3.12.16

Dear Zindagi (Hindi, 2016) - Gauri Shinde

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Toujours difficile de parler d'un film qui aborde un sujet bien représenté dans notre cinéma, mais tout nouveau en Inde ; de faire la part des choses entre l'impression de redite pour moi, spectatrice occidentale, et la révolution pour le public indien.

Dear Zindagi raconte l'histoire d'une jeune directrice photo, Kaira (Alia Bhatt, subtile et touchante), à la vie amoureuse peu satisfaisante. Elle va d'histoire en histoire sans vraiment être heureuse, mais quand elle apprend que son homme du moment est secrètement fiancé, rien ne va plus. Elle ne dort plus, et finit par consulter un "Brain Doctor", comme disent les personnages, en la personne de Jehangir Khan (Shahrukh).

Le sujet de la santé mental est très peu abordé dans le cinéma indien, si ce n'est sous la forme de thriller assez caricaturaux, avec méchant psychopathe ou personnages à double personnalité. Ce film est donc une vrai avancée. Bien que les passages difficile de la thérapie ne soit pas éludés, ce n'est pas un drame, et le fantasque Doctor Khan apporte ce qu'il faut d'humour.

Autre bonne nouvelle : à aucun moment la vie sexuelle de Kaira n'est jugée (ni celle d'ailleurs du personnage secondaire homosexuel). En fait, le message du film est très positif : il s'efforce de briser le tabou que constitue encore très fortement en Inde la consultation d'un psy, et en montre avec humour l'utilité de voir un spécialiste dans les moments où ça ne va pas bien. Et si les conseils du Dr Khan en lasseront sans doute certains, j'avoue qu'ils m'ont fait réfléchir.

J'ai apprécié d'ailleurs que la fin mette l'accent sur les progrès de Kaira et sur sa réussite professionnelle, tout en ouvrant la porte à une nouvelle aventure sentimentale (avec une guest star fort bienvenue).

Sur un plan plus formel, je ne peux m'empêcher de regretter l'américanisation du montage et du scénario, qui enlève une partie de son originalité au film. Ce n'est malheureusement pas un cas isolé.


2.10.16

Angry Indian Goddesses et La Saison des Femmes

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Il y a eu pas mal de sorties ces derniers temps de films montrant à quel point la situation est compliquée pour les femmes en Inde. Si j'étais cynique, et sans nier la réalité de cette situation, je dirais que cela se vend bien en Europe, tant cela correspond à l'image que l'on peut avoir de l'Inde.


La Saison des Femmes (Parched) est  un franc succès. Situé dans un village de l'ouest de l'Inde, il montre le quotidien de femmes normales qui décident de ne plus se laisser malmener. L'épouse sans enfant, la veuve qui se démène seule, la jeune fille victime d'un mariage forcé, la danseuse érotique.. des types assez clichés qui vont devenir bien plus face à la violence des situations, et prendre leur destin en main.

Ce qui frappe dans Parched, c'est l'ancrage très local : Leena Yadav, la réalisatrice, a sillonné le Kutch pour récolter des informations : costumes, boucles d'oreilles et dialectes en portent la marque. 
Compte-coup :  elle décrit un régime matrimonial très minoritaire en Inde, dans lequel c'est le l'homme qui paye pour se marier : la famille de la femme ne donne pas de dot. Une des plus grandes oppressions qui pèsent aujourd'hui sur les femmes indiennes n'est donc pas abordée.

L'autre point marquant est la complexité de ces personnages de femmes qui évoluent au cours du film, à l'image de Rani, qui commence par reproduire pour sa belle-fille le mariage forcé dont elle a été victime, avant de se rebeller.

Un film violent, mais dont l'énergie cathartique fait du bien, porté par d'excellentes actrices (Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte, Surveen Chawla et la toute jeune Lehar Khan).


Angry Indian Goddesses... c'est une autre paire de manches. Toujours bon de rappeler les violences subies par les femmes, et l'inaction de la police, mais on n'est pas obligé de le faire à travers un mauvais film. Un groupe d'amies se réunit dans la grande maison de bord de mer de l'une d'entre elle pour son mariage. Elles sont photographe, chanteuse, actrice, femme d'affaires, militante médiatique, femme d'un riche mari...bref, extrêmement représentatives d'une Inde de magasine, et jouées, hélas, par des actrices pas tout à fait au point. Heureusement pour la représentativité sociale, il y a la domestique, issue d'un milieu plus modeste. Son inclusion dans l'histoire est d'ailleurs assez maladroitement menée, et son propre drame ne semble pas avoir trop de rapport avec le sujet du film.

Lors d'une séquence pré-générique très réussie, on voit tout ce petit monde remettre à leur place des hommes qui les harcèlent. C'est dur, cela fait rire nerveusement, c'est cathartique.

Le reste n'est malheureusement pas du tout de ce niveau. Une bonne moitié du film se fonde sur les dialogues en huis-clos de ce petit groupe, qui expliquent longuement ce qui ne va pas dans leur vie (et il y en a des choses, la condition féminine n'a pas changé entre les deux films). Mais on se pose parfois des questions sur la qualité de tous ces dialogues : l'une des femmes explique quand même qui est la déesse dont elle a une peinture. Qui n'est autre que la déesse la plus connue d'Inde, Durga. Je veux bien qu'un des personnages ait grandi en Angleterre et puisse ne pas tout savoir, mais quand même... on sent le film fait pour un public de festivals en Occident. A l'inverse, La Saison des Femmes abordait naturellement des sujets qui font débat en Inde sans être forcément connus en Europe, comme le racisme dont sont victimes les femmes des États du Nord-Est. D'une manière générale le titre d'Angry Indian Goddesses ne tient pas toutes ses promesses, et la thématique religieuse annoncée est peu présente. C'est finalement dans la Saison des Femmes, lors de la fête de Dusshera, que le potentiel dramatique et cathartique de la religion est le mieux exploité.


La première partie est longuement explicative, et incroyablement naïve dans son approche des problèmes sociaux : la femme d'affaire annule le projet minier controversé de sa société... en guise de cadeau de mariage à son amie ! Et la marmotte...
Et quand survient l'évènement horrible qui met vraiment en colère le groupe d'amies... on plonge dans l'énorme et invraisemblable mélo, avec intervention des policiers et d'une fanfare en plein enterrement.

J'ajoute que c'est filmé avec les pieds ?