ça fait quelques temps que je n'ai rien écrit de nouveau, et je continue sur ma lancée puisque cet article est la reprise d'une critique que j'avais publiée ailleurs. J'ai constaté récemment en discutant avec des amis qu'il y avait encore des gens qui ne connaissaient pas ce formidable roman, d'où cette reprise.
Il est un peu difficile de résumer Sacred Games en quelques mots tant les intrigues et les personnages sont nombreux, mais disons qu'il est essentiellement question de Ganesh Gaitonde, chef d'un des plus gros gangs de Bombay, qui se suicide dès les premières pages du roman mais n'en continue pas moins de raconter son histoire, à la première personne ; et de Sartaj Singh, le flic qui découvre le corps et à qui on demande, sans qu'il ne sache trop pourquoi, d'enquêter discrètement sur ce qui est de toute évidence un suicide. Il est aussi question d'un agent secret pakistanais très pieux dont la fille lit Stardust* en cachette, d'un membre du contre-espionnage indien autrefois brillant mais souffrant désormais de troubles de la mémoire aux symptômes spectaculaires, d'une bonne à tout faire qui élève seule ses nombreux enfants dans le Punjab d'avant la Partition, d'une grande sœur disparue dans cette même Partition...
Et au cœur de toutes ces facettes d'une même histoire, Bombay, qui vit à chaque page du livre, qui grouille, qui tue, qui absorbe chaque jour des milliers de nouveaux migrants, Bombay dont la poussière et les bruits envahissent même les appartements les plus luxueux, Bombay qui attire pourtant à elle tous ces personnages qui n'imaginent plus vivre ailleurs.
Vikram Chandra, et c'est peut-être ce qui fait la richesse et l'humanité de ce roman, donne à chaque personnage, même le plus secondaire, l'occasion d'être à un moment ou un autre au premier plan, même si ce n'est que pour quelques pages, et entremêle ces différentes histoires avec génie, faisant resurgir telle ou telle intrigue au moment où on s'y attend le moins, réussissant contre tout espoir à tout relier à l'intrigue principale. Cette technique a un aspect assez ludique, visiblement l'auteur s'amuse en donnant la parole à des personnages qui généralement restent dans l'ombre. En prenant le temps de s'intéresser à tous il parvient à créer un roman très original, grouillant de vie, criant de réalisme et plein d'humanité. Et étrangement on ne se perd pas tant que cela dans toutes ces intrigues, sans doute justement parce que chaque personnage est bien caractérisé, donc mémorable, et aussi parce que l'écriture change radicalement selon les personnages dont on découvre la vie et les pensées. C'est globalement assez noir, parfois franchement bouleversant, mais malgré tout souvent drôle, plein d'un humour assez féroce à l'œuvre dès les toutes premières lignes.
L'anglais qu'il emploie est truffé de mots hindi et marathi, ce qui contribue pour beaucoup au réalisme du roman et donne vraiment un style très particulier. Mon vocabulaire argotique hindi s'est considérablement enrichi. L'auteur explique avoir voulu employer l'anglais qu'il utiliserait s'il parlait à un ami assis dans un bar de Mumbai ; à ses yeux ces mots vernaculaires, mystérieux et dépaysants, font également partie du charme d'un roman quand il est lu par des étrangers**.
Il y a bien quelques longueurs dans la deuxième partie, les toutes dernières pages m'ont également un peu déçue, mais Sacred Games n'en est pas moins un roman exceptionnel.
Il existe une traduction française intitulée Le Seigneur de Bombay. J'en ai feuilleté quelques pages ; je ne suis pas entièrement convaincue, mais il faut reconnaître que traduire une telle oeuvre est une tâche herculéenne. Cette édition française (Robert Laffont) possède un lexique des termes indiens.
édition en anglais : Faber & Faber, 2006, 947 pages. Comporte une liste des personnages.
* Stardust : magazine people bas de gamme
** interview donnée à Amazon.com
Il est un peu difficile de résumer Sacred Games en quelques mots tant les intrigues et les personnages sont nombreux, mais disons qu'il est essentiellement question de Ganesh Gaitonde, chef d'un des plus gros gangs de Bombay, qui se suicide dès les premières pages du roman mais n'en continue pas moins de raconter son histoire, à la première personne ; et de Sartaj Singh, le flic qui découvre le corps et à qui on demande, sans qu'il ne sache trop pourquoi, d'enquêter discrètement sur ce qui est de toute évidence un suicide. Il est aussi question d'un agent secret pakistanais très pieux dont la fille lit Stardust* en cachette, d'un membre du contre-espionnage indien autrefois brillant mais souffrant désormais de troubles de la mémoire aux symptômes spectaculaires, d'une bonne à tout faire qui élève seule ses nombreux enfants dans le Punjab d'avant la Partition, d'une grande sœur disparue dans cette même Partition...
Et au cœur de toutes ces facettes d'une même histoire, Bombay, qui vit à chaque page du livre, qui grouille, qui tue, qui absorbe chaque jour des milliers de nouveaux migrants, Bombay dont la poussière et les bruits envahissent même les appartements les plus luxueux, Bombay qui attire pourtant à elle tous ces personnages qui n'imaginent plus vivre ailleurs.
Vikram Chandra, et c'est peut-être ce qui fait la richesse et l'humanité de ce roman, donne à chaque personnage, même le plus secondaire, l'occasion d'être à un moment ou un autre au premier plan, même si ce n'est que pour quelques pages, et entremêle ces différentes histoires avec génie, faisant resurgir telle ou telle intrigue au moment où on s'y attend le moins, réussissant contre tout espoir à tout relier à l'intrigue principale. Cette technique a un aspect assez ludique, visiblement l'auteur s'amuse en donnant la parole à des personnages qui généralement restent dans l'ombre. En prenant le temps de s'intéresser à tous il parvient à créer un roman très original, grouillant de vie, criant de réalisme et plein d'humanité. Et étrangement on ne se perd pas tant que cela dans toutes ces intrigues, sans doute justement parce que chaque personnage est bien caractérisé, donc mémorable, et aussi parce que l'écriture change radicalement selon les personnages dont on découvre la vie et les pensées. C'est globalement assez noir, parfois franchement bouleversant, mais malgré tout souvent drôle, plein d'un humour assez féroce à l'œuvre dès les toutes premières lignes.
L'anglais qu'il emploie est truffé de mots hindi et marathi, ce qui contribue pour beaucoup au réalisme du roman et donne vraiment un style très particulier. Mon vocabulaire argotique hindi s'est considérablement enrichi. L'auteur explique avoir voulu employer l'anglais qu'il utiliserait s'il parlait à un ami assis dans un bar de Mumbai ; à ses yeux ces mots vernaculaires, mystérieux et dépaysants, font également partie du charme d'un roman quand il est lu par des étrangers**.
Il y a bien quelques longueurs dans la deuxième partie, les toutes dernières pages m'ont également un peu déçue, mais Sacred Games n'en est pas moins un roman exceptionnel.
Il existe une traduction française intitulée Le Seigneur de Bombay. J'en ai feuilleté quelques pages ; je ne suis pas entièrement convaincue, mais il faut reconnaître que traduire une telle oeuvre est une tâche herculéenne. Cette édition française (Robert Laffont) possède un lexique des termes indiens.
édition en anglais : Faber & Faber, 2006, 947 pages. Comporte une liste des personnages.
* Stardust : magazine people bas de gamme
** interview donnée à Amazon.com
2 commentaires:
Bonjour A2line,
Je ne soupçonnais pas que tu faisais aussi de la lecture de romans... Donc, tu recommandes? D'après ce que tu dis, ça a l'air plutôt tonique! Et sur Amazon (le lien que tu donnes) ils sont aussi plutôt enthousiastes aussi... Mais bon, pour l'instant, je suis dans une licence de philo! Alors, il faudra que ces gros pavés attendent!
cheers
yves
Salut Yves !
je recommande chaudement, mais il faut considérer qu'une fois que tu l'auras commencé tu ne pourras plus t'empêcher de passer tout ton temps libre à le lire, et ce pendant quelques jours, vu l'épaisseur du livre ;-).
Adeline
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