11.6.20

Ponmagal Vandhal (2020 - Tamoul)

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Quand  "A Jyothika and Surya production" apparaît à l'écran, le public (moi) frissonne, tant ce couple a marqué le cinéma tamoul. Peu importe que Surya ne soit pas dans ce film,et que le réalisateur, un nouveau venu (J. J. Frederick ), soit inconnu, cela réveille de bons souvenirs.


Un citoyen tamoul, Pethuraj, habitué des cours de justice (il a gagné un procès pour une mouche dans un thé), demande que soit portée devant la justice une affaire de meurtre d'enfants vieille de 15 ans. Une psychopathe d'Inde du Nord, Jothi, avait fini par être tuée par la police après avoir abattu deux jeunes gens qui cherchaient à sauver une de ses victimes.

C'est la fille de Pethuraj, Venba (Jyothika), dont c'est le premier procès, qui va défendre Jothi et tenter de réhabiliter son nom. Elle a face à elle un ténor du barreau à l'honnêteté douteuse. Ils vont s'affronter à coup de preuves pendant la moitié du film, jusqu'à ce que l'identité de Venba soit révélée : elle est la fille de Jothi (on s'en doutait un peu, puisque que Jothi est également jouée par Jyothika). Petit à petit, les véritables identités des personnages vont se révéler et faire efficacement avancer l'intrigue (malgré une révélation finale qui tombe à plat), et la rigueur des preuves va laisser place à l'émotion.

Car ce qui se révèle est une série de viols d'enfants suivis de meurtre, dont Venba est la seule survivante. Images de cadavres, sang sur les robes ..., le film donne alors un peu dans le racoleur.


et oui, y a du vomi...

Il est amusant que les quinze premières minutes de sa plaidoirie cherchent à prouver que Jothi n'était pas une Indienne du Nord (alors que l'actrice Jyothika n'est pas tamoule...). En effet les méchants des films tamouls sont si souvent du Nord, et les préjugés si tenaces, que le fait qu'elle soit en réalité tamoule affaiblit l'accusation.

La jeune femme, toujours meurtrie, est éloquente. A son adversaire qui lui recommande un psychiatre, elle répond :



"Si les femmes se battent pour la justice, avec courage et conviction, vous dites qu'elles sont folles"

"Si nous expliquons à la société d'une voix forte nos problèmes, vous dites que c'est du cinéma"

et souligne combien il est difficile pour les femmes victimes d'abus d'oser prendre la parole, par peur d'être traiter de folles, parce que leur seule preuve est leur parole. Cette partie du film donne à fond dans le mélo (l'on voit tout le public pleurer). Venba rappelle, comme les chiffres donnés à la fin du film (pendant que s'affiche le numéro d'assistance aux enfants en danger), que la majorité des agresseurs sont connus de leur victimes. Ce n'est pourtant pas le cas ici, et cela affaiblit assez fortement le message du film, qui veut faire œuvre de prévention ( en parlant de prévention, on voit d'ailleurs brièvement Venba, au début du film, expliquer à des écolier les endroits où ils ne doivent pas se laisser toucher).

Oh, et comme d'habitude,  le méchant avocat ne défend que des coupables, et la gentille ne prend la parole que parce qu'elle croit en l'innocence de sa mère. Ce serait un péché de simplement s'assoir au côté du défenseur d'une tueuse. Il faudrait expliquer un jour aux scénaristes que ce n'est pas "mal" pour un avocat de défendre un coupable. C'est aussi son taf, et la condition pour que la justice puisse être rendue équitablement.

Le film est efficace, bien qu'il fasse un peu dans le sensationnalisme. Je me rappelle de ces pas si vieux films tamouls, où une fin heureuse, pour une jeune fille violée, consistait à épouser son violeur (qui "répare" ainsi sa faute). Que de chemin parcouru...

6.6.20

OK Jaanu (2017)

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Je suis tombée dans le piège. J'ai tapé "Mani Ratnam" sur Prime Video, et ce titre est sorti en premier. Il y avait Aditya Roy Kapur et Naseeruddin Shah, ça me suffisait largement. En réalité, Mani Ratnam n'est que le scénariste de ce remake d'un film qu'il avait tourné en tamoul (ça aussi je l'ignorais). Et même si Naseer sahab est au top,

C'est 100% déception

Tara (Shraddha Kapoor) et Adi (Aditya Roy Kapur) se plaisent bien, mais font passer leur carrière en premier. Adi doit partir à L.A., et Tara à Paris. Au début, leur relation tient surtout de l'amourette. Ils décident de vivre ensemble, hors mariage, et sans projet matrimonial, ce qui choque un temps leur entourage, avant que Tara ne soit acceptée, y compris par le très strict juge (Naseeruddin Shah) chez qui ils vivent.

Et voilà la première partie. Un peu léger non ? J'apprends juste au passage que le sexe hors mariage est désormais assez toléré pour qu'on en fasse un film, mais encore assez problématique, justement, pour être le sujet du film. On découvre aussi que téléphoner à haute voix pendant une messe ne pose de problème à personne (et que Tara et Adi sont vraiment mal élevés — je ne suis pas souvent choquée, mais là je l'ai été)

Deuxième partie convenue : l'amourette se transforme en amour, dilemme entre carrière et cœur, sans surprise. Au mariage raté des parents de Tara s'oppose le couple formé par le juge et sa femme, atteinte d'Alzheimer, qui semblent toujours aussi amoureux qu'au premier jour. La maladie de Charu est un des rares ressorts dramatiques du film auxquels on s'intéresse.


Il n'y a de suspense que lorsque Tara fait des blagues douteuses à Adi (elle lui dit, en tout, qu'elle veut l'épouser, qu'elle est enceinte et qu'elle le quitte, pour plaisanter. Adi marche à chaque fois. Le spectateur nettement moins).

Ajoutons qu'Adi travaille dans une entreprise de jeux vidéos, où il présente sa "super idée de scénario" : un grand méchant enlève une jeune femme, le héros doit le battre pour la récupérer. Jamais vu de scénario plus banal, mais tout le monde autour de lui est ultra enthousiaste. On a donc le droit à des séquences animées pas particulièrement réussies façon GTA.

Je découvre Shraddha Kapoor dans ce film. Elle ne joue ni mieux ni moins bien que des dizaines d'actrices, mais me semble avoir le charisme d'une huître. Elle est comme ce film, totalement fade.

La musique d'A.R Rahman ressemble à ce qu'il fait depuis quelques années : sans intérêt, et sans inspiration (il reprend même une chanson de Bombay). Petit détail amusant, c'est un des rares films indiens où j'ai entendu des passages de musique classique européenne dans la bande originale. Une façon de dire la tension entre tradition et occidentalisation ? Vu le niveau du film, je pense que je surinterprète.


2.6.20

Aayitha Ezhuthu (2004 - Tamoul)

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Trois hommes qui se croisent sur un pont, trois minutes, les trois premières du film, qui résument les trois intrigues romantiques avec une fluidité remarquable : Inba (Madhavan) se demande s'il doit rester avec sa femme, Michael (Surya), voudrait que son amie vienne vivre chez lui hors mariage, et Arjun, de façon très mélodramatique, cherche à convaincre sa copine de ne pas le quitter. Et à la quatrième minute, Inba tire, trois fois, sur Michael.

Puis viennent les flashbacks.

La structure du film interroge : en général, chaque partie du film développe une intrigue, ou un aspect de l'intrigue, séparés entre eux par l'entracte. On aurait pu avoir en une première partie les flashbacks sur les personnages, puis le retour au présent dans la deuxième. Les "trois points" du titre, référence à une lettre de l'alphabet tamoule et qui suggèrent aussi bien les trois balles que se prend Michael que les trois personnages principaux, se seraient ainsi vus réunis par un montage parallèle en une même moitié de film. Ici, la première partie est constituée de la courte séquence d'introduction dans le présent, puis des histoires, en flashback, de Inba et Michael. Vient l'entracte, et le flashback d'Arjun , qui se trouve ainsi isolé, avant le retour au présent. Cette structure, qui met en valeur Arjun, en fait le personnage porteur du sujet du film : le jeune homme sans conviction qui va, peut-être, accepter de s'engager pour ses concitoyens.


 "je ne suis pas comme vous, je suis comme tout le monde, égoïste"

Présentons les trois personnages principaux : Inba, donc, le petit gangster qui se verrait bien plus grand, violent et sans scrupules, au service d'un homme politique véreux qui lui demande de calmer l'agitation étudiante contre les "pourris". Michael, le leader étudiant, galvanisant les foules et donnant de sa personne, pas si différent, dans son aspect brutal, d'Inba. Et Arjun, le dragueur, qui voit une amourette avec Meera (Trisha) se transformer en amour alors qu'il se prépare à partir étudier aux États-Unis et que Meera va bientôt se marier. Les trois flashbacks se terminent sur un retour à la case départ, à la première séquence, sur le pont. Les trois personnages vont bien sûr se rencontrer de nouveau, et Arjun va peut-être passer du statut de témoin (de l'attentat) à celui d'acteur. On n'en dira pas plus.

Les trois acteurs sont inégaux. Siddharth joue son rôle habituel de tombeur, c'est d'ailleurs lui qui a la seule "party song" (sans grand intérêt). Surya est assez décevant, essayant sans doute de montrer sa détermination en ayant la même expression pendant tout le film. Madhavan, en revanche, est exceptionnel de force brute et de charisme.

 
La scène où se décide, de façon assez originale, la place de chacun dans le petit monde de la prison par une partie de kabaddi

C'est bien filmé, mais pas aussi bien que d'autres films de Mani Ratnam. Les scènes de foules restent son point fort, elles sont toutes marquantes ; mais les scènes de rixes manquent de réalisme, sans atteindre pour autant les excès de certains films tamouls.

Le président de l'université contre la foule des étudiants

La musique d'A.R. Rahman est elle aussi légèrement décevante. Même la chanson censée motiver la jeunesse ("Yuva", titre de la version hindi du film), qui reprend le titre de l'hymne national, manque un peu de peps. Et on a la drôle d'impression que toute la jeunesse indienne est composée d'étudiants...


Les personnages féminins sont relativement développés, bien que l'une des trois femmes soit quand même presque présentée comme une récompense pour un des héros qui a fait le bon choix. Elles décident  toutes les trois de leur vie (lieu de résidence, décision sur un avortement...), sans en parler à leur compagnon. Sasi (Meera Jasmine) est la plus fouillée. Et l'on en vient au sujet qui fâche : son homme est violent, il la frappe, on le voit, fait assez rare pour être souligné, battre sa femme à l'écran, et pourtant leur relation est totalement romantisée. Ils ont plein de scènes mignonnes ou un peu coquines, comme si leur relation n'était pas foncièrement toxique. Ils sont filmés dans de jolies teintes chaudes et ont "la" chanson romantique du film, dans lequel Inba porte sa femme sous un parapluie, sous une pluie battante. Cela n'envoie pas vraiment le bon message.



Bref, le film, qui a été simultanément tourné en hindi avec Ajay Devgan (pas très convaincant en Michael), Abhishek Bachchan en gangster et Vivek Oberoi en Arjun, est légèrement décevant. Cependant, malgré mes réserves, je préfère la version tamoule, qui donne une impression d'authenticité que n'a pas Yuva (titre de la version en hindi)




bonus : Esha Deol et Surya parlent un peu français !