29.4.20

Irrfan Khan (1967 - 2020)

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C'est avec beaucoup de tristesse que j'apprends la mort prématurée d'Irrfan Khan, à 53 ans, emporté par un cancer. Je ne vais pas vous faire sa biographie. Juste partager deux ou trois souvenirs de cinéma.



Irrfan sahab, je l'ai d'abord connu comme le second rôle indien qui, en deux ou trois minutes à l'écran, volait la vedette aux stars dans des films occidentaux. A Mighty Heart, par exemple, sur l'assassinat de Daniel Pearl, où il jouait un policier pakistanais. Ou The Darjeeling Limited où le voit si peu de temps, mais où il bouleverse le spectateur.


 Un tout jeune Irrfan Khan, sans doute dans Salaam Bombay

Puis j'ai découvert ses films indiens, Maqbool, adaptation de Macbeth, où il avait le rôle titre, Billu Barber, film dont la promotion tournait uniquement autour de Shahrukh Khan mais dont il était incontestablement le meilleur acteur, et à ma connaissance l'une des rares grosses productions indiennes dont il ait été le héros. Et bien sûr The Lunchbox, un des rares films indiens qui a eu du succès en France, où il forme une paire inoubliable avec son stagiaire Nawazuddin Siddiqi. En quête des rares films où il avait le premier rôle j'ai vu ensuite The Warrior, autre très bon film.

Mais s'il donnait parfois l'impression d'être un des seuls acteurs à prendre son boulot au sérieux, il n'en avait pas moins de l'humour, et je vous propose de (re)voir cette petite vidéo satirique faite par le groupe All India Bakchod



RIP Irrfan

28.4.20

Tamasha (2015)

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de Imtiaz Ali avec Deepika Padukone et Ranbir Kapoor.

Enfant, Ved adorait écouter les épopées du vieux conteur du village, au désespoir de son père qui aurait préféré qu'il travaille ses maths. Adulte, en vacances en Corse, il passe une semaine de folie avec Tara, jeune indienne rencontrée sur place. Le principe : personne ne donne son vrai nom, Ved et Tara jouent des rôles pour la semaine. 
Fin de l'amourette de vacances. Plusieurs années plus tard, Tara rompt leur pacte en cherchant à retrouver Ved, dans la vrai vie "product manager" dans une grande boîte. Le couple se reforme. Mais quel est le vrai Ved ? Le jeune cadre citadin à la vie morne, ou le jeune homme qui adore (se) raconter des histoires ? Et laquelle de ces deux vies n'est qu'un spectacle (Tamasha) ?



Le film est encadré par une pièce de théâtre racontant le parcours de Ved, déguisé en robot façon Cyberman et accompagné d'un clown assez crispant.



Si le clown tombe à l'eau, il y a pourtant beaucoup de passages comiques, notamment les présentations que Ved fait dans son entreprise, dans un charabia de jargon incohérent et très drôle.
La séquence pré-générique, dans laquelle le vieux conteur mélange allégrement Ram, Moïse et Ulysse, pour le plus grand bonheur des amateur de mythologie, est également amusante, mais un poil longue. N'empêche, imaginer Ram rentrant de Lanka confronté à un Poséidon furieux, c'est assez stimulant pour l'imagination.

C'est un des défaut du film que de ne pas avoir raccourci certaines séquences. La vie monotone de Ved et Tara est ainsi montrée par de trop nombreuses scènes presque identiques. Or il suffit des deux ou trois première répétitions pour que s'installe rapidement un malaise, un sentiment que quelque chose ne va pas.

Autre gros problème, la crise existentielle de Ved dans la deuxième partie et le pétage de plombs subséquent sont présentés n'importe comment : personne, jamais, n'agit comme ça. Il aurait fallu un peu plus de subtilité et de psychologie. C'est vraiment dommage, car je n'avait jamais vu Ranbir montrer une telle palette d'émotions, parvenant à rendre son personnage émouvant malgré les failles du scénario. Deepika est également parfaite, mais son rôle est plus secondaire. Et puis Deepika est toujours parfaite. Les deux star ont une alchimie parfaite, et l'on s'attache rapidement à leur couple. Couple hors mariage d'ailleurs pendant plusieurs années. Décidément, Bollywood change. On entend même Deepika (dans une séquence assez drôle) parler tranquillement de levrette, pipe et branlette.

  
Bref un film sur le pouvoir de l'imagination et l'importance des histoires qui laisse un sentiment d'inachevé, malgré deux beaux acteurs. Et Astérix en Corse. Si, si.

26.4.20

Mr & Mrs 55 (Guru Dutt, 1955)

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Anita (Madhubala), 20 ans, s'apprête à toucher l'héritage de son père. Mais celui-ci a mis une condition dans son testament : pour avoir l'argent, sa fille devra se marier dans le mois. Or sa tante, qui l'élève, est une militante féministe farouchement opposée au mariage. Elle décide donc de payer quelqu'un pour épouser Anita et divorcer dans les jours qui suivent. C'est Pritam (Guru Dutt), dessinateur sans le sou, qui est embauché. Mais Anita et Pritam se connaissent déjà et s'apprécient beaucoup...


"Le mari d'une héritière admet un adultère" - cela nous est dit dès le générique de début : toute l'intrigue ou presque sera donc un flash-back

Il se dégage de ce film, surtout dans la première partie, une ambiance de comédie romantique américaine. Je n'ai pas été surprise de lire que le projet de la tante d'Anita était inspiré par un film américain dans lequel une Européenne décide d’épouser contre rémunération un acteur américain au chômage afin de pouvoir vivre aux USA, à la condition qu'il accepte de divorcer rapidement (raconté par Abrar Alvi, cité par Nasreen Munni Kabir). Si quelqu'un connaît le titre de ce film, je suis preneuse ! Il règne sur le film une atmosphère de légèreté amoureuse, d'humour diffus. Même l’extrême pauvreté de Pritam est traitée sans le moindre pathos (après qu'il a fait une remarque sur la pauvreté de la population,  à la tante qui lui demande "Are you a communist ?" il répond "No, I'm a cartoonist". Tout est dit sur l'aspect politico-social du film : nous sommes dans la caricature, la satire. Nous y reviendrons.)

 
 

Les chansons sont toutes des chansons d'amour, le plus souvent joyeuses, à l'image de ces deux passages : dans le premier, Pritam vient de rencontrer Anita qui lui est littéralement tombée dessus. Interrogé par son ami sur son silence, il répond en chantant  :


 

Quelques minutes plus tard à peine, une autre chanson nous révèle qu'Anita est elle aussi d'humeur amoureuse (d'un autre homme, mais c'est un détail qui sera vite réglé).

 

Deux scènes filmées tout en mouvement, qui respirent le bonheur de sentir son cœur battre pour quelqu'un. Le film est rythmé et porté par des dialogue vifs et drôles. Il a incontestablement tous les ingrédients d'une bonne comédie romantique.

Hélas, le film a très mal vieilli. C'est en effet une critique féroce du féminisme, présenté comme un mode de vie venu d'occident (alors que le féminisme proprement indien est bien documenté, par exemple dans  The History of Doing et existe depuis longtemps). 


Dès la première scène, on sent que c'est mal parti : on voit les auditrices d'un meeting féministe peu concentrées échanger des conseils beauté au lieu d'écouter l'oratrice.
La leader féministe, c'est tante d'Anita, véritable tyran assez ridicule (elle est toujours suivie de sa secrétaire qui prend tout en note). Anita et sa tante sont présentées comme totalement déconnectées de la réalité de l'Inde par leur richesse et leur occidentalisation (à Pritam qui lui dit qu'il n'a pas de pain, Anita lui dit d'acheter des biscuits). C'est quand Pritam emmène de force sa nouvelle épouse au village voir sa belle-sœur, qu'elle "découvre" que l'on peut être heureuse en épouse traditionnelle, avec trois enfants, toutes les corvées domestiques à faire, et un mari qui vous frappe occasionnellement (et oui... le film a beaucoup vieilli) ...La belle-sœur est jouée par Kumkum, actrice charmante et talentueuse, et est clairement présentée comme le modèle de la femme indienne.


Un beau « straw man », procédé rhétorique consistant à déformer les propos de son adversaire pour en faire un argument facilement réfutable



Bref, soit on se laisse emporter par l'intrigue et l’atmosphère légèrement euphorisante qui règne sur la plus grande partie du film, soit on grince des dents devant un discours si réactionnaire.

Le film est visible sous-titré en anglais sur Youtube .

J'ai utilisé ici encore Guru Dutt : A Life In Cinema de Nasreen Munni Kabir

24.4.20

Pyaasa (L'Assoiffé) - 1957

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 chasm-e-nam jaan-e-shorida kaafi nahin
tohmat-e-ishq poshida kafi nahin
Faiz
Il ne suffit pas d'avoir l’œil humide et l'âme troublée
Il ne suffit pas d'être accusé de nourrir un amour secret

Si je me permets de commencer ce billet par deux vers de Faiz, ce n'est pas pour le plaisir (enfin, un peu quand même), c'est surtout parce que le héros cite ce poète comme source d'inspiration, qu'ils correspondent bien au ton du film, et que la poésie joue un rôle central dans Pyaasa.


Le héros Vijay (Guru Dutt) est en effet un poète sans le sou qui ne parvient pas à faire publier son œuvre. Tous lui conseillent de laisser tomber les sujets sociaux et déprimants pour se consacrer à des histoires d'amour plus légères. Vijay refuse, se retrouve à la rue où il survit grâce aux deux seules personnes capables d'apprécier son art, Abdul Sattar (Johnny Walker), un masseur de rue, et Gulab (Waheeda Rehman), une prostituée, qui va jusqu'à lui payer à manger. Vijay finit par trouver un emploi chez un éditeur, mais comme domestique, et comble de la malchance, il s'agit du mari de son amour de jeunesse, Meena (Mala Sinha), qui a préféré la sécurité d'un mariage bourgeois à un mariage d'amour. Suite à un malentendu, on croit Vijay mort, suicidé. Son œuvre est enfin publiée grâce à Gulab, et connaît un très grand succès, en partie grâce à la prétendue mort dramatique de son auteur, qui reste de son côté estomaqué par tant d'hypocrisie.


La toute première scène donne le ton : le poète admire la nature, les oiseaux, une abeille qui butine, quand arrive dans le champ un pied qui écrase cette dernière. Le regard porté sur la société est sombre, très sombre. Guru Dutt, pourtant lui-même producteur du film, a d'ailleurs dû adoucir un peu la scène finale, de crainte que le public n'aime pas un film aussi noir. La façon dont les prostituées vivent et travaillent, notamment, est présentée de façon assez crue. Les éditeurs n'acceptent de publier que des poètes reconnus, et les diplômés, au chomage, se trouvent contraints de jouer les porteurs à l'entrée des hôtels pour une pièce. Seuls les marginaux comprennent la poésie et se montrent honnêtes et généreux.

le "méchant", joué par Rehman

Les chansons, dont beaucoup sont des poèmes de Sahir Ludhianvi, éminent poète de tendance communiste (il a notamment écrit un célèbre poème sur les travailleurs pauvres qui ont souffert pour construire le Taj Mahal), sont particulièrement nombreuses, et donnent son rythme au film. Sahir Ludhianvi a ici adopté un style plus simple que dans ses recueils afin d'être compris par tous : ce n'en sont pas moins de très beaux poèmes en ourdou, qui transmettent l'essentiel du message social du film.

Plusieurs chansons permettent de montrer un Vijay toujours décalé, à contre-temps de la société : il chante une chanson déprimante à une réunion festive d'anciens étudiants ; prend la parole quand on attend de lui qu'il fasse simplement le service. Quand à la chanson romantique, "Hum Aap ki Aankhon mein", Vijay la rêve au moment même où Meena lui donne une lettre de rupture.


Le traitement des chansons est une des singularités du style de Guru Dutt. Traditionnellement, elles servent souvent d'intermèdes musicaux et chorégraphiés qui interrompent le récit. Ici au contraire, elles sont totalement intégrées dans l'histoire et la font avancer. Elles commencent généralement doucement, parfois sans musique pour se fondre dans le film (certaines, plus scandées que chantées, sont totalement a cappella, beaucoup commencent tout doucement avant d'aller crescendo) et, bien que Guru Dutt ait une formation de danseur, la danse est quasiment absente du film. Ces chansons intégrées au récit sont au diapason de celui-ci : elles ne respirent pas franchement la joie de vivre et la fierté d'être indien. La chanson la plus connue, qui marque la "résurrection" de Vijay, le montre dans une posture christique (qui reprend la couverture d'un magazine que Meena feuilletait au début du film), murmurant, puis déclamant, son dégoût de cette société hypocrite qui ne valorise que la richesse et n'aime les poètes qu'une fois morts, et se termine dans une sorte de puissant cri de rage cathartique.


Trois chansons se détachent cependant du fil de l'histoire : ce sont les trois seules chansons joyeuses, aux mélodies plus entrainantes. Deux d'entre elles sont placées dans des flash-backs (et le duo romantique parfaitement classique "Hum Aap ki Aankhon mein", avec ses nuées inspirées de "Ghar aaya mera" de Awaara de Raj Kapoor, est même une séquence rêvée au sein d'un souvenir en flash-back). La dernière des trois se détache par sa tonalité comique, résultant du contraste entre la voix de Mohammed Rafi et celle de Johnny Walker : Guru Dutt choisit de casser l'illusion du film pour faire entendre le procédé du play-back. Bref, les moments joyeux ne sont pas vraiment dans le film.



C'est S.D. Burman qui a été chargé de composer la musique des chansons, mais aussi la musique de fond, contribuant ainsi à l'unité du film. A la demande de Guru Dutt, il leur apporte une tonalité bengalie. En effet, d'après Nasreen Munni Kabir (auteure d'une biographie de G. Dutt), et bien que le seul repère géographique donné dans le film soit le Gange, Pyaasa se déroule à Calcutta*. C'est tout à fait possible, Guru Dutt étant bengali de coeur sinon de naissance. Par ailleurs, certains personnages, surtout Gulab la prostituée, rappellent des personnages de Devdas, roman qui se déroule au Bengale. C'est d'ailleurs à cause de cette ressemblance avec Devdas que Dilip Kumar, qui venait de jouer dans une adaptation du roman, refusa le rôle, que finalement Guru Dutt endossa lui-même.

Il était particulièrement exigant au sujet du jeu des acteurs, et pouvait faire rejouer de très nombreuses fois la même scène s'il n'était pas satisfait. Il s'appliquait la même exigence, et demandait après chacune de ses scènes à son comparse Abrar Alvi, qui signe le scénario, de critiquer son interprétation. Waheeda Rehman, dont c'est le premier rôle principal, est en particulier magnifique : il faut la voir changer brutalement de visage lors de leur première rencontre quand elle comprend que Vijay n'est pas un client potentiel .

Avoir de bons acteurs était crucial. En effet Guru Dutt raffole des gros plans (suivant généralement un "establishing shot", c'est à dire un plan large présentant le contexte), et l'on peut scruter le moindre détail de leur expression. Cette façon de faire était d'ailleurs nouvelle dans le cinéma indien qui préférait les plans larges. Elle permet une mise en scène moins théatrale et facilite l'indentification du spectateur, atténuant ainsi le côté difficile d'accès d'un film très noir et tournant autour de poésies que les spectateurs français ne peuvent ressentir qu'à travers les sous-titres.



Pyaasa bénéficie d'une bonne édition DVD sous-titrée français sortie par Carlotta. Elle comprend en outre une séquence d'introduction par Charles Tesson, et un film sur Guru Dutt.



* grâce aux nombreux tweets qui m'ont fait remarquer différents détails je peux confirmer que l'action se passe effectivement à Kolkota.

Pour plus d'informations vous pouvez vous référer à la préface filmée de Charles Tesson du DVD Carlotta ; ainsi qu'à Guru Dutt, A Life in Cinema, de Nasreen Munni Kabir, Oxford University Press, nouvelle édition de 2005, qui m'ont servi de sources.

21.4.20

Qurbani (1980)

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J'avais vu Qurbani il y a 10 ans, et gardais plutôt un bon souvenir du film. Malheureusement, ce sentiment ne s'est pas confirmé.


Rajesh (Feroz Khan), voleur expérimenté, se retrouve en prison, laissant sa petite amie Sheila (Zeenat Aman) seule. Elle rencontre la petite Tina, orpheline de mère, et son père Amar (Vinod Khanna), lui aussi malfaiteur (mais gentil quand même). Amar tombe amoureux, mais ce n'est pas réciproque. A sa sortie de prison, Rajesh sauve la vie d'Amar. Reconnaissant, celui-ci accepte de cacher son amour et les deux hommes sont désormais amis pour la vie. Une vie rapidement menacée par la pègre locale, tandis que l'inspecteur Amjad Khan (joué par ... Amjad Khan), s'efforce de prendre Rajesh en faute pour le renvoyer en prison.

Les méchants :


 
Amrish Puri nous expliquant le capitalisme

Les lentilles ultra-chouettes d'Aruna Irani

Les trente premières minutes donnent le nom : uniquement de l'action, surtout des courses-poursuite, et une chanson et pas le début d'une intrigue. C'est l'ensemble du film qui est ainsi étonnamment creux, laissant une très large place aux poursuites en voitures pas particulièrement passionnantes ni bien filmées. L'histoire d'amitié qui devait être au centre du film est à peine développée, malgré une ou deux scènes émouvantes, et chose surprenante, même l'histoire d'amour semble laissée de côté et se résume à deux chansons.

L'histoire principale est entrecoupée de passages comiques mettant en scène un apprenti boxer nommé Mohamed Ali, un père de famille parsi grande gueule et couard, et le policier Amjad Khan, qui s'efforce de faire sourire à chacune de ses apparitions. Sauf qu'Amjad Khan est un grand Méchant du cinéma indien, mais pas vraiment un grand comique. Bref, l'humour m'est passé au-dessus.

Mohamed Ali fait des pitreries

Il y a un peu de "fan service" (Zeenat à la plage, Zeenat vêtue d'un sari blanc arrosée au jet d'eau...) mais ça reste limité.

Zeenat en bikini

Feroz Khan, est acteur, réalisateur et producteur du film. Peut-être aurait-il gagné à ne pas cumuler les trois rôles, afin de percevoir les faiblesses de son œuvre.

Le gros point fort du film, ce sont ses chansons. Toutes sont mémorables, et en particulier les deux tubes disco "Laila main Laila"


et "Aap Jaisa Koi", interprétée par la jeune artiste pakistanaise Nazia Hasan alors âgée de 15 ans.



Pour l'anecdote, le film s'ouvre sur un hommage appuyé à Indira Gandhi, "Mère respectée d'une grande nation", à l'occasion de la mort de son fils Sanjay, appelé "le prince"... le léchage de bottes se porte bien.

A réserver donc aux inconditionnels de Zeenat Aman. Si vous ne n'êtes pas, vous pouvez vous contenter d'écouter la très bonne musique.







19.4.20

Kalank (2019)

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Quelques mots sur Kalank d'Abhishek Varman, et surtout beaucoup d'images, car j'ai eu envie de me faire plaisir !
Husnabad (la "Cité de la beauté"), périphérie de Lahore, actuel Pakistan, à l'époque colonie anglaise des Indes (mais plus pour longtemps). Satya (Sonakshi Sinha), épouse de Dev, n'a plus qu'un an à vivre et cherche une nouvelle épouse pour son mari. Elle demande à Roop (Alia Bhatt), qui lui doit une faveur, de venir vivre un an chez eux pour rencontrer son mari. Roop accepte, à condition d'épouser immédiatement Dev (qui se retrouve donc bigame). Dev n'a aucun sentiment pour Roop et la prévient que le mariage restera platonique, ce qui convient très bien à Roop. En réalisant un reportage dans le quartier malfamé (et musulman) de la ville, elle rencontre le forgeron Zafar, qui la séduit bien vite (faut dire qu'il est toujours torse nu — mais quand même, elle n'a aucun goût, Aditya Roy Kapur qui joue son mari est beaucoup plus charmant que Varun Dhawan). Or Zafar a une dent contre le père de Dev, est sa cour assidue est en fait un plan diabolique pour détruite sa famille....

Dans l'ordre, Satya, Dev, Roop et Zafar (torse nu)

Une fois les personnages et l'intrigue posés, passons à la critique proprement parler. Ce qui saute aux yeux c'est que tout est magnifique,l'image, les costumes et décors, et tout est soigné dans les moindres détails (les broderies florales sur le sari de Roop...). Les dialogues évitent de trop mentionner la ville de Lahore, mais c'est bien une sorte de Lahore rêvée que nous voyons. Rien n'est  très réaliste (surtout les extérieurs) mais tout est un régal pour les yeux.

 Quelques décors, composites et fourre-tout, mais étonnamment plaisants à regarder

Un aperçu des costumes


La musique est correcte, et les chorégraphies plutôt belles (et Madhuri, jouant une ancienne courtisane devenue professeur de chant, est toujours aussi gracieuse à 53 ans). Par ailleurs, le couple de "vétérans" (Madhuri Dixit et Sanjay Dutt) ont tout deux beaucoup d’allure.

Bref, j'ai passé 2h45 à faire des captures d'écran.
Et ce n'est peut-être pas plus mal car les personnages manquent clairement de profondeur. Dur du coup de dire si les acteurs jouent bien, car il n'y a pas grand chose à jouer. On ne voit pas les personnages évoluer : un tel dit être tombé amoureux d'une telle, mais on ne nous l'a pas montré, et on ne le voit pas. Leurs changements de positions paraissent donc aussi assez arbitraires.

Il y a un dernier point assez délicat. Difficile dans un film qui parle des prémisses de la Partition, de ne pas regarder comment sont représenté les communautés hindoue et musulmane. Les musulmans d'abord. Il ne sont que trois à sortir de la foule : une courtisane (qui bénéficie d'un portrait plus nuancé que les autres), Abdul, l'ami de Zafar, violent et qui hait les hindous. Zafar, lui, est présenté comme un séducteur sans scrupules, utilisant son sex appeal pour arriver à ses fins. On est pas loin des théories du "love jihad" (idée selon laquelle des musulmans séduiraient de jeunes hindoues pour les convertir). C'est un bloc de haine et d'animalité (on le voit d'ailleurs combattre — torse nu — un taureau en images de synthèse pas très convaincant). Il attise la haine communautaire pour servir ses intérêts personnels. Les hindous sont des intellectuels (Dev a un journal dans lequel Roop écrit), qui passent leur temps à se sacrifier pour les autres. Seul le père de Dev (Sanjay Dutt) et le personnage de Madhuri sont un peu nuancés.

Arrivée triomphale du dieu Ram dans les rues de Lahore 


Surtout, on a l’impression de voir une Lahore fantasmée par des nationalistes hindoues. Les hindous sont les patrons, vivent dans des maisons gigantesques, tandis que les musulmans, prostituée ou artisans, vivent dans les bas quartiers. Il suffit de comparer les chansons qui mettent en scène les fêtes de Dussehra (hindoue) et de l'Aïd (musulmane), pour voir le problème. La séquence de Dussehra nous montre le dieux Ram incarné par un acteur, triomphant du démon Ravana, arrivant victorieux et suivi de son impressionnante armée de singes dans les rues de Lahore.



A l'inverse , la chorégraphie de l'Aïd, pour joyeuse qu'elle soit, évoque davantage un item number, avec danseuse séduisante et peu vêtue, qu'une fête religieuse. Je comprend que l'hindouisme, étant une religion d'images, soit plus facile à mettre en scène que l'islam. C'est néanmoins assez gênant. 



Les prises de position sur  la Partition semblent à peu près représentatives : la Ligue Musulmane y est favorable, les hindous, d'abord opposer, finissent par se rallier à cette idée. Évidemment, la violence est montrée comme unilatérale. Si à Lahore il est probable que la plupart des victimes de la Partition aient été hindoues, l'inverse est vrai dans de nombreux autres cas. Quelques mots à la fin sur la Partition qui "a brisé des vies" sont un peu justes pour rétablir un semblant d'équilibre.

Je doute que le film ait connu un grand succès au Pakistan.

Terminons sur les sages paroles de Madhuri :




17.4.20

Muqaddar ka Sikandar (1978)

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On m'avait dit : "tu verras, Amitabh n'a jamais fait de Devdas, il a fait Muqaddar ka Sikandar."


Certes, un des fils narratifs semble emprunté à Devdas. Mais par rapport au roman il y a quand même vachement plus de bastons, d'enlèvements, et de courses poursuites. Et un triangle amoureux entre "Paro", "Devdas" et son meilleur pote (Vishal, joué par Vinnod Khanna). Bref, il y a un peu de tout dans ce masala à l'atmosphère plutôt dramatique qui a connu un très grand succès à sa sortie.

Résumons : un jeune orphelin est embauché comme domestique chez un riche avocat, et tombe amoureux de la seule personne gentille avec lui, Memsaab (Madame), la fille de son patron. Suite à un malentendu il est accusé de vol et renvoyé, tandis que la famille déménage à Mumbai. Le héros les suit, se trouve un prénom, Sikandar, une mère d'adoption bientôt morte (vraiment, il n'a pas de bol) et une petite sœur qu'il va falloir marier dans quelques années. La fille de l'avocat continue à le rejeter, persuadée qu'il l'a volée.



A gauche, Sikandar et sa famille adoptive ; à droite l'avocat et sa fille


Quelques années plus tard.

L'avocat a fait faillite, Sikandar est lui devenu riche et aide la police dans sa lutte contre la pègre de Bombay. Il va marier sa sœur, et poursuit toujours de ses ardeurs non désirées Memsaab. Il finance aussi secrètement l'avocat malade et ruiné.

"je donnerais ma vie pour toi !"

Désespéré par l'échec de sa vie amoureuse, il se réfugie dans l'alcool et auprès Zohra la courtisane (Rekha), qui est immédiatement séduite par Amitabh et bientôt refuse de recevoir d'autres clients (c'est la partie Devdas). Sauf que Zohra a un amant officiel, Dilawar (Amjad Khan, Le Méchant de cette époque), un truand tout juste sorti de prison.

Sikandar rencontre par hasard un dénommé Vishal, avocat débutant dont la mère l'adopte plus ou moins (encore) et présente son nouvel ami à l'ancien ténor du barreau. Vishal tombe amoureux de sa fille Kamna (Raakhee), ignorant que c'est la "Memsaab" dont Sikandar parle tout le temps.

le repaire du "méchant"

ça vous paraît compliqué ? Vous n'avez encore rien vu. La dernière demi-heure notamment part complétement en vrille. C'est ce qui fait le charme de ce genre de film, mais en l’occurrence c'est dommage car il y avait de beaux personnages qui ne demandaient qu'à être développés.

Grossièrement, le trois intrigues sont le triangle amoureux Kamna-Vishal-Sikandar, l'amour à sens unique de Zohra, et les tentatives de vengeance des bandits locaux. Au-dessus de tout cela, la volonté de Sikandar de prendre en main son destin (le titre signifie "le Conquérant du destin") qui ne cesse de lui échapper. Car "tout le monde arrive au monde en pleurant, mais celui qui le quitte en riant, celui-là sera le Conquérant du Destin", comme le dit la chanson lorsque Amitabh apparaît pour la première fois à l'écran.

On peut donc regretter que le scénario soit aussi embrouillé, d'autant que le film ne manque pas d'atouts. On a notre dose de larmes et de rires (m'enfin, surtout de larmes), et il y a un vrai effort de mise en scène et de cadrage, pas si courant dans les masalas de cette époque.




La partie "Devdas" de l'intrigue résumée en quatre images

La relation entre Zohra et Sikander est clairement le fil narratif qui avait le plus de potentiel (en partie grâce à l'alchimie indéniable entre Amitabh et Rekha), et je regrette qu'elle n'ai pas été plus développée (et connaisse une fin parfaitement stupide). A l'inverse, l'intrigue amoureuse entre Vishal et Kamna manque un peu de charme. Trop sage... Quoique...il y a un intéressant bisou hors-scène : Vishal rejoint Kamna derrière une porte, quelques secondes passent, il ressort, elle essuie la trace de rouge à lèvres sur sa bouche... du bon usage de la censure...


Je n'ai pas trouvé la musique particulièrement remarquable, à l'exception des deux tubes, "Salaam-e-Ishq" et "Rote hue aate hain sab."

Bref un scénario très masala, qui empêche un peu, même en 3h02, de creuser les personnages, mais un bon moment quand même en compagnie de Rekha et Amitabh.

14.4.20

Rang De Basanti (2006)

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Sue, une réalisatrice anglaise, vient en Inde tourner un film sur Bhagat Singh, martyr de la lutte pour l'indépendance. Elle rencontre un groupe de jeunes gens désabusés, qui finissent par accepter de jouer dans son film. A la suite d'un drame, les acteurs vont être conduits à regarder d'un œil nouveau ce pan de leur histoire et à s'identifier de plus en plus à leur personnage.

Pour parler d'un film, le mieux est quand même déjà de comprendre son titre. Et là, ça se complique. rang de ("colorie") ne pose pas de problème, mais basanti, c'est une autre paire de manches. Fions-nous au bon vieux dictionnaire Platts :

On peut, je pense, oublier la déesse de la variole. Basanti est l'adjectif dérivé de basant, le printemps, et désigne donc la couleur de la moutarde qui fleurit à cette saison. Vous savez...

Oups... pas le bon film

Donc mot-à-mot "Peins-moi en jaune". Sauf que sur Netflix, les sous-titres parlent de la "couleur du patriotisme". Et mon DVD traduit "la couleur du sacrifice". On sent vite que c'est plus qu'une histoire de nuances de jaune. Pour tout arranger, c'est une expression associée au révolutionnaire Bhagat Singh, qui a utilisé la formule dans un poème célèbre.

Pour parler encore un peu de couleurs, notons que le film comporte des morceaux du film tourné par Sue, en sépia, qui tendent de plus en plus à se mêler au film cadre, dominé par des couleurs froides (bleues notamment), mais qui s'achève naturellement dans une explosion de jaune printanier.

 Un petit air de Gladiator, non ?

Un mot sur les acteurs. Aamir est trop vieux, malgré la tentative de justifier son âge dans les dialogues. Mais tout le monde est excellent, et c'est plaisant de voir un casting pan-indien avec aussi bien Atul Kulkarni que Siddharth et Madhavan. Et dans les petits rôles, des pointures : Waheeda Rehman, Om Puri, ou encore Mohan Agashe.

Revenons à l'histoire. Sue a trouvé le journal de son aïeul, un soldat britannique qui a connu Bhagat Singh, et rêve de tourner un film en Inde sur le révolutionnaire. Le scénario aurait pu jouer sur le choc des cultures, faire faire des gaffes à Sue ou lui faire parler un hindi atroce : mais non, son personnage semble même mieux connaître l'histoire du pays que les Indiens. D'ailleurs les Anglais sont dépeints avec nuance (ce qui est rare à Bollywood), on sent ici que le vrai sujet du film n'est pas le combat contre les Britanniques.

"Pas de musique occidentale ici !"

Sonia, le contact de Sue, lui fait rencontrer une bande d'étudiants (dont Aamir Khan, 41 ans...), qui jettent sur l'Inde un regard désabusé et ne font pas grand chose de leur vie (à l'image de DJ, qui traine encore à la fac cinq ans après avoir fini ses études) et finissent par se laisser convaincre de jouer dans le film. Se joint à eux un élément extérieur, Lakshman Pandey (Atul Kulkarni, un acteur que j'adore), membre d'une milice d’extrême-droite hindoue. Son intégration très progressive dans le groupe (il a du mal avec "les jeunes d'aujourd'hui", et particulièrement avec le musulman de la bande) est un des axes de l'histoire (car naturellement, il s'agit d'aller au-delà des divisions politiques et religieuses pour sauver son pays. C'est beau mais pas vraiment original). Gravite autour d'eux Ajay, pilote de l'armée de l'air et fiancé de Sonia.


La chanson Rang de Basanti nous les montre entrant dans leur personnage en même temps qu'ils visitent le Pendjab. Mais le tournant radical est la mort d'Ajay, à bord d'un avion militaire de mauvaise qualité. Écœurés par la corruption qui conduit à ce drame, ils décident (très vite quand même pour de jeunes gens ordinaires) d'assassiner le ministre concerné, renouant ainsi avec l'action directe de Bhagat Singh. Ce dernier en effet se distinguait de Gandhi et de ses partisans par son mode d'action armé incluant l'assassinat d'officiers anglais. Notons qu'à ce moment les personnages féminins se retirent du scénario : visiblement l'action, ce n'est pas pour les femmes.

Bhagat Singh avait-il raison contre Gandhi ? DJ et ses amis ont-il eu raison ? Le film ne condamne évidemment pas Bhagat Singh, un héros dans son pays, mort en martyr, et se garde de juger trop sévèrement l'action des jeunes gens, donnant aux personnages l'occasion d'expliquer leur geste dans une scène à l'antenne de All India Radio et leur offrant une apothéose radieuse dans les dernières images. On ne peut que regretter l'inclusion entre les deux scènes d'une sorte de radio-trottoir montrant l'influence de leur acte sur leurs compatriotes ; ça se veut très optimiste, tout le monde a l'air très motivé pour lutter contre la corruption, mais ça ralentit le film et fait retomber l'émotion que le climax à la radio avait fait monter très haut. La fusillade de la radio est une des meilleures scènes d'action du cinéma indien.

Le grand sujet du film, qui passionne tant les nationalistes d'aujourd'hui, c'est le patriotisme. Le ministre corrompu assassiné est décrit par les chaines d'information comme "un grand patriote". Lakshman Pandey , le militant d’extrême-droite qui traite Aslam de "sale Pakistanais" et condamne la culture occidentale se voit très certainement aussi comme un patriote. Mais DJ et sa bande n'ont pas grand chose à faire de l'Inde et de son avenir : le système, jugent-ils, est pourri jusqu'à la moelle (du petit pot-de-vin donné à un policier à la corruption de grande échelles des industriels et des ministres), à quoi bon avoir gagné l'indépendance ? Ajay, le militaire prêt à se sacrifier pour son pays est évidemment d'une autre opinion. Mais le groupe va découvrir que si le patriotisme de Bhagat Singh était orienté, logiquement, contre les Anglais, il doit orienter le sien vers l'ennemi d'aujourd'hui : la corruption qui met en péril leurs concitoyens. S'engager en politique, manifester, sont autant de preuves de patriotisme. Et l'on retrouve finalement presque une conception gandhienne de la lutte : avant de te battre pour l'indépendance, bats-toi avant tout pour la vérité et la justice ; pour changer le pays commence par te changer toi-même.

Pour la petite histoire, j'ai découvert ce film à l'époque de sa sortie, et je n'avais pas du tout aimé. J'étais alors à fond dans la non-violence et le propos du film m'avait beaucoup heurtée. Aujourd'hui, je suis plus mesurée.

12.4.20

Hum Tum (2004)

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Confinement oblige, je ressors mes vieux DVD et je suis tombée sur celui de Hum Tum ("toi et moi" ou "vous et nous"), un des tout premiers films indiens que j'ai vus, et qui ne m'avait guère marquée à l'époque. Il est pourtant original à plus d'un titre.


Première originalité, et pas la plus réussie, le film intègre de courtes séquences d'animation, censées représenter les personnages que Karan dessine, Hum ("nous", le garçon) et Tum ("vous", la fille). Le dessin est moche et les gags sexistes et pas drôles. On s'en serait passé.

Plus intéressant, la façon de présenter une relation dans la durée, sur plusieurs années. Karan (Saif Ali Khan) rencontre Rhea (Rani Mukherjee), la drague lourdement, se fait jeter, la retrouve à son mariage, puis plusieurs autres fois au fil de l’évolution des personnages. Chaque rencontre est différente, car l'on voit vraiment les personnages changer. Et ça finit par émouvoir.

Ce qui n'est pas du tout original en revanche, c'est le point de vue uniquement masculin ("hum", nous, c'est les hommes, confus devant l'imprévisibilité des femmes) et la vision essentialiste des caractéristiques de genre. Il y a même toute une chanson qui s'intitule "Pourquoi les filles ne sont-elles pas comme les garçons ?" et ce dialogue qui résume tout :
 "- Pourquoi les hommes marchent toujours devant ?
- Pour montrer le chemin.
- Et nous les filles nous marchons derrière pour vous relever quand vous tombez"

Heureusement dans son déroulé le film remet un peu les pendules à l'heure, notamment en présentant les conceptions du sexe hors mariage de Karan et Rhea, assez différentes de ce que l'on pourrait attendre

Le film est tourné en partie à Amsterdam que l'on essaie de nous faire passer pour Paris, ce qui donne l'occasion d'entendre Rani articuler quelques mots de français (so sexy...) Par contre, Saif n'est pas à la fête avec son look "Tom Cruise".

Les chansons ne sont pas terribles, allant du médiocre (la chanson titre) au passable : 


Le DVD que je possède est l'édition Bodega du "meilleur de Bollywood", et les sous-titres français sont quasi parfaits, une rareté pour l'époque


11.4.20

Umrao Jaan (1981 et 2006)

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Deux films adaptés du même roman ourdou Umrao Jaan Ada, écrit par Mirza Hadi Ruswa à la toute fin du XIXe siècle. Du livre, je parlerai peu : je ne l'ai pas lu.


L'histoire, pour résumer ce qui est commun aux deux films (c'est à dire la plus grande part). La petite Ameeran est enlevée et vendue dans un bordel. Elle y apprend à chanter, danser, composer de la poésie, et, devenue adulte gagne vite sous le nom d'Umrao Jaan (Rekha - Aishwarya Rai) la réputation d'être la courtisane la plus belle et la plus intelligente de Lucknow (cette dimension culturelle et littéraire du métier de courtisane est mis en valeur dans les deux films). Premier client, premier amour, le beau, riche et noble Nawab Sultan (Farooq Sheikh - Abhishek Bachchan). Mais le père du jeune homme n’apprécie guère de le voir ainsi dilapider sa fortune, et met un terme à leur relation. S'en suivent des péripéties, incluant un brigand et des retrouvailles familiales.

Le film le plus récent arrange le scénario pour dramatiser les événements le plus possible, quitte à caricaturer les personnages (le brigand, un féroce dacoït sans culture dans ce film, est plus civilisé dans le film de 1981, et Umrao semble avoir réellement des sentiments pour lui ; Gauhar Mirza, l'un des seuls hommes vivant dans le bordel, est une bête qui viole Umrao-Aishwarya, alors que c'est un jeune homme épris de poésie qui s'efforce (lourdement) de séduire Umrao-Rekha). Le scénario va jusqu'à proposer une autre raison à la fin de la relation d'Umrao avec Nawab Sultan (plus dramatique, bien sûr)

Comparons les premières performances d'Umrao en public


1) Umrao se contente, dans une très belle chanson, de mettre en musique les vers que son maître vient de corriger. Rien ne rend cette scène particulièrement importante (si ce n'est la qualité de la chanson).


2) Le scénario fait monter l'attente : c'est la première prestation d'Umrao, devant des hommes particulièrement riches, le prestige du bordel dépend de sa performance. Surtout, c'est sa première rencontre avec Nawab Sultan et le début de leur histoire, alors que dans le film de 1981, Sultan tombe amoureux de la poésie d'Umrao avant même de la voir.

Mais cette dernière scène ne serait pas possible dans le film de 2006, car les films diffèrent sur le mode de narration. Comme dans le roman, c'est Umrao qui raconte sa vie à la première personne dans le film de 2006. Ce n'est pas le cas dans le premier film, et cela permet d'ajouter du pathos à une histoire qui n'en manque pourtant pas (on y voit par exemple en caméra subjective la petite Ameeran, ligotée, jeter un dernier regard à son père). En revanche, impossible donc de voir Sultan écouter les vers d'Umrao en son absence.

Globalement, le film de 2006 est plus triste, parce qu'il généralise à toutes les femmes le triste destin d'Umrao d'une part, et d'autre part parce que tout le monde pleure beaucoup plus ! En guise d'exemple, les deux films commencent par le mariage d'une très jeune fille. Tout le monde a l'air heureux dans le film de 1981, alors que les larmes coulent en 2006. On entend pour la première fois une chanson qui revient comme une rengaine  "mon Dieu, faites que je ne renaisse pas en fille". C'est aussi une question d'interprétation : le jeu d'Aishwarya est beaucoup plus expressif que celui de Rekha, tout en retenue. La critique sociale n'est pas absente pour autant du film de 1981 : on y voit l'hypocrisie d'un père qui fréquente les maisons closes mais interdit à son fils de le faire ; Sultan quitte Umrao pour se marier sagement selon les veux de son papa, et non parce qu'il la croit infidèle.

Visuellement et musicalement, c'est aussi bien différent. Je crois pouvoir affirmer que les chansons de 1981 sont bien meilleures que leurs équivalentes de 2006. Par ailleurs, il se dégage du film de 2006 une impression de décors de studio et de bijoux de pacotille absents du  premier film, plus sobre. Et reste le mystère de la lumière verdâtre atroce du film le plus récent. Un défaut de mon DVD ?

Un drame pathétique avec Aishwarya et Abhishek, ou bien un récit sobre et beau mais un peu sec avec Rekha et Farroq Sheikh, à vous de voir !

8.4.20

Bachna ae haseeno (2008)

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Raj (Ranbir Kapoor) est un Don Juan. Il séduit puis abandonne successivement une jeune femme souffrant de bovarysme profond lors d'un voyage en Suisse (Minissha Lamba) puis laisse en plan sur les marches de la mairie la femme avec qui il vit depuis 5 ans ("how cool !" comme il dit, de vivre ensemble sans être marié) (Bipasha Basu). Mais il finit par tomber amoureux de Gayatri, qui refuse de l'épouser.
Le pauvre chéri a le cœur brisé et se donne pour mission de se faire pardonner par ses deux premières conquêtes.


On va pas y aller par quatre chemin, c'est nul. Ranbir a le charisme d'une huître anémique et parmi les héroïnes seule Deepika s'en tire à peu près. Il faut dire que les personnages féminins n'ont aucune profondeur. Ils sont entièrement définis par leur rapport au héros, et leur psychisme marqué à vie par la rupture de leur relation. Passons sur la logique idiote et dangereuse qui veut que si un homme t'aime vraiment, il faut l'aimer en retour, si commune dans les films indiens et qui concerne ici le mari d'une des femmes.

Par ailleurs on met sur le même plan les actions de Raj, qui se comporte comme un salaud et ment éhontément à ses conquêtes, et celles de Gayatri, qui lui dit dès le début de leur relation qu'elle ne veut pas de mariage (évidemment, elle va changer d'avis, une femme qui ne veut pas se marier ça n'existe pas).

Je n'ai pas grand chose à en dire tant le film est sans intérêt. Les chorégraphies sont moches, et seules deux chansons restent en tête : Khuda Jaan et Jogi Mahi

5.4.20

Mere Brother Ki Dulhan (2011)

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Luv (Ali Zafar) vient de rompre avec sa petite amie londonienne après cinq ans de vie commune. Il décide qu'il est temps de se poser et charge son frère Kush (Imran Khan) de lui trouver une épouse indienne qui lui plaise ,"ayant un cœur indien et des battements de cœur londoniens" (comme le dit une chanson), car "tout ce que tu aimes, je l'aime aussi". On devine la suite...


Outre le dilemme de Kush entre son amour fraternel (les deux frères s'appellent comme les jumeaux de Ram et Sita, c'est dire s'ils sont proches) et ses sentiments pour Dimple (Katrina Kaif), la grande question du film est l'identité indienne, principalement (si ce n'est uniquement) pour les femmes.

La petite amie du début, une femme d'origine indienne née à Londres, change radicalement de façon d'être pour être conforme au modèle de femme indienne que Luv serait supposé aimer (elle s'habille plus long, apprend à cuisiner les plats traditionnels...). Echec. Luv lui dit qu'il la préférait avant, et en même temps la traite de "noix de coco" (brun dehors, blanc à l'intérieur...)


Dimple, elle, est une Indienne née à Londres mais vivant désormais en Inde, issue de la grande bourgeoisie, que ses parents ont élevée dans une totale liberté en générale réservée aux garçons. Résultat, elle cultive un look de rockeuse, boit, fume et se montre amicale avec les garçons (tout en ne franchissant jamais "la limite"). Problème : les Indiens pensent que tout est permis avec une fille si moderne.



S'ensuit un dialogue sur les différences de mentalités en Inde et au Royaume-Unis. Kush met en garde Dimple, tout en lui enjoignant de ne pas changer sa façon d'être, car  

"tu es si pure que tu ne vois pas le mal autour de toi"

Bref, vivre libre, OK, mais surtout rester pure et chaste. Cinq plus tard, lorsque Luv la rencontre dans le cadre de sa recherche d'une épouse pour son frère, elle s'est un peu assagi, et accepte un mariage arrangée. Elle semble avoir trouver le fragile équilibre qui convient à une femme indienne moderne :

  " Je suis belle comme il faut et sexy d'une manière convenable"

Mais au fond d'elle, elle est toujours bien décidé avec ce qu'elle veut. Epouser Luv s'il lui plaît... ou Kush si elle le préfère. D'où une série de péripéties plutôt vivement menée, car ce n'est pas facile de mener sa vie sentimentale comme on l'entend en Inde.

On ne s'ennuie pas une seconde dans ce film aux multiples rebondissements, agrémenté d'une musique plutôt plaisante (dont une chanson interprétée par Ali Zafar lui-même, chanteur avant d'être acteur). Ali Zafar n'a qu'un rôle assez secondaire, ce sont Imran Khan et Katrina Kaif les vrais héros de l'histoire
La photographie est un autre point fort du film, vraiment beau à regarder. Ici le Taj Mahal, mais aussi beaucoup de jolis plans de Delhi.

Bref, un film dont le scénario ne bouleverse rien mais qui pose des questions sensibles sans apporter de réponses trop tranchée, et souligne plutôt la difficulté d'être une femme entre deux cultures.



Don't be.