29.3.20

Mangala Fille des Indes (Aan) - 1952

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Une fois de plus le titre français du film diffère franchement de l'original : "Aan", c'est à dire fierté.


Celle de la princesse, mais aussi celle des villageois, incarnés par Nimmi (morte cette semaine, RIP), et Dilip Kumar, dont on nous dit en prologue du film : "voici le villageois qui laboure la terre en temps de paix et défend le pays en temps de guerre." Mais attention, pas ou très peu de pauvres paysans dans ce film où tout est dorure et décors majestueux (de studio).

 
La modeste demeure du "paysan"


De quoi ça parle ?  Et bien Jai le villageois est aimé de Mangala (Nimmi), convoitée elle-même par l'horrible prince Shamsher (Prem Nath) qui a pris le pouvoir lors d'un coup d'Etat, tandis que Jai,  pour sa part, est fou de Rajshree (Nadira), la sœur du prince, qui n'aime qu'elle-même. Et comme personne ne comprend que non c'est non, les deux hommes harcèlent les deux femmes, et c'est mal vu quand c'est le méchant qui le fait mais OK quand c'est le gentil héros. Il s'agit aussi, pour respecter les vœux de l'ancien maharajah, de faire tomber Shamsher et rendre le pouvoir au peuple (on est en 1952, les Maharajahs n'ont plus trop le vent en poupe).

l'entrée des cachots
Tout ce beau monde habite des palais fastueux, à mi chemin entre château de Disney et palais des Milles et une nuit (avec un peu de Sissi aussi). On sent à chaque instant, dans ce premier film indien en technicolor, une volonté d'en mettre plein la vue et d'apporter ce qu'il faut d'exotisme au public.


Un des palais, d'influence égyptienne celui-ci

Les femmes ont toutes un fort caractère, mais autant celui de Nimmi est valorisé, autant celui de la princesse est présentée comme de l'orgueil dû à sa classe, et Dilip Kumar s'attache à la dompter (elle est élégamment comparée à une jument mal débourrée), car, dit-il, "celui qui vole haut doit tomber".
C'est la trame générale, car le scénario part de plus en plus en cacahouètes au fil du temps pour aboutir à une longue séquence onirique de grand n'importe quoi.


A minuit, ça redevient une citrouille ?


Dilip Kumar est très bien en héros du peuple dans un film plus léger que d'ordinaire. Nimmi est phénoménale. Quand à Nadira, dans son tout premier rôle, son jeux très expressif a un peu moins bien vieilli.



En plus des décors, le gros point fort du film sont les très nombreuses chansons, entraînantes et variées. Voici, naturellement pour le premier film indien en couleur, la chanson de Holi



Bref, on recommande, même si le message a vieilli. Trop de fantaisie et de chansons pour passer à côté.


27.3.20

Andaz - Mehboob Khan (1949)

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"Andaz", c'est le style, plus précisément le style de vie de son héroïne, l'innocente et fortunée Neena (Nargis, qui minaude trop dans la première partie mais se révèle quand le film prend une tournure tragique).

Neena vit à l'occidentale. Elle porte des pantalons, fait (mal) de l'équitation, sert la main des hommes, et accueille même son petit chien dans son lit. Elle est trop libre selon son père, mais ne pense jamais à mal. Un jour, Dilip (Dilip Kumar, charmant puis effrayant) la sauve d'un accident mortel. Pleine de reconnaissance, elle devient très proche de lui, sans lui dire clairement qu'elle est amoureuse d'un autre homme, son fiancé, Rajan (Raj Kapoor).
Évidemment tout ceci se termine mal, et la faute retombe sur Neena.
Un ancien professeur de Rajan, en jouant les parasites, apporte une touche qui se veut comique et qui a assez mal vieilli.


Les morales de l'histoire, dites explicitement, sont les suivantes : être chaste ne suffit pas, il faut se soucier du regard des autres, et un mode de vie occidentale n'apporte que du malheur.
Le film est sorti deux ans après l'indépendance de l'Inde. On comprend que la question de l'identité indienne y soit si forte : face à l'individualisme occidental, le communautarisme indien, où l'honneur d'une femme est celle de sa famille, où paraître dévergondée aux yeux de la communauté est presque un crime aussi grand que de ne pas arriver vierge au mariage (et c'est visiblement le pire des crimes).


C'est une mise en garde : vivre trop libre, sans prendre en compte les contraintes sociales, cause des désastres. Évidemment je n'adhère pas tout à fait à ce message, mais il est de son époque.
Les personnages sont tous très riche (il est dit que Dilip "n'a pas besoin de travailler"). A travers Neena, c'est sans doute le mode de vie des classes supérieures, et en particulier de la bourgeoisie industrielle, qui est mis en question.


Le film comprend de très nombreuses chansons, mais peu de danses (et c'est toujours une seule danseuse qui se produit). Les chansons, mises en scène presque systématiquement autour du piano de Neena, paraissent vite monotones.


 
La chorégraphie la plus dynamique


Formellement,  Andaz souffre de la comparaison avec les films de Raj Kapoor ou de Guru Dutt sortis à la même époque. La mise en scène est nettement moins recherchée. C'est pourtant un des rares films indiens des années 1940 à avoir bénéficié d'un DVD français. Pourquoi donc ? Peut-être que le choc des cultures est un créneau porteur dans le public français.

 Neena est bien embêtée


23.3.20

Amar Akbar Anthony (1977)

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La séquence d'ouverture donne le ton : en 15 minutes une mère tuberculeuse veut se tuer, l'orage éclate, une branche lui tombe sur la tête, elle perd la vue et en déduit que c'est une punition divine de sa tentative de suicide ; son mari trouve un trésor mais la croit morte. Les trois enfants, livrés à eux-même sont recueillis l'un par un prêtre catholique (Anthony, joué par Amitabh Bachcha), un autre par un tailleur musulman (Akbar, Rishi Kapoor), le dernier par un policier hindou (Amar, Vinod Khanna).

Puis le film peut commencer.


Le reste est du même style, du pur Manmohan Desai, coïncidences improbables et quiproquos s'enchainent pour que la famille se retrouve réunie au bout de 3h de chansons (toutes bonnes), bastons, gags et moments d'émotion.


Une bagarre normale

Évidemment, les trois frères vont trouver trois belles (Shabana Azmi, qui cachetonne entre deux films sérieux, Neetu Singh et Parveen Babi) , mais les intrigues amoureuses sont si secondaires que la dernière ne commence que peu avant l'entracte. Ce ne sont pas de grands rôles pour ces actrices pourtant talentueuses. 
La mode en 1977

Il y a aussi une intrigue policière, entrelacée plutôt habilement dans la quêtes des origines des trois frères. Notons encore une petite fille kidnappée et élevée par le pire ennemi de son père, une guérison miraculeuse, une apparition éclair d'Helen, et un jumeau qui surgit pour 30 seconde avant de disparaître totalement de l'intrigue.

Shirdi Sai Baba redonne la vue à la mère

Vous l'aurez compris, c'est du pur masala, et j'adore. Le message, dit explicitement vers la fin : quelque soit notre religion, nous sommes tous frères. 


Message plein de bonne volonté, souligné par le choix de rendre la vue à la mère dans un temple de Shirdi Sai Baba, saint vénéré par les hindous comme par les musulmans. Mais il n’empêche pas le film de donner dans les clichés : le musulman est chanteur de qawwali, le chrétien vend (et boit) de l'alcool, et l'hindou... l'hindou n'a pas de cliché, lui. L'hindou représente la majorité, la norme. Il représente d'ailleurs le système, puisqu'il est policier. Il n'a pas besoin d'être caractérisé par sa religion. Ainsi dans la dernière chanson, les religions d'Akbar et Anthony sont immédiatement reconnaissables à leurs déguisements : seul Amar n'a pas de signe distinctif.


 

 Cela n'en reste pas moins un film humaniste qui fait du bien au moral.






















21.3.20

Gunday (2014)

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"Deux Coqs vivaient en paix : une Poule survint, 
Et voilà la guerre allumée." 

(je devrais commencer tous mes articles par une fable de La Fontaine)



Je cherchais un film sans prise de tête, et l'affiche très rétro de celui-ci m'a convaincue d'y jeter un œil.

Le scénario pourrait effectivement être celui d'un massala des années 1970, à ce détail près que l'histoire se passe dans les années 1980. Bikram et Bala (Ranveer Singh et Arjun Kapoor), deux orphelins proches comme des frères règnent sans partage sur les activités illégales de Calcutta, tout en utilisant leurs ressources pour venir en aide aux plus démunis. Arrive Nandita (Priyanka Chopra), danseuse de bar, et Satyajit (Irrfan Khan), officier de police chargé de faire tomber Bala et Bikra. La première partie décrit la montée en puissance des deux gunday (hors-la-loi) et leur rencontre avec Nandita, dont ils tombent tous les deux amoureux fous. La seconde raconte, avec quelques twists et rebondissements, comment cet amour va déchirer leur amitié.


Le film se donne un vernis social : Bikram et Bala sont des orphelins réfugiés de la guerre du Bengladesh, ils sont présentés comme venant en aide aux pauvres là où l'Etat ne le fait pas, et leur délinquance comme le fruit du "système" qui les as condamnés à une vie hors la loi. Mais cet aspect n'est vraiment approfondi que dans la première partie  et semble maladroitement plaqué sur le scénario de la seconde.
La scène du cinéma, la seule qui trahisse un peu de recherche formelle

Gunday se révèle assez médiocre. Ranveer Singh et Arjun Kapoor font un concours de qui surjoue le plus, et même Priyanka paraît une grande actrice à leurs côtés, c'est dire. Il y a les bastons attendues,  elles ne sont pas particulièrement bien filmées (un pauvre pigeon qui s'envole ne suffit pas à faire du John Woo), mais permettent au moins de voir Arjun et Ranveer tomber la chemise. Pire, les chansons et leur mise en images sont mauvaises et donne envie d'appuyer sur la touche avance rapide. Seule Tune Maari Entriyaan sort du lot.



Bref, je ne recommande pas Gunday.

19.3.20

Censure et propagande à Bollywood

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Ni la censure, ni la propagande ne sont nouvelles en Inde. Mais la propagande est en train de changer d'échelle et prend un tour de plus en plus guerrier, alors que les discours et la politique islamophobes du gouvernement ont mené à des massacres de musulmans à Delhi il y a quelques semaines.

 La vidéo ci-dessous résume très bien la situation.



Je me contenterai de l'illustrer par deux exemples sur ce blog :

- La propagande ancienne façon : dialogues écrits dans un hindi excessivement sanskritisé (c'est à dire refusant les mots d'origine arabe ou persane, pourtant très courants dans le langage parlé), et environnement 100% hindou dans Vivah (2006) : "malgré ses apparence inoffensives, Vivah est un film engagé, engagé pour la défense d'une vision très conservatrice de la société indienne, et en particulier du rôle de la femme hindoue"



- et la propagande violemment anti-musulmans, qui se fonde sur une vision biaisée de l'histoire de l'Inde : Padmaavat (2018)

Ce sont des films intéressants à voir, ne serait-ce que pour connaître les armes de l'adversaire.

Il existe heureusement plein de films soit beaucoup plus nuancés (Bombay - même si ce dernier est légèrement pro-hindou -, Dil se, ou le plus léger Amar Akbar Anthony dans lequel trois frères séparés enfants adoptent chacun une religion différente..) soit engagés en sens inverse (Firaaq, PK et sa critique de l'hindouisme marchand, Haider sur la vie au Cachemire). 


Si vous avez d'autres exemples, n'hésitez pas à les indiquer en commentaire

16.3.20

Tumbbad (2018)

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L'avarice perd tout en voulant tout gagner. 
Je ne veux, pour le témoigner,
Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable, 
Pondait tous les jours un œuf d'or.
 Il crut que dans son corps elle avait un trésor. 
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable 
A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
 S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien. 
[...]
Jean de la Fontaine 

L'intrigue ne colle pas tout à fait à la fable, mais elle en a l'esprit. Plus qu'une poule, elle implique un dieu déchu et oublié, enfermé dans l'utérus de la Déesse Mère après lui avoir dérobé son or. Une famille brahmane atypique (la maîtresse d'un baron local qui semble être une veuve aux cheveux rasés mais est toujours vêtue de rouge contrairement à l'usage, et leur deux enfants) a la garde d'une créature qui a peut-être été un jour humaine et qui sait comment lui soutirer des pièces d'or.
 
séance de pédicure 

C'est un film humide (il y pleut tout le temps) et féminin. La nature, sur cette terre-mère, est envahissante (on y voit un arbre pousser à travers quelqu'un - une des images les plus originales que j'aie vues depuis longtemps). On y voit littéralement, au fond d'un puits creusé au fond d'un autre puits, l'intérieur de la matrice de la Déesse originelle, mère des dieux et, comme dans les grottes sacrées qui lui sont dédiées en Inde, assimilable à la Terre.

Cette vue d'un intérieur féminin, organique, rouge sang, est le gros point fort du film, et rappelle Faux-Semblants de Cronenberg (une histoire de gynéco tordu, si vous ne l'avez pas vu, foncez !)
Mais les femmes ne sont pas réduites à leur utérus. Le récit se situe dans la première moitié du XXe siècle, et l'épouse du héros est bien plus active que lui dans la lutte pour l'indépendance, et n'hésite pas à mettre une claque à son fils quand il lui dit de s'occuper des tâches ménagères.

L'histoire de l'indépendance se lit en filigrane. On envisage de remplacer l'argent anglais d'une fumerie d'opium par celui de ce trésor bien indien, dans l'esprit de l'autosuffisance économique prônée par Gandhi. A l'indépendance, le village (et donc le trésor en-dessous) devient propriété de l’État.  

Si le film compte plusieurs monstres (très crédibles), ce n'est pas vraiment un film d'horreur au sens classique. Pas de jump scare ici. C'est l'atmosphère qui est étouffante, et le pressentiment que tout cela ne peut pas bien tourner. Les trois hommes du film sont en effet présentés comme excessivement cupides, et le scénario tient du conte moral.
Un monstre qui fait très Guillermo Del Toro 

Plus que l'écriture du film, dont la fin laisse un sentiment d'inachevé et qui aurait pu donner plus d'épaisseur aux personnages, c'est la mise en scène et les superbes images en clair-obscur, qui font l'originalité de ce film, et frappent durablement l'imagination. La musique, en outre, est envoutante.



Tumbbad devait initialement sortir en 2012, mais n'étant pas satisfaits du résultat, ses réalisateurs l'ont retravaillé pour finalement le sortir en 2018. On sent ce soin du travail bien fait à chaque instant du film.




Film hindi, 1h40, réalisé par Rahi Anil Barve et Anand Gandhi. Disponible sur Prime video avec sous-titres anglais.

15.3.20

Padmaavat (2018) - S. L. Bhansali

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Après le rouge-passion de Devdas et le bleu-nuit de Saawariya, voici Patmaavat et ses tons bruns-facho.

L'histoire (dont on nous dit bien qu'elle est fictive) en deux mots  : le sultan de Delhi Alauddin (Ranveer Singh) entend dire que l'épouse du roi rajput Ratan Singh (Shahid Kapor), Padmaavati, (Deepika Padukone) est la plus belle femme du monde. La posséder devient une obsession et il part en guerre contre Ratan Singh.


Listons les qualités et les défauts de Padmaavat. 

Les plus : j'ai appris qu'autruche se disait shutur-murgh, c'est à dire "oiseau-dromadaire". On ne voit pas assez d'autruches dans les films Bollywood

Les moins : 

1) c'est anti-musulman au possible. C'est apparemment adapté d'une épopée et j'ignore si elle a la même tonalité, mais si c'est le cas, on peut se demander l'intérêt de l'adapter au cinéma en pleine période de crispation identitaire. Dès le tout début de l'histoire on voit Alauddin (qui ne quitte pas un look dothraki assez moche de tout le film) tromper sa femme le jour de leur mariage et tuer son ami d'enfance pour dissimuler ses actes. Le musulman, on l'aura compris et on va nous le répéter tout au long du film, est fourbe, ingrat, traitre, bestial (on le voit dans une scène de repas sniffer son plat comme un chien) et lubrique. L'ironie de l'histoire, c'est que ce sont aux départ les Rajputs qui ont manifesté contre ce film accusé de salir leur honneur, sur la fausse rumeur d'une histoire d'amour  entre Padmaavati et Alauddin

Les musulmans en Inde, façon Bhansali


2) qui dit lubrique, dit sexualité hors norme. Et croyez-moi ce n'est pas pour valoriser la diversité des orientations sexuelles. Cette infâme brute est donc présentée comme ayant possiblement un amant en la personne de son serviteur Malik Kafur, dont la rumeur dit qu'il serait "uski begum", "sa femme". Ce dernier est interprété par Jim Sarbh qui a l'air au choix de jouer dans un autre film ou d'avoir fumé toute l'herbe de l'Inde.

Jim Sarbh

3. Face aux musulmans, Ratan Singh est présenté comme le Rajput parfait, et les Rajputs comme des hommes d'honneur, de courage et de principes. Ces fameux "usool" (principes) nous sont largement rabâchés.*

 Le soleil rajput
Une scène assez révélatrice : lors de la préparation au combat des deux leaders, on voit Padmaavati enrouler avec soin le turban de son époux, symbole des traditions rajputs. Alauddin, lui, se pose sans façon sa couronne sur la tête. Et les hommes rajputs sont si valeureux qu'ils continuent à combattre la tête coupée.
Bref c'est pas subtil, et ça devient très problématique quand ces principes s'appliquent aux femmes

4. Le film promeut des valeurs patriarcales. Sans parler du fait que les deux camps respectent la pardah (interdiction pour une femme de montrer son visage), et que Deepika est essentiellement présentée comme objet de convoitise plus que comme individu, il y a le gros problème du "jauhar" (l'immolation collective des femmes assiégées pour sauver l'honneur des Rajputs dans la défaite). Car le jauhar est ici totalement glorifié (quoiqu'en dise Deepika, dont on se demande bien se qu'elle est venue faire là-dedans). Avant le départ de son époux à la guerre, Padmaavati lui demande l'autorisation de le pratiquer en cas de défaite, avec toutes les femmes du fort. Elle justifie sa décision en arguant que les femmes rajputs aussi sont des guerrières, et que se jeter dans le feu est leur arme. Le mari accepte sans une hésitation.
Les préparatifs sont longuement et complaisamment filmés, et quasiment chorégraphiés, sur une musique solennelle. Pire, c'est la seule séquence visuellement belle et colorée d'un film globalement terne. Et un petit texte nous dit à la fin que "le jauhar de Padmaavati fut la pire défaite d'Alauddin". Youpi, jetez-vous toutes dans le feu Mesdames.




5. C'est moche. L'autruche en image de synthèse pique les yeux, les couleurs sont maronnasses, la musique très moyenne et même les chorégraphies, le point fort des films de Bhansali, sont faiblardes.

Bref, c'est laid,  réac et misogyne, anti-musulman à mort, et homophobe en prime. Sauvez trois heures, ne regardez pas Padmaavat

*note linguistique : bizarrement, contrairement à la coutume qui veut que dans les films historiques les musulmans parlent urdu et les hindous  un hindi très pur, ici tout le monde sauf le brahmane emploie des mots persans et arabes.


9.3.20

Jallikattu (2019)

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Le jallikattu, c'est cette tradition sportive du Sud de l'Inde qui consiste à prouver sa force et son courage en affrontant un buffle. En théorie, c'est une activité non-violente. Récemment pourtant des polémiques ont éclaté à ce sujet, le buffle étant, du fait de sa ressemblance avec la vache, un animal respecté par les hindous.


On retrouve cette tradition dans le film tamoul Virumaandi,où elle permet l'entrée en scène du héros immédiatement caractérisé par sa bravoure :


On en voit également un écho dans cette scène de Baahubali particulièrement impressionnante :


Dans ce film  malayalam de Lijo Jose Pellissery, le titre est assez ironique, car l'ambiance n'a rien de festive, et le buffle est destiné à la boucherie. Le cinéma du Kerala,  patrie d'Adoor Gopalakrishnan, confirme sa réputation d'intello de la classe avec ce court film (1h31) audacieux.


Nous voici donc dans un village chrétien du Kerala, où semble d'abord régner l'harmonie. Le film s'ouvre sur une séquence assez audacieuse : une succession d'yeux qui s'ouvrent un beau matin, montrant l'unité de la communauté (à moins que cette scène ne soit la fin d'un rêve, que constituerait tout le film... hypothèse intéressante qui me vient en écrivant, et qui collerait bien avec la fin assez cauchemardesque dans son excès).

Les "Chrétiens de Saint-Thomas" sont implantés au Kerala depuis des siècles (la légende dit depuis le 1er siècle de notre ère), mais ce village en particulier a été bâti sur une terre défrichée il y a à peine deux générations. La nature n'est pas loin. Il semble bien structuré autour de l'église (qui a, comme un temple hindou, un arbre de Santal dans sa cour), la boucherie de Kalan Varkey, et la maison du chef de village, qui s’apprête à marier sa fille. Mais voici que qu'un buffle s'enfuit...

Les dégâts sont considérables, entre les paysans qui perdent leurs cultures piétinées et le chef du village qui voit le repas de fiançailles menacé faute de viande de luxe. Et le village s'unit, allant jusqu'à rappeler un chef de gang jadis banni, pour rattraper la bête. Bientôt cependant la division s'installe : à qui appartiendra la viande ? Au boucher, ou à celui qui abattra le buffle ? Et la bestialité, soulignée par une bande originale de cris de guerre et de bruit d'animaux (pas de chansons ici), va crescendo tout au long de cette journée. 
Le film est rythmé par trois feux : le premier, accidentel, est déclenché par le buffle dans sa fuite. Le deuxième, d'origine humaine, est l'incendie d'une voiture de police dont l'occupant s'opposait à la chasse au buffle. Le troisième est celui des torches que portent les villageois, de nuit, dans la forêt, dans une sorte de chasse primitive.


Face à ces humains qui le sont de moins en moins (jusqu'à apparaître en véritables hommes des cavernes), le buffle. On voit d'abord un de ses congénères sous forme de pièces de viande. Le fugitif, lui, apparaît peu (faute de budget pour les effets spéciaux ?) On voit les traces de son passage, ou bien les scènes sont tournées en caméra subjective du point de vue de l'animal (un peu façon Les Dents de la mer, bien que l'ambiance n'ait rien à voir). Car ce buffle n'est pas le sujet véritable du film, mais le catalyseur des pulsions humaines qui vont perturber la paix de ce village.

Moins expérimental que ne le laissait craindre sa première scène, Jallikattu est un film qui emprunte à la tradition réaliste du cinéma malayalam, tout en ajoutant une touche fantasmagorique de plus en plus marquée. Il est disponible sur Prime Video, et chaudement recommandé. 



5.3.20

Queen (2013)

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Initialement je voulais revoir Firaaq, excellent film sur les pogroms anti-musulmans de 2002, mais alors que les lynchages reprennent de plus belle à Delhi, Netflix a choisi de le retirer de son catalogue.

Donc, Queen. Un film assez original d'émancipation féminine, un peu "bollywood" mais pas trop (les belles chansons sont bien là, mais comme musique de fond, pas pour des séquences chorégraphiées).




Rani, jeune étudiante en arts ménagers (très subtilement incarnée par Kangana Ranaut) très ingénue, et jamais sortie de son quartier, se prépare à épouser VIjay. Un mariage d'amour, approuvé par les familles, tout est bien dans le meilleur des mondes. Sauf que Vijay la lâche deux jours avant le mariage, sans vraiment s'en expliquer. Rani (ce qui veut dire "reine", d'où le titre), d'abord effondrée, décide de partir quand même en lune de miel, seule, afin de réaliser son rêve de voyager en Europe. Elle va y faire des rencontres, se dévergonder (un petit peu, hein c'est du cinéma indien) et murir beaucoup.


Comme tout bon film Bollywood, celui-ci est pleins de clichés sur les étrangers. Les Occidentales (et les Indiennes vivant en Europe) couchent avec tout le monde (mais, surprise, ce n'est pas condamné, la morale du film serait plutôt "à chacun sa vie"), les Français mangent des trucs répugnants (j'ai bien ri dans la scène du restaurant), les Russes boivent, Amsterdam est plein de sex-shops, et les Japonais... sont juste bizarres en fait, je n'ai pas bien compris le personnage. La bonne surprise, c'est que tout ces personnages sont sympathique et bienveillant envers l'héroïne. On n'est pas du tout dans la propagande nationaliste qui règne de nos jours à Bollywood.

 Rani, donc, se rend à Paris toute seule, d'abord assez gourde et encombrée de valises, et rencontre la très libre Vijayalakshmi (interprétée par la sublime Lisa Haydon). Un instant, on se dit qu'elle a troqué son fiancé pour une girlfriend, mais non, tout de même pas.


VIjayalakshmi lui apprend les rudiments du voyage en solo, et la voilà partie pour Amsterdam, où elle atterrit dans une auberge de jeunesse dans laquelle elle doit partager sa chambre avec trois hommes... Il y a évidemment moult gags sur les différences culturelles et l'ignorance de Rani, et après un début assez déprimant, on rit beaucoup. Mais la grande originalité, c'est la peinture, en flashback, de la relation que Rani avait avec Vijay. Une relation toxique, et présentée comme telle, c'est plutôt rare. Il est clairement suggéré que Rani n'aurait pas été heureuse en suivant la voie traditionnelle du mariage et qu'intégrer (un petit peu) de culture occidentale féministe (avoir le droit, de boire, de danser, de conduire...) n'est pas une mauvaise chose. C'est vraiment rafraichissant.

Mais la grande originalité, c'est la peinture, en flashback, de la relation que Rani avait avec Vijay. Une relation toxique, et présentée comme telle, c'est plutôt rare. Il est clairement suggéré que Rani n'aurait pas été heureuse en suivant la voie traditionnelle du mariage et qu'intégrer (un petit peu) de culture occidentale féministe (avoir le droit, de boire, de danser, de conduire...) n'est pas une mauvaise chose. C'est vraiment rafraichissant.

Aiyyaa (2012)

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Aiyya est typiquement le film à voir une fois que l'on a regardé quelques films hindi et tamouls, sans quoi on risque de passer à côté de pas mal de choses.
Mais si c'est le cas, foncez sur cette comédie complétement barge, vous ne le regretterez pas.


Meenakshi (Rani Mukherjee), plus si jeune fille que sa famille cherche absolument à marier, fait le désespoir de ses proches. Elle est légèrement excentrique (comme toute sa famille), sait ce qu'elle veut, et ce qu'elle veut, c'est vivre dans un film. Mamooli nahin main larki (je ne suis pas n'importe qui) chante-t-elle dès le tout début du film.

Or, entre deux entrevues avec des prétendant, Meenakshi a enfin rencontré l'homme de ses rêves, celui qui lui semble sorti d'un film, et il est désormais hors de question qu'elle épouse quelqu'un d'autre : alors qu'elle travaille à la bibliothèque d'une école d'art, elle sent le parfum unique et irrésistible d'un étudiant.



Cet amour semble d'abord à sens unique.
Surya, l'étudiant tamoul (joué par l'acteur malayalam Prithviraj), l'ignore superbement. Le crush de Meenakshi est présenté dans ce qu'il a de plus irrationnel : Surya est impoli, toujours débraillé, probablement un soûlard, et peut-être même un drogué, mais Meenakshi fantasme quand même sur lui. Avoir convoqué l'odorat, le plus primaire des sens, comme moteur du désir est une belle idée. Et puis, Meenakshi a vu trop de films pour douter que Surya finira par l'aimer si elle fait tout son possible. Elle le suit au flair à travers la ville, et va jusqu'à apprendre le tamoul (à l'aide de phrases comme "laisse ouvert le bouton de ta chemise" ou "je préfère les peaux foncées"...). Et c'est dans cette langue qu'elle fera son dernier monologue. Grand respect pour Rani, le tamoul est une langue qui m'a toujours paru impossible à apprendre. D'ailleurs, le film se moque gentiment des gens qui veulent s'y risquer dans une chanson en simili-tamoul :


Un des jeunes gens que lui présente ses parents est pourtant, gentil, intelligent et attentionné. Mais le cœur à ses raisons... (et puis le jeune homme est fan de cinéma d'auteur des années 80, bien différent des films colorés dont Meenakshi raffole. Bref, il est trop raisonnable, et honnêtement, c'est bien le seul dans ce film assez frappé.)

Autour de Meenakshi gravitent des personnages plus ou moins cinglés. Son père collectionne les téléphones, son frère les chiens errants. Sa collègue à la bibliothèque est complétement, mais alors complétement déjantée (et très drôle).


Mon seul problème avec ce film est le côté assez répétitif des mimiques de Rani Mukherjee tentant de se faire passer pour une fille timide et traditionnelle devant les familles des prétendants.

J'ajouterai que Rani et Prithviraj sont tout deux extrêmement sexy.


3.3.20

Mashaal (1984)

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J'aime bien les grands films flamboyants, je regarde beaucoup en ce moment de trucs un peu avant-gardistes, mais de temps en temps, revenir à du traditionnel fait du bien.
Et Mashaal est exactement ça. Pas une cathédrale gothique, pas non plus un geste architectural, mais une bonne vieille petite église romane de campagne, classique, sans surprise, mais solide et émouvante à sa façon.


On retrouve Yash Chopra à la réalisation, et le film est écrit par Javed Akhtar, avec à l'écran pas moins de Dilip Kumar, Waheeda Rehman (incroyablement classe comme toujours), Anil Kapoor, Rati Agnihotri et surtout l'indispensable méchant de la fin du 20e siècle, hélas dans un rôle un peu court, le regretté Amrish Puri.


Dilip Kumar joue Vinod, un journaliste intègre persécuté par le parrain local, qui prend sous son aile Anil Puri, Raja, un petit voyou au bon coeur.
C'est probablement le meilleur film commercial des années 1980 qu'il m'ait été donné de voir. Comme souvent dans ces années le romantisme n'est pas à la fête (à peine une amourette, les actrices sont terriblement sous-exploitées), le film est dur, compte le nombre de bastons requises (toujours un plaisir à regarder, les bagarres dans les films indiens, même si Dilip sahab avait un peu passé l'âge), une scène débordante de pathos, et, c'est appréciable, un message progressiste sur la rédemption et l'ascension sociale par les études. 

Le gros point fort, ce sont les dialogues de Javed Akthar, toujours percutants, et la relation quasi filiale antre Raja et Vinod. Le twist du scénario m'a moins convaincue, mais finalement, on a vu des retournements de situation bien plus irréalistes, selon le bon vieux principe qu'on a toujours l'impression de changer d'histoire à l'entracte. Le film garde quand même son unité de ton, plutôt grave, soucieux de questions sociales (il y a même un journal communiste !).


La musique est bonne sans être remarquable, et j'ai redécouvert la magnifique chanson
Zindagi aa raha hoon mein, que je ne résiste pas à l'envie de vous traduire (à peu près) :

Des rêves plein les yeux
J'ai emprunté tes chemins
O Vie,
J'arrive !
Les souvenirs ont de nombreux visages
Beaucoup de tes légendes sont anciennes
Tu peux raconter tant d'histoires vraies
Et tant de fables !
Mais voici une histoire
Qu'il me faut narrer maintenant
O Vie,
J'arrive !

La chaleur de mes mains
Fera fondre les chaînes
Le bruit de mes pas
Changera les destins
Portant la lampe de l'espoir
Apportant tout cela pour toi,
O Vie,
J'arrive !

Tantôt tu me fais des reproches
Tantôt je me plains de toi
Mais malgré tout tu as besoin de moi
Et moi de toi
Et ceci je le proclame :
Je suis amoureux de toi,
O Vie,
J'arrive !



Je peine par contre à saisir le charisme d'Anil Kapoor, cela reste un grand mystère pour moi.

En bref, un bon film à regarder les jours de nostalgie.