12.6.11

Kamal Hassan (partie 2 : après 1990)

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Autant le dire tout de suite, je préfère Kamal l'acteur dans ses films plus anciens. Certains de ses choix les plus récents n'ont pas été à la hauteur de son talent. Il a néanmoins continué de jouer dans un certain nombre de films intéressants après 1990. Surtout, il a commencé à en réaliser, et s'est révélé aussi doué comme réalisateur que comme acteur.

1992 - Guna, de Santhana Bharathi, avec Roshini


Guna, un jeune homme mentalement dérangé, vit chez sa mère, tenancière d'une maison close. Obsédé par la déesse Abirami, il enlève une jeune femme qui lui semble en être l'incarnation. La réalisation est parfois brillante, mais Kamal cabotine méchamment (hé oui, ça lui arrive parfois), et je déteste les histoires dans lesquelles la jeune femme enlevée finit par réaliser que son ravisseur est l'homme de sa vie.

Le plan-séquence qui ouvre le film (dommage que l'image ne soit pas meilleure) :



1996 - Indian, de Shankar, avec Manisha Koirala, Urmila Matondkar

Fable anti-corruption à grand spectacle qui ne m'a vraiment pas passionnée. Seuls de sympathiques chorégraphies et un très beau flashback, plein d'émotion et d'intensité dramatique, sauvent le film de l'ennui.


2000 - Hey Ram, de et avec Kamal Hassan, scénario de Kamal Hassan, avec une distribution de dingue Vasundhara Das, Girish Karnad, Shah Rukh Khan, Atul Kulkarni, Hema Malini, Rani Mukerji, Om Puri, Naseeruddin Shah - tamoul/hindi

Hey Ram est un film extrêmement ambitieux, qui suit le cheminement d'un homme dont la femme est violée et assassinée lors du Direct Action Day de Calcutta et qui est recruté par des extrémistes hindous pour assassiner le Mahatma Gandhi, rendu responsable de son malheur. Un sujet sensible traité de façon très expressionnistes et avec beaucoup d'audace, et un rôle superbe pour Kamal dont le personnage ne cesse d'évoluer mentalement et physiquement.

La très belle "Hey Ram Symphony" (illustrée par quelques unes des hallucinations de Ram) :



2001 - Aalavandhan, de Suresh Krishna, avec Raveena Tandon, Manisha Koirala

Certainement pas le meilleur film de Kamal, mais sans aucun doute l'un des plus divertissants. Aalavandhan réussit parfaitement le mélange masala - film d'action à l'américaine. Kamal y joue un policier qui doit protéger son épouse de son propre frère jumeau psychopathe (joué aussi par Kamal). Le film réussit à être vraiment effrayant par moment, les nombreuses scènes d'action sont impressionnantes et inventives, et Kamal excelle dans deux registres différents (assez réaliste dans le rôle du policier, très cartoonesque dans celui de son frère).



2003 - Anbe Sivam, de Sundar C., avec Madhavan, Kiran Rathod, Santhana Bharathi



Anbe Sivam est le parcours initiatique de Anbarasu (Maddy), jeune publicitaire arrogant et égoïste forcé de voyager avec Nallasivam (Kamal), un militant communiste défiguré à la suite d'un accident. Ce n'est pas subtil pour deux sous, mais Madhavan est mignon comme tout, le personnage de Kamal très attachant, les personnages féminins ne sont pas juste des potiches décoratives, et le film est plein d'humour (drôle même quand on doit se fier aux sous-titres pour comprendre). Bref ça vaut le coup d’œil.


Le capitalisme expliqué par Kamal :


2004 - Virumandi - de Kamal Hassan, avec Nasser, Pasupathy, Napoleon


Une jeune femme qui réalise un film contre la peine de mort se rend dans une prison pour interviewer deux condamnés, Kothala Thevar (Pasupathy) et Virumaandi (Kamal). Il se trouve que les condamnations des deux hommes sont liées aux mêmes évènements. Ils vont tour à tour raconter leur version des faits. Comme Hey Ram, Virumaandi est un film ambitieux et surprenant, dans lequel des scènes d'une grande tendresse côtoient la plus extrême violence.


2006 - Vettaiyaadu Vilaiyaadu, de Gautham Menon avec Jyothika, Kamalinee Mukherjee, Prakash Raj

Raghavan (Kamal) est un policier, veuf, envoyé aux Etats-Unis pour enquêter sur un meurtre. Il y sauve une jeune femme, jouée par Jyothika, qui cherchait à mettre fin à ses jours car son mari l'a abandonnée. Bientôt Raghavan s'aperçoit qu'il est sur la piste d'un tueur en série.
Pas beaucoup de souvenirs de ce film vu il y a déjà longtemps. J'avais été choquée par la complaisance avec laquelle les tueurs étaient dépeints (ils ont droit à une choré, ce qui m'avait paru d'assez mauvais goût). Mais le souvenir le plus marquant reste l’atmosphère mélancolique - que j'ai depuis retrouvée dans les autres films de Gautham Menon, qui entoure ces deux personnages blessés. Jyothika est comme souvent très bien.


2008 - Dasavatharam, réalisé par K.S. Ravikumar, scénario de Kamal Hassan, avec Asin

Un film à gros budget, avec Kamal dans dix rôles différents (une femme, un tueur à gage américain, le président des Etats-unis, un chanteur de bhangra...), c'est tentant, non ? Sauf que l'histoire est sans intérêt (mais propose un traitement révolutionnaire du cancer de la gorge...), la musique de Himesh Reshammiya très mauvaise, les effets spéciaux pas du tout à la hauteur du budget, et les maquillages absolument pas crédibles. C'est vraiment du gâchis, car Kamal était clairement capable de jouer dix rôles différents sans recourir à un maquillage aussi lourd qui enlève toute expressivité à son visage. Bref un film très prétentieux à oublier très vite.

Kamal Hassan (partie 1 : avant 1990)

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Retour sur la carrière d'un de mes acteurs préférés, Kamal Hassan. Kamal Hassan occupe une place particulière dans mon cœur, car c'est en grand partie grâce à lui que j'ai découvert le cinéma tamoul. Un jour, à l'époque (lointaine) où j'hésitais encore à regarder un film sans Shahrukh, j'ai acheté Hey Ram, en hindi. Le rôle de la star de Bollywood était bien plus court que ne le suggérait l'illustration de la jaquette, mais quelle importance ? J'avais découvert un acteur extraordinaire, qui m'a littéralement hypnotisée pendant toute la durée du film. Et quand je me suis rendu compte qu'il en était aussi le réalisateur, je me suis dit qu'il était temps que j'en sache plus sur ce Kamal Hassan.
Cette rétrospective récapitule tous les films que j'ai vus : quatorze seulement.

Si je devais sortir du lot certains films, ceux que je considère comme les meilleurs, et que je conseillerais à quelqu'un qui ne connaîtrait pas encore Kamal Hassan, je choisirais sans doute, dans le désordre, Nayakan, Hey Ram, Sadma, Sagara Sangamam. Si l'on me demandais mes films préférés, j'ajouterai Aalavandhan, qui est un excellent divertissement.

Lorsque j'ai déjà eu l'occasion de parler d'un film, un lien renvoie vers le post concerné.

* * * * *

1977 - Pathinaru Vayathinile, de Bharathi Rajaa, avec Sridevi et Rajinikanth

Un beau film rural, tout simple. La jeune Sridevi, de retour dans son village après ses études, attire tout les regards masculins, pas toujours bien intentionnés (dont ceux de Rajinikanth qui était alors abonné aux rôles négatifs), et ignore l'affection que lui porte l'idiot du village joué par Kamal, le seul à l'aimer vraiment. Très jolie chanson "Senthoora poove" (Ilayaraja).


1981 - Ek Duuje Ke Liye, de K. Balachander, avec Rati Agnihotri (Sapna) - hindi (remake du film telugu Maro Charithra, également avec Kamal Hassan)

Kamal joue Vasu, un jeune Tamoul qui rejoint sa famille installée dans le nord de l'Inde, et tombe amoureux de sa voisine Sapna. Problème, la voisine ne parle pas un mot de tamoul, et Vasu ne comprend pas le hindi. S'en suit une romance interlinguistique vite interrompue par les familles, ni l'une ni l'autre favorables à un mariage. Les parents décident de mettre leurs enfants à l'épreuve : ils leur demandent de se séparer un an, et leur promettent de consentir à un mariage s'ils le souhaitent encore après cette année.

J'ai beaucoup aimé la première partie, très romantique et originale, centrée sur les difficultés de communication entre les deux amoureux. J'ai bien aimé le personnage rebelle joué par Kamal. Le film prend ensuite un tour dramatique moins convaincant, il traine en longueur, et l'on doit supporter un personnage "comique" absolument pas drôle en la personne du jeune homme choisi pour Sapna par ses parents. Heureusement, le scénariste trouve un prétexte pour faire danser du bharatanatyam à Kamal (mais trop brièvement). La fin est à mes yeux complétement ratée et tombe comme un cheveu sur la soupe.

Mon passage préféré : "Mere jeevan saathi", une chanson filmée entièrement dans un ascenseur, et dans laquelle Vasu, qui ne parle pas encore bien hindi, s'exprime uniquement à l'aide de titres de films.



1983 - Sadma, de Balu Mahendra, avec Sridevi (version hindi de Moondram Pirai)

Somu, un jeune instituteur qui vit seul dans un village de montagne, recueille une jeune fille retombée en enfance à la suite d'un traumatisme. Si l'on est prêt à pardonner les énormes invraisemblances médicales, c'est un très beau film, tout en nuances, et servi par de splendides décors et une musique d'Ilayaraja divine.



1983 - Sagara Sangamam - de K. Viswanath, avec Jayaprada, Geetha, Sarath Babu, S.P. Sailaja - telugu (Salangoi Oli en version tamoule)

Balu, un danseur talentueux mais pauvre, reçoit le soutien d'une jeune femme riche, qui l'aide à se faire connaître. Mais la mort de sa mère empêche Balu de participer au spectacle qui aurait pu lancer sa carrière. Il ne parvient pas non plus à épouser Madhavi (Jayapradha), et s'éloigne d'elle. Des années plus tard, alors qu'il a sombré dans l'alcoolisme, elle lui demande d'enseigner la danse à sa pimbêche de fille.

Kamal est un acteur formidable, mais c'est aussi un des meilleurs danseurs du cinéma indien, et Sagara Sangamam lui laisse tout le loisir de prouver son talent dans ces deux domaines. Même pour quelqu'un qui comme moi n'a aucune connaissance particulière en danse classique indienne, les chorégraphies sont splendides à regarder et communiquent beaucoup d'émotion : essayez un peu de garder les yeux secs quand Kamal danse pour sa mère mourante, ou quand il tente d'oublier son chagrin d'amour en dansant comme un fou sur la plage...

Répétitions champêtres :



Les ravages de l'alcool :



1985 - Geraftaar, de Prayag Raj, avec Amitabh Bachchan, Poonam Dhillon, Madhavi - hindi

Le petit Karan est chassée par sa mère qui le juge responsable de la mort de son père. Il grandit et devient Amitabh. Son petit frère Kishan devient Kamal, et enchaîne les petits boulots. Un jour il se brouille avec la fille d'un puissant mafieux (Poonam Dhillon), qui pour se venger décide de le séduire et de l'abandonner. Mais sa famille la double et fait mettre Kishan en prison. Et devinez qui il y retrouve ?


Bref, une classique histoire de frères séparés puis réunis, mais ce n'est pas tous les jours qu'on a dans un même film Kamal et Amitabh (qui se partagent le film à parts égales). Sans compter qu'une troisième star, et pas des moindres, fait une courte apparition :


A part ça, pas grand chose à signaler. Le film est assez mollasson, et ni Kamal ni Amitabh ne semblent enthousiasmés par leur rôle. La musique n'est pas plus originale que le scénario :



1987 - Nayakan, de Mani Ratnam, avec Saranya, Janagaraj, Tinnu Anand


Au milieu de Sacred Games, Ganesh Gaitonde, le gangster inventé par Vikram Chandra, coincé avec son équipe sur son bateau, passe le temps en regardant les films. Voici ce que Vikram Chandra lui fait dire au sujet de Nayakan :
« Mukund, one of the boys, was Tamil, and he translated Nayakan for us, and it was true, the Tamil version with Kamalahasan was a lot better. It was strange to see Bombay in Tamil, through Tamil, but the film had dum. It was true, just like life. We watched Vardarajan's life in complete silence, from his beginnings in the slums and his rise up to power and fame. When his son was killed, when that choking cry came from Kamalahasan’s throat, we felt that pain, it was ours. »
("dum", दम : souffle, vie, énergie)

Il paraît que l'histoire est partiellement inspirée du Parrain de Coppola. Je ne sais pas dans quelle mesure, je ne l'ai pas vu. Ce que je sais, en revanche, c'est que Nayakan est un chef-d’œuvre, et que je suis entièrement d'accord avec le compte-rendu qu'en fait Ganesh Gaitonde.
Le personnage joué par Kamal, Velu, serait aussi inspirée par le gangster Varadarajan Muniswami Mudaliar. Nayakan raconte son ascension dans la pègre de Bombay : d'abord pauvre orphelin recueilli par une famille de contrebandiers, son intelligence et son charisme lui permettent d'étendre son pouvoir et de devenir le protecteur de quartiers entiers. Mais ces succès vont peu à peu détruire sa famille : ceux ses proches qui ne sont pas tués dans des affrontements entre gangs choisissent de s'éloigner de lui.


Je vais essayer de ne pas abuser des superlatifs, mais ça ne va pas être facile. Nayakan est un film très rigoureusement construit, qui possède un excellent scénario, digne d'une tragédie classique. Il est en outre plein de ces scènes qui vous laissent la gorge serrée dont Mani Ratnam a le secret, telle la première rencontre de Velu avec la (très) jeune prostituée qui deviendra sa femme. L'extrait donne également un aperçu de la musique composée par Ilayaraja. Enfin, tous les seconds rôles sont très bien joués, qu'il s'agisse de la famille de Velu, de l'acteur qui joue son ami, ou de Tinnu Anand (qui joue le fils handicapé mental d'une des victimes de Velu).

Un autre extrait : "Thenpandi Cheemaiyile", le morceau qui accompagne toutes les étapes de la vie de Velu.



La suite bientôt...