21.10.12

Yash Chopra (1932-2012)

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Yash Chopra, l'un des réalisateurs indiens les plus importants, vient de nous quitter, à l'âge de 80 ans.
Né à Lahore en 1932, et frère de B.R. Chopra (Naya Daur) Yash Chopra a réalisé son premier film, Dhool Ka Phool en 1959. Son dernier, Jab Tak Hai Jaan, doit sortir au mois de novembre. Entre les deux, vingt autres films, dont beaucoup sont aujourd'hui considérés comme des classiques.

Yash Chopra, c'est aussi Yash Raj Films, fondé en 1973, qui a produit, outre les films de son fondateur, ceux de son fils Aditya (Dilwale Dulhania Le Jayenge), mais aussi Fanaa, Chak de India et Aaja Nachle, pour ne citer que quelques films.


Quels films retiendrai-je de cette longue carrière (plus de cinquante ans) ?

Kabhi Kabhi, la saga, sur deux générations, d'un amour impossible, un film que je n'aime pas du tout (malgré la présence de Shashi Kapoor), trop long, décousu, et dans lequel je trouve Rishi exaspérant, mais que je cite ici car il contient cette fantastique chanson, adaptée d'un poème de Sahir Ludhianvi (traduction anglaise ici)

Deewaar, un film très sobre, épuré, aux allure de tragédie classique. L'un des rôles les plus célèbres d'Amitabh Bachchan, vraiment excellent. Et l'un de mes films préférés.

Kaala Patthar, toujours avec le duo gagnant Amitabh - Shashi, qui se déroule dans une mine de charbon. Plus décousu, mais assez prenant malgré tout.



Darr, surtout car c'est l'un des trois rôles de tueurs psychopathes qui ont lancé la carrière de Shahrukh Khan. Il est ici un jeu homme légèrement perturbé, obsédé par l'adorable Juhi Chawla au point de se graver son nom sur le torse au couteau.

Veer-Zaara, là encore un de mes films préférés, un de ceux qui m'ont donné envie de créer ce blog. Une histoire d'amour indo-pakistanaise pleine de couleurs et d'émotion, et le sommet de l'art de Yash Chopra qui magnifie ses acteurs et les paysages du Pendjab.



  

Et bientôt, je l'espère, Jab Tak Hai Jaan.

20.10.12

English Vinglish (2012)

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Shashi, mère de deux enfants et spécialiste du ladoo quitte sa famille quelques semaines pour participer aux préparatifs du mariage de sa nièce, à New York. Problème : Shashi ne parle pas anglais. Lassée d'être prise pour une idiote, elle s'inscrit à un cours de langue. Là, aux côtés d'autres étudiants venus des quatre coins du monde, elle va apprendre à s'exprimer en anglais. A s'exprimer tout court, aussi.

English Vinglish est un charmant petit film qui repose largement sur les épaules de son héroïne, une femme entre deux âges, interprété par la grande stars des années 80, Sridevi, de retour au cinéma après une longue absence.

Sous la forme d'une comédie pleine de tendresse, il aborde un certains nombres de thèmes rarement traités dans le cinéma indien : la question du rôle de l'anglais bien sûr, marqueur social, marqueur d'un certain niveau d'éducation. Impossible d'être pris au sérieux si l'on ne maîtrise pas cette langue, nous dit Gauri Shinde. Shashi est d'office disqualifiée pour toutes les discutions sérieuses, y compris au sein de sa famille où elle subit les moqueries de son mari et de sa fille. 

Impossible aussi d'être prise au sérieux, dit-elle, quand on est juste une femme au foyer occupée à cuisiner. Et de ce point de vue, le séjour américain de Shashi est une libération. Elle découvre que son petit commerce de ladoos fait d'elle une entrepreneuse. Et qu'au yeux de Laurent, son camarade de classe, qui lui fait une cour assidue, elle est plus qu'une bonne cuisinière : une artiste. Bref, elle est enfin respectée et estimée, et bien décidée à ne plus se considérer comme inférieure à son mari.

Laurent, le cuisinier français (joué par Mehdi Nebbou, la superstar du cinéma français), est le plus mémorable des élèves du cours d'anglais. Shashi et lui parlent mal anglais. Elle a tendance à passer au hindi sans prévenir. Lui répond en français. Il lui sert pourtant de confident (après une tirade enflammée - et en hindi - de Shashi bouleversée par le manque de respect de sa fille, il répond, en français "j'ai rien compris mais je suis désolé."). Et elle regagne confiance en elle à son contact. Les autres, un Pakistanais, une Chinoise, un autre Indien, une Mexicaine et un jeune homme africain, sont essentiellement des personnages comiques sans grande épaisseur. On est dans le stéréotype (le cinéma indien ne connaît pas le politiquement correct), mais sans méchanceté (le seul personnage un peu étroit d'esprit se fait régulièrement taper sur les doigts par les autres élèves). 

Et comme j'ai beaucoup aimé ce film, je vais éviter de parler de la musique, et de l'épouvantable chanson "Manhattan".


(vu au cinéma, dans une salle petite mais comble)

16.10.12

Des livres dans des films

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J'ai découvert la semaine dernière une bibliothèque qui avait décidé de ne constituer sa collection de DVD que de films dans lesquels une bibliothèque était présente. Naturellement, mon premier réflexe a été de chercher s'il y avait des films indiens dans lesquels les bibliothèques, ou même plus généralement le livre, jouaient un rôle significatif.

Ma chasse n'a pas été très fructueuse. Le cinéma indien regorge de personnages de poètes, qui chantent leurs créations sous les fenêtres de leur belle où à leurs pairs dans des mehfil, mais de leurs livres, dans leur matérialité, il est fort peu question. La tradition d'oralité qui marque la littérature indienne leur laisse peu de place. Et, naturellement, les contraintes du cinéma indien conduisent à accorder plus d'importance au texte dit (ou chanté) qu'au texte écrit, imprimé.

Une exception cependant : Pyaasa (qui, petit rappel, viens de sortir en France, sous le titre L'Assoiffé). Notre héros, Vijay, est un Poète Maudit. Il chante bien évidemment son œuvre à de nombreuses reprises. Mais, et c'est là l'originalité, les exemplaires papier de ses poèmes jouent un rôle crucial. Son manuscrit déjà : donné à un éditeur, envoyé au pilon, il est récupérée par une prostituée et constitue son premier contact avec le poète dont elle va tomber amoureuse. Et c'est en trouvant un autre manuscrit, tombé de sa poche, qu'elle le reconnaît. Les déboires de Vijay avec différents éditeurs constituent également un élément important du film.

 
Vijay chez l'éditeur

Présentés comme incapables de reconnaître le génie, allergiques à la modernité et avides d'argent, ceux-ci n'ont vraiment pas le beau rôle dans Pyaasa. Mais le Poète pourrait-il être Maudit s'il trouvait des interlocuteurs compréhensifs ? Lorsque enfin les poèmes de Vijay connaissent le succès, et que les lecteurs se ruent chez des libraires en rupture de stock, apparaît le livre imprimé, présenté comme objet commercial. On négocie ferme, on se dispute les droits. Et l'on (c'est-à-dire, toujours, l'éditeur) soigne la communication autour de la personne de Vijay, pour entretenir le buzz. Ce qui déplaît fortement à notre héros, qui interrompt de façon mémorable une de ces opérations de promotions. Si vous n'avez pas vu ce film, la sortie du DVD Carlotta est l'occasion rêvée : c'est vraiment un incontournable du cinéma indien, et un film pour lequel j'ai personnellement beaucoup d'affection.


Pour trouver des bibliothèques cependant, il faut chercher ailleurs. Mais avant, un détour pour un type de livre particulier, le livre en braille. Deux films me viennent à l'esprit : Black, où l'on voit régulièrement Rani parcourir de la main des ouvrage ainsi écrits. C'est ici un des éléments de l'émancipation de cette jeune femme sourde, muette et aveugle. Et Sparsh (dont le titre signifie d'ailleurs "Le Toucher"), où un petit garçon aveugle est tout fier de pouvoir à son tour lire une histoire à son ami. Dans ce film, une jeune femme (Shabana Azmi) s'implique dans la vie d'un pensionnat pour enfants aveugles, moitié par charité, moitié par intérêt pour le directeur de cette institution. Elle commence par leur raconter des histoires (en chantant, naturellement), ce qu'elle fait très bien et que les enfants apprécie. Puis, sensibilisée aux difficultés que rencontrent les jeunes aveugles pour trouver de la lecture elle finit par leur offrir un lot de livres en braille (gagnant au passage le cœur du directeur). Ce passage de l'oral vers l'écrit s'inscrit vraiment dans la thématique du film, portée par le très indépendant directeur du pensionnat : l'importance de l'autonomie pour les personnes handicapée. Le livre permet cette autonomie, en affranchissant les enfants, dans leur désir d’histoires, de leur dépendance au conteur.

Cette surprenante présence du livre en braille, dans un cinéma où les livres sont si rares, s'explique peut-être en partie par la gestuelle spécifique de la lecture du braille, peut-être plus intéressante à montrer à l'écran. 

Et les bibliothèques dans tout ça ? Beaucoup de films se déroulent dans des universités. Les bibliothèques universitaires y font donc parfois une apparition. Je me souviens d'une séquence chantée, un duo que je n'arrive pas à identifier, qui nous montrait l'héroïne retirant un livre d'une étagère et voyant apparaître dans l'espace ainsi libéré le visage de son amoureux, qui justement venait de retirer un livre juste derrière, de l'autre côté de la même étagère.
Mais cette apparition reste assez anecdotique. La scène la plus marquante est sans doute la première visite à la bibliothèque de Lucky dans Main Hoon Na. Lucky, c'est le cancre de service, qui a redoublé trois fois, hyper cool, hyper populaire, mais qui met un point d'honneur à ne pas travailler. Mais le voilà obligé de réaliser un travail en physique pour venir en aide à son ami Ram. Et le voici pénétrant pour la première fois dans l'enceinte sacrée de la BU, Temple du Savoir, renversant le riz comme une jeune mariée entrant pour la première fois chez sa belle famille :


Je n'ai trouvé que deux films dans lesquels les bibliothèques jouent un rôle significatif, et voici le second : Lage Raho Munna bhai. Munna Bhai, sympathique voyou, s'est fait passé pour un universitaire spécialiste de Gandhi. Pour ne pas décevoir l'animatrice de radio qui le convie à animer une conférence, il doit se documenter sur le Père de la nation indienne. Munna hésite devant la porte de la bibliothèque Mahatma Gandhi. Quand il se décide à entrer, il trouve des locaux désert et un bibliothécaire très heureux d'avoir enfin un lecteur.


Il consulte tout les ouvrage qu'il peut (en musique), et bientôt, quelque chose d'inattendu se produit  : Gandhiji apparâit en personne sous les yeux ébahis de Munna. Quand on vous dit qu'il faut rendre le savoir vivant !
Mis a part cet élément qui va jouer un rôle central dans la suite du film, cette séquence joue encore sur le décalage entre un personnage peu habitué au travail intellectuel et le décor impressionnant de la bibliothèque.


Et c'est tout ce que j'ai trouvé ! Si d'autres films vous viennent à l'esprit, surtout n'hésitez pas à me dire lesquels en commentaire.