de Raj Kapoor
Attention nombreux spoilers.
La vie de Rupa est marquée par le malheur. Sa mère meurt en lui donnant le jour. Plus tard, alors que l'enfant a déjà une solide réputation de porte-poisse auprès de ses petits camarades, elle se brûle gravement le côté droit du visage. Devenue adulte, elle vient tous les jours chanter au temple, tandis que son père, le prêtre du village, lui cherche désespérément un époux. Mais personne ne veut de cette fille pauvre et défigurée. Jusqu'au jour où elle tombe sous le charme de Rajeev, un ingénieur esthète que la laideur insupporte. Celui-ci l'entend chanter (avec la voix de Lata), contemple sa silhouette (de rêve forcément, c'est Zeenat Aman qui joue Rupa - et Shashi interprète Rajeev), et tombe amoureux. Il demande sa main, et ne découvre la vérité qu'après le mariage.
Satyam Shivam Sundaram est un conte, une fable dont la moralité est exprimée par une voix-off dans une jolie séquence d'ouverture. Dès sa naissance, Rupa est liée à Krishna dont elle partage l'anniversaire. Une belle chanson, qui revient à plusieurs reprises, rappelle que le dieu lui aussi craignait de ne pas être aimé de Radha en raison de son apparence. La première moitié du film met cependant entre parenthèse cet aspect quasi mythologique pour décrire le jeu de cache-cache qui s'engage entre Rupa et Rajeev. La jeune femme est persuadée que Rajeev se trompe en la trouvant belle, mais continue de lui cacher sa cicatrice , pensant que son affection ne durera de toute façon pas bien longtemps et que le mariage est hors de question.
Mais le film change complètement de ton après le mariage : Rajeev, dont l'obsession du beau atteint des dimensions pathologiques, refuse d'admettre que la Rupa qu'il a épousée est celle dont il est amoureux. Délaissée en tant qu'épouse, celle-ci décide de jouer le jeu : elle accepte d'incarner cette deuxième Rupa et retrouve Rajeev tous les soirs. Elle refuse de dévoiler son visage tant qu'il refusera d'aimer sa femme, mais cela ne lui inspire aucun soupçon.
Le scénario a désormais allègrement franchi les frontières de la vraisemblance, et révèle sa véritable dimension, allégorique et fascinante. L'usage constant des décors de studio et des filtres colorés n'est alors plus un problème, bien au contraire, il permet de situer l'histoire dans un ailleurs énigmatique dont les personnages semble sortis tout droit d'une légende. Lorsque Rupa se retrouve enceinte et que son époux qui la croit infidèle la rejette, sa colère se déchaîne dans un final particulièrement impressionnant : le village entier se trouve pris dans la tourmente tandis qu'un déluge s'abat sur la région. Un vrai morceau de bravoure très bien réalisé, qui laisse le souffle coupé. Jamais les passages chantés, évoquant au détour d'un vers des dieux et des déesses que l'on verrait bien se promener dans ces paysages, ne m'ont paru aussi naturellement intégrés au récit, d'autant que la musique, loin de de la créativité débridée de la plupart des créations de cette époque, adopte un style assez classique et simple. Le duo "Woh aurat hai" m'a rappelé, dans son esprit et dans sa forme, certaines compositions des années cinquante. C'est la chanson que j'ai préférée, mais il n'ai pas possible de trouver sur youtube une vidéo qui ait un son correct. Une seule chorégraphie ne semble pas vraiment à sa place : il s'agit de "Chanchal Sheetal", dont les décors ont dû être conçus par un fan d'Alice au Pays des Merveilles défoncé au LSD.
L'esprit des seventies se fait aussi sentir dans les costumes minimalistes de Zeenat Aman, qui certes mettent bien en valeur ses attraits, mais semblent néanmoins entrer en contradiction avec le message du film, qui invite à voir au-delà de l'apparence physique.
Satyam Shivam Sundaram est vraiment un film à voir, très particulier dans son style mais également intéressant pour la richesse de son contenu.
Film et musique : 5/5
Attention nombreux spoilers.
La vie de Rupa est marquée par le malheur. Sa mère meurt en lui donnant le jour. Plus tard, alors que l'enfant a déjà une solide réputation de porte-poisse auprès de ses petits camarades, elle se brûle gravement le côté droit du visage. Devenue adulte, elle vient tous les jours chanter au temple, tandis que son père, le prêtre du village, lui cherche désespérément un époux. Mais personne ne veut de cette fille pauvre et défigurée. Jusqu'au jour où elle tombe sous le charme de Rajeev, un ingénieur esthète que la laideur insupporte. Celui-ci l'entend chanter (avec la voix de Lata), contemple sa silhouette (de rêve forcément, c'est Zeenat Aman qui joue Rupa - et Shashi interprète Rajeev), et tombe amoureux. Il demande sa main, et ne découvre la vérité qu'après le mariage.
Satyam Shivam Sundaram est un conte, une fable dont la moralité est exprimée par une voix-off dans une jolie séquence d'ouverture. Dès sa naissance, Rupa est liée à Krishna dont elle partage l'anniversaire. Une belle chanson, qui revient à plusieurs reprises, rappelle que le dieu lui aussi craignait de ne pas être aimé de Radha en raison de son apparence. La première moitié du film met cependant entre parenthèse cet aspect quasi mythologique pour décrire le jeu de cache-cache qui s'engage entre Rupa et Rajeev. La jeune femme est persuadée que Rajeev se trompe en la trouvant belle, mais continue de lui cacher sa cicatrice , pensant que son affection ne durera de toute façon pas bien longtemps et que le mariage est hors de question.
Mais le film change complètement de ton après le mariage : Rajeev, dont l'obsession du beau atteint des dimensions pathologiques, refuse d'admettre que la Rupa qu'il a épousée est celle dont il est amoureux. Délaissée en tant qu'épouse, celle-ci décide de jouer le jeu : elle accepte d'incarner cette deuxième Rupa et retrouve Rajeev tous les soirs. Elle refuse de dévoiler son visage tant qu'il refusera d'aimer sa femme, mais cela ne lui inspire aucun soupçon.
Le scénario a désormais allègrement franchi les frontières de la vraisemblance, et révèle sa véritable dimension, allégorique et fascinante. L'usage constant des décors de studio et des filtres colorés n'est alors plus un problème, bien au contraire, il permet de situer l'histoire dans un ailleurs énigmatique dont les personnages semble sortis tout droit d'une légende. Lorsque Rupa se retrouve enceinte et que son époux qui la croit infidèle la rejette, sa colère se déchaîne dans un final particulièrement impressionnant : le village entier se trouve pris dans la tourmente tandis qu'un déluge s'abat sur la région. Un vrai morceau de bravoure très bien réalisé, qui laisse le souffle coupé. Jamais les passages chantés, évoquant au détour d'un vers des dieux et des déesses que l'on verrait bien se promener dans ces paysages, ne m'ont paru aussi naturellement intégrés au récit, d'autant que la musique, loin de de la créativité débridée de la plupart des créations de cette époque, adopte un style assez classique et simple. Le duo "Woh aurat hai" m'a rappelé, dans son esprit et dans sa forme, certaines compositions des années cinquante. C'est la chanson que j'ai préférée, mais il n'ai pas possible de trouver sur youtube une vidéo qui ait un son correct. Une seule chorégraphie ne semble pas vraiment à sa place : il s'agit de "Chanchal Sheetal", dont les décors ont dû être conçus par un fan d'Alice au Pays des Merveilles défoncé au LSD.
L'esprit des seventies se fait aussi sentir dans les costumes minimalistes de Zeenat Aman, qui certes mettent bien en valeur ses attraits, mais semblent néanmoins entrer en contradiction avec le message du film, qui invite à voir au-delà de l'apparence physique.
Satyam Shivam Sundaram est vraiment un film à voir, très particulier dans son style mais également intéressant pour la richesse de son contenu.
Film et musique : 5/5
5 commentaires:
joli film, mais je suis vraiment passée à côté de la psychologie du personnage de Shashi Kapoor... Son obsession du beau est trop appuyée (exagérée ?), a tel point que j'ai attendu tout le film que soit révélée sa maladie psychiatrique (lol)...Ceci dit Zeenat est sublime, les chansons sont magnifiques surtout quand elles accompagnent les plans sous filtres ou les clips fantasmés qui donnent, pour le coup, une véritable dimension onirique et allégorique au film...
oui, Shashi est passablement perturbé, mais sa psychologie un peu sommaire me paraît avoir une logique si on prend le film comme un conte :" il était une fois un prince charmant obsédé par la beauté...".
En ce qui concerne les filtres, je les trouvais horribles dans les quelques clips que j'avais pu voir sur youtube, mais ça passe nettement mieux en contexte, ils apportent vraiment quelque chose.
Bonjour A2line,
J'avais voulu voir ce film, et puis j'ai été refroidi par ce que Carla en dit (http://www.filmigeek.net/2007/09/satyam-shivam-s.html). Qu'est-ce que tu penses de son avis?
J'avais aussi lu des choses sur la tendance "glamour" de Raj Kapoor après sa grande période des fifties, comme quoi il n'avait pas pu résister aux sirènes de l'apparence.
A plus,
yves
Bonjour Yves,
la critique de Carla est comme toujours très intéressante. En ce qui concerne le comportement de Ranjeev, personnage qui lui paraît peu crédible, il est clairement pathologique et exagéré, mais cela ne m'a pas gênée, car il me semble que le film appelle une lecture quasi-mythologique : on n'est pas dans le réalisme, Shashi Kapoor joue un type, une représentation symbolique de l'incapacité des hommes à voir plus loin que la beauté physique.
Ensuite, c'est certain, les costumes de Rupa sont effectivement très très courts, (je ne crois pas en avoir jamais vu d'aussi peu couvrant dans un film indien) et le jeu de Zeenat est peut-être encore plus sensuel qu'à l'ordinaire. Il est vrai que cela ne sert pas le message du film. Cela m'a un peu énervée d'ailleurs de voir que Raj Kapoor misait autant sur le sex-appeal de son actrice, comme s'il avait peur que le film ne plaise pas sans cela.
Mais heureusement la beauté de Satyam Shivam Sundaram ne se limite pas à celle de son actrice et de son acteur, l'ensemble du film est un enchantement pour les yeux. Il est un peu dommage qu'aujourd'hui on se souvienne surtout des audaces vestimentaires et du jeu provoquant de Zeenat.
voilà mon avis sur la question !
J'espère que tu laissera sa chance à ce film, il vaut vraiment le coup d'œil.
A plus,
A2line
Bonjour A2line,
Juste pour te dire que, ça y est, j'ai vu le beau film de RK et tâché d'en rendre compte du mieux que j'ai pu: viens me dire ce que tu penses de mon avis!
Merci,
Yves
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