou "Iman Ka Asar". On tutoie déjà la grandeur d'un certain "Dhoom Taana" sur la BOF d'Om Shanti Om, frère musical presque jumeau par ses recherches mélodiques élaborées. Un "Aaja Nachle" qui va faire un carton, sans doute en rotation dans toutes les boutiques et sur les lèvres dans très peu de temps. Salim et Suleiman ne pouvaient pas mieux commencer. La force de la musique vient sans doute du fait ici d'avoir pris la crème de la chanson pour interpréter une musique si puissamment évocatrice. Et ce alors même que d'autres BOf bénéficiant du même prestige se sont plantées par paresse.

Curieusement "Ishq Hua" a été placé en deuxième plage. Etonnant car le morceau bien qu'excellent est un poil inférieur ne serait-ce que sur le plan vocal, bien que le pont soit très surprenant et agréable. Le ton plus léger presque pub ou clip pourra décontenancer dans un premier temps, enfin c'est surtout la voix de Sonu Nigam qui peut un peu gêner. Le morceau s'apprécie bien plus à la quatrième écoute, où ses variations prennent du sens et s'imposent comme des évidences. D'autant que le refrain est très beau car très éthéré grâce à sa flûte de pan (une des utilisations les plus modernes jamais entendues dont Salim-Suleiman se sont fait les spécialistes aujourd'hui).

A peine le temps de souffler, emporté par l'émotion, que "Show me your jalwa "vient d'entamer ses premières et phénoménales premières notes, tout en explosivité, tout en rythme, porté de bout en bout par les voix chaudes et entraînantes de Richa Sharma, Kailash Kher et Salim Merchant qui sont presque pour les deux premiers des découvertes pour moi mais pas pour la musique pop indienne contemporaine. Richa est connue pour avoir participé à des duos avec Sukhwinder Singh lui aussi présent sur le disque. En tout cas dès les premières paroles, c'est un vent de folie et de joie qui vient souffler, bien aidé par les voix littéralement subjugantes. Les trouvailles musicales sont encore une fois nombreuses : flow isolé féminin puis masculin puis en duo par intermittence, guitare acoustique mixée en avant, tablas en renforts, pont audacieux (avec synthé), etc.

Bien décidés à prouver que les cartouches sont loin d'être épuisées, les deux musiciens délivrent ensuite un "O Re Piya" qui rappellera forcément Dor avec "Yeh Onsla" ou encore "Imaan Ka Asar". Chanté en solo par Rahat Fateh Ali Khan, le morceau est simplement sublime. Ambiance sereine ou teintée d'une nostalgie selon les points de vue (certains pourront même y sentir du soufisme), mettant en avant une mélodie travaillée, ce morceau de 6'15 pose d'ores et déjà la clé de voûte, le point central d'une bande originale dédiée à l'originalité, à la chaleur, aux sons fourmillants de détails, portée par des voix toutes plus magnifiques les unes que les autres. Jamais répétitif, ce titre se renouvelle en permanence, avec un solo vocal étourdissant à trois minutes.

C'est le moment pour que "Soniye Mil Ja" résonne. Madhuri se prête volontiers à l'exercice du talk over, comme l'avaient fait auparavant Aamir Khan et Kajol dans Fanaa ou SRK dans Chak de India. Là encore une mélodie fine, facile à retenir, avec un sens aigu de la construction rythmique (boucle de tablas, percussions au coeur des arrangements), refrain qui fait immanquablement penser à "Lodi" de Veer-Zaara (les oh oh et ah ah vous y feront penser ;-) ).

Que peut encore nous réserver comme surprise cette BOF déjà formidable sur bien des points à ce niveau. Et bien pourquoi pas un petit "Is Pal" chanté par Sonu et Shreya deux des trois artistes avec Sunidhi les plus présents ici. Encore une fois difficile de ne pas applaudir une telle inventivité. Impossible de passer sous silence le mélodramatique et émotionnellement chargé "Koi Pattar se na maare" qui entretient encore une fois une gémellité surprenante avec Om shanti Om et la plage quatre en particulier de ce dernier.

La grosse surprise et probablement le morceau qui va le plus diviser est "Dance with me", beaucoup moins classique que les autres titres, très Dreamgirls dans l'âme. Certains vont penser que ça n'a rien à faire ici. Je dirais qu'il est stupéfiant de voir que le duo est encore capable de nous pondre un morceau pareil, presque hors-sujet par ses arrangements par rapport au reste du disque et pourtant en plein dedans, single à part entière, ovni dance qui va décontenancer mais qui me fascine. Ca aurait pu sortir sur la BOF de Dreamgirls c'est sûr.

Le remix final n'est que la cerise sur le gâteau.

Une BOF très variée (aucun morceau ne se ressemble, si ce n'est l'omniprésence des flûtes de pan). Si vous aimez les BOF qui s'articulent autour des tablas et des percus ça va être du bonheur. Je pense que j'aime un chouia plus celle d' Om Shanti Om pour son ambiance très marquée 70's, mais tout ça est en gestation. Sinon, vous avez de quoi faire avec une palette de sons, de couleurs et de parfums aussi riche. Qui peut aujourd'hui refuser une aussi belle invitation à la danse ?"






la musique peut être écoutée ici



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Om Shanti Om - dernière bande-annonce

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16.10.07

Bombay sur Arte

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Bombay de Mani Ratnam passe mercredi 17 octobre sur Arte à 23 h 10


Bombay, c'est le deuxième volet de la "trilogie du terrorisme" de Mani Ratnam (après Roja et avant Dil se), où l'on retrouve Arvind Swamy, déjà présent dans Roja, et Manisha Koirala, qui sera époustouflante dans Dil se. Comme dans les deux autres films cependant, ce n'est pas le terrorisme, qui donne à la trilogie son unité, qui est au coeur de l'histoire.

Bombay, c'est l'exploration des rapports des communautés hindoue et musulmane, sur le plan lyrique et personnel d'abord, avec l'histoire des amours de Sheila et de Shekkar en butte avec leurs familles respectives, récit qui se fond ensuite dans l'histoire collective quand éclatent les émeutes de Bombay.

Bombay, c'est une superbe musique de A.R. Rahman, et des chorégraphies là encore inoubliables, notamment celle des enfants, qui fait écho à "Rukkumani" de Roja et à sa danse des vieillards.

Bombay, c'est enfin le premier film à avoir représenté les terribles émeutes inter-communautaires de 1992 -1993.

Alors surtout n'oubliez pas de l'enregistrer, ne serait-ce que pour le plaisir d'avoir des sous-titres en français.


et espérons que Arte aura la bonne idée de diffuser le film en tamoul, les chansons sonnent nettement mieux dans leur langue originale.