22.4.08

Satyam Shivam Sundaram (1978)

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de Raj Kapoor

Attention nombreux spoilers.

La vie de Rupa est marquée par le malheur. Sa mère meurt en lui donnant le jour. Plus tard, alors que l'enfant a déjà une solide réputation de porte-poisse auprès de ses petits camarades, elle se brûle gravement le côté droit du visage. Devenue adulte, elle vient tous les jours chanter au temple, tandis que son père, le prêtre du village, lui cherche désespérément un époux. Mais personne ne veut de cette fille pauvre et défigurée. Jusqu'au jour où elle tombe sous le charme de Rajeev, un ingénieur esthète que la laideur insupporte. Celui-ci l'entend chanter (avec la voix de Lata), contemple sa silhouette (de rêve forcément, c'est Zeenat Aman qui joue Rupa - et Shashi interprète Rajeev), et tombe amoureux. Il demande sa main, et ne découvre la vérité qu'après le mariage.



Satyam Shivam Sundaram est un conte, une fable dont la moralité est exprimée par une voix-off dans une jolie séquence d'ouverture. Dès sa naissance, Rupa est liée à Krishna dont elle partage l'anniversaire. Une belle chanson, qui revient à plusieurs reprises, rappelle que le dieu lui aussi craignait de ne pas être aimé de Radha en raison de son apparence. La première moitié du film met cependant entre parenthèse cet aspect quasi mythologique pour décrire le jeu de cache-cache qui s'engage entre Rupa et Rajeev. La jeune femme est persuadée que Rajeev se trompe en la trouvant belle, mais continue de lui cacher sa cicatrice , pensant que son affection ne durera de toute façon pas bien longtemps et que le mariage est hors de question.

Mais le film change complètement de ton après le mariage : Rajeev, dont l'obsession du beau atteint des dimensions pathologiques, refuse d'admettre que la Rupa qu'il a épousée est celle dont il est amoureux. Délaissée en tant qu'épouse, celle-ci décide de jouer le jeu : elle accepte d'incarner cette deuxième Rupa et retrouve Rajeev tous les soirs. Elle refuse de dévoiler son visage tant qu'il refusera d'aimer sa femme, mais cela ne lui inspire aucun soupçon.

Le scénario a désormais allègrement franchi les frontières de la vraisemblance, et révèle sa véritable dimension, allégorique et fascinante. L'usage constant des décors de studio et des filtres colorés n'est alors plus un problème, bien au contraire, il permet de situer l'histoire dans un ailleurs énigmatique dont les personnages semble sortis tout droit d'une légende. Lorsque Rupa se retrouve enceinte et que son époux qui la croit infidèle la rejette, sa colère se déchaîne dans un final particulièrement impressionnant : le village entier se trouve pris dans la tourmente tandis qu'un déluge s'abat sur la région. Un vrai morceau de bravoure très bien réalisé, qui laisse le souffle coupé. Jamais les passages chantés, évoquant au détour d'un vers des dieux et des déesses que l'on verrait bien se promener dans ces paysages, ne m'ont paru aussi naturellement intégrés au récit, d'autant que la musique, loin de de la créativité débridée de la plupart des créations de cette époque, adopte un style assez classique et simple. Le duo "Woh aurat hai" m'a rappelé, dans son esprit et dans sa forme, certaines compositions des années cinquante. C'est la chanson que j'ai préférée, mais il n'ai pas possible de trouver sur youtube une vidéo qui ait un son correct. Une seule chorégraphie ne semble pas vraiment à sa place : il s'agit de "Chanchal Sheetal", dont les décors ont dû être conçus par un fan d'Alice au Pays des Merveilles défoncé au LSD.



L'esprit des seventies se fait aussi sentir dans les costumes minimalistes de Zeenat Aman, qui certes mettent bien en valeur ses attraits, mais semblent néanmoins entrer en contradiction avec le message du film, qui invite à voir au-delà de l'apparence physique.

Satyam Shivam Sundaram est vraiment un film à voir, très particulier dans son style mais également intéressant pour la richesse de son contenu.






Film et musique : 5/5

6.4.08

Sadma (1983)

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de Balu Mahendra. Version Hindi de Moondram Pirai


Après un accident de voiture, une jeune femme (Sridevi) est victime d'amnésie et se retrouve avec le psychisme d'une enfant de six ans. Elle atterrit dans une maison close où on la rebaptise Reshmi. Elle y fait la connaissance de Somu (Kamal Hassan), un client qui s'aperçoit vite qu'elle n'est pas à sa place dans endroit. Le jeune homme, instituteur solitaire et mal dans sa peau, prend l'initiative de l'enlever et l'emmène dans son village, où il s'occupe d'elle comme si elle était sa fille.

Sadma est un film très simple, dont le scénario tient en quelques lignes. L'essentiel du film réside dans la description de la vie de Reshmi et de Somu, et dans l'analyse de leurs relations, forcément peu communes. Il n'est pas forcément facile de captiver le public pendant deux heures trente avec une histoire de ce genre, et pourtant je n'ai pas vu le temps filer. Les rapports entre les deux personnages sont décrits avec une justesse incroyable, des premiers temps, où Somu peine encore à réaliser que Reshmi raisonne comme une enfant (il faut voir le passage où il commence à répondre à ses questions horripilantes de petite fille, du genre "Pourquoi il fait froid ? -Parce qu'on est en montagne. - Et pourquoi il fait froid en montagne ? - Parce que on est en altitude ? -Et pourquoi on est en altitude ?" avant de s'arrêter et de sourire lorsqu'il comprend que les questions vont se succéder sans fin, comme toujours avec les gamins de cet âge), jusqu'à leur apprivoisement mutuel, et la naissance d'une profonde affection entre les deux.
Affection évidemment pas toujours dépourvue d'ambiguïté, malgré toute la bonne volonté et la gentillesse de Somu : ainsi, lorsqu'il lui achète un sari de mariée, on peut se demander si c'est juste dans une volonté paternelle de voir sa fille se marier et avoir une existence normale, ou si son désir est moins clair. Le film semble suggérer que la première option est celle qui guide ouvertement Somu, mais lorsqu'il s'endort, ses rêves laissent libre cours à ses désirs. Le retour à la réalité - la vision de Reshmi mal fagotée dans son sari mais ravie de pouvoir s'habiller "comme une grande" - est dans tous les cas poignante.

C'est d'ailleurs le film dans son ensemble qui est bouleversant. Quasiment exclusivement centré sur Reshmi et Somu, isolés dans un décors de montagne bucolique, il laisse aux acteurs tout loisir de réaliser d'excellente performance. Sridevi, que j'ai découverte il y a quelques mois dans 16 Vayathinile achève de me convaincre de son talent. Je ne s rien sur l'extraordinaire performance de Kamal, puisque de toutes façons, connaissant la vénération que je voue à cet acteur, personne ne croira que je suis objective. Ce type apporte à la plupart de ses rôles une profondeur et une émotion proprement incroyables. C'est quand il s'écarte de son sujet principal que Sadma est le plus faible, c'est à dire surtout dans l'intrigue secondaire impliquant la femme totalement nympho du patron de Somu, intéprétée par Silk Smitha, dont le jeu outré fait un peu tache au milieu de tant de délicatesse. Mais bon, elle permet quand même l'introduction d'une chanson d'anthologie. Les autres chansons sont là encore mémorables, surtout "Ae Zindagi Gale Laga Le" et "Surmayee Akhiyon Mein", centrées sur les sentiments de Somu.



"Ae Zindagi Gale Laga Le" - L'intro est splendide



"Surmayee Akhiyon Mein" - dadidadum - o dadidum - je vais pleurer :-(



Et le film résumé en 15 minute par Shemaroo. Pas de sous-titres hélas :