Le Monde d'Apu (Apur Sansar).
La Complainte du sentier nous avait dépeint la vie du petit Apu, fils d'un brahmane pauvre dans un petit village, guettant, avec sa sœur, le passage du train, fascinant symbole de la modernité qui arrivait tout juste dans la campagne bengalie.
L'Invaincu nous le montre jeune adolescent, surmontant la mort de son père. Écolier, puis étudiant brillant, il migre progressivement vers la grande ville.
On le retrouve ici jeune homme, arrêtant ses études faute d'argent, marié presque par accident, amoureux de sa femme, prêt à s'établir enfin comme père de famille, quand un nouveau deuil le frappe.
Sharmila Tagore, la jeune mariée
Mais ce fils qu'il ne veut pas voir grandit malgré tout, petit chenapan délaissé et incontrôlable, mais plein de vie. Sa rencontrer avec son père, revenu de son exil forestier va mener à l'une des plus belles fins qu'il m'ait été donné de voir.
Le Monde d'Apu est un film sur le passage à l'âge adulte, sur la fondation d'une famille. Mais c'est aussi un film sur le deuil. Il est parcouru par les forces opposées de la famille qui ancre Apu dans le monde et de la souffrance du deuil qui l'en coupe. On perd le compte du nombre d'êtres chers qu'Apu perd dans la trilogie. Pourtant, même dans ce volet, qui nous montre un héros particulièrement affecté par ces pertes, il n'y a aucun pathos. C'est le lyrisme qui domine, mais un lyrisme simple, sans affectation. Celui du bonheur simple de la vie en couple, dans le pauvre petit appartement de Calcutta transformé en cocon chaleureux. Celui qui naît de la campagne du Bengale, filmée de façon très sobre, en plans larges dans lesquels se détache la figure solitaire et sombre d'Apu. Celui de cette fin inoubliable, pleine de promesses.
Apu renonce à l'oeuvre de sa vie, le roman autobiographique qu'il rédigeait.