11.4.20

Umrao Jaan (1981 et 2006)

Deux films adaptés du même roman ourdou Umrao Jaan Ada, écrit par Mirza Hadi Ruswa à la toute fin du XIXe siècle. Du livre, je parlerai peu : je ne l'ai pas lu.


L'histoire, pour résumer ce qui est commun aux deux films (c'est à dire la plus grande part). La petite Ameeran est enlevée et vendue dans un bordel. Elle y apprend à chanter, danser, composer de la poésie, et, devenue adulte gagne vite sous le nom d'Umrao Jaan (Rekha - Aishwarya Rai) la réputation d'être la courtisane la plus belle et la plus intelligente de Lucknow (cette dimension culturelle et littéraire du métier de courtisane est mis en valeur dans les deux films). Premier client, premier amour, le beau, riche et noble Nawab Sultan (Farooq Sheikh - Abhishek Bachchan). Mais le père du jeune homme n’apprécie guère de le voir ainsi dilapider sa fortune, et met un terme à leur relation. S'en suivent des péripéties, incluant un brigand et des retrouvailles familiales.

Le film le plus récent arrange le scénario pour dramatiser les événements le plus possible, quitte à caricaturer les personnages (le brigand, un féroce dacoït sans culture dans ce film, est plus civilisé dans le film de 1981, et Umrao semble avoir réellement des sentiments pour lui ; Gauhar Mirza, l'un des seuls hommes vivant dans le bordel, est une bête qui viole Umrao-Aishwarya, alors que c'est un jeune homme épris de poésie qui s'efforce (lourdement) de séduire Umrao-Rekha). Le scénario va jusqu'à proposer une autre raison à la fin de la relation d'Umrao avec Nawab Sultan (plus dramatique, bien sûr)

Comparons les premières performances d'Umrao en public


1) Umrao se contente, dans une très belle chanson, de mettre en musique les vers que son maître vient de corriger. Rien ne rend cette scène particulièrement importante (si ce n'est la qualité de la chanson).


2) Le scénario fait monter l'attente : c'est la première prestation d'Umrao, devant des hommes particulièrement riches, le prestige du bordel dépend de sa performance. Surtout, c'est sa première rencontre avec Nawab Sultan et le début de leur histoire, alors que dans le film de 1981, Sultan tombe amoureux de la poésie d'Umrao avant même de la voir.

Mais cette dernière scène ne serait pas possible dans le film de 2006, car les films diffèrent sur le mode de narration. Comme dans le roman, c'est Umrao qui raconte sa vie à la première personne dans le film de 2006. Ce n'est pas le cas dans le premier film, et cela permet d'ajouter du pathos à une histoire qui n'en manque pourtant pas (on y voit par exemple en caméra subjective la petite Ameeran, ligotée, jeter un dernier regard à son père). En revanche, impossible donc de voir Sultan écouter les vers d'Umrao en son absence.

Globalement, le film de 2006 est plus triste, parce qu'il généralise à toutes les femmes le triste destin d'Umrao d'une part, et d'autre part parce que tout le monde pleure beaucoup plus ! En guise d'exemple, les deux films commencent par le mariage d'une très jeune fille. Tout le monde a l'air heureux dans le film de 1981, alors que les larmes coulent en 2006. On entend pour la première fois une chanson qui revient comme une rengaine  "mon Dieu, faites que je ne renaisse pas en fille". C'est aussi une question d'interprétation : le jeu d'Aishwarya est beaucoup plus expressif que celui de Rekha, tout en retenue. La critique sociale n'est pas absente pour autant du film de 1981 : on y voit l'hypocrisie d'un père qui fréquente les maisons closes mais interdit à son fils de le faire ; Sultan quitte Umrao pour se marier sagement selon les veux de son papa, et non parce qu'il la croit infidèle.

Visuellement et musicalement, c'est aussi bien différent. Je crois pouvoir affirmer que les chansons de 1981 sont bien meilleures que leurs équivalentes de 2006. Par ailleurs, il se dégage du film de 2006 une impression de décors de studio et de bijoux de pacotille absents du  premier film, plus sobre. Et reste le mystère de la lumière verdâtre atroce du film le plus récent. Un défaut de mon DVD ?

Un drame pathétique avec Aishwarya et Abhishek, ou bien un récit sobre et beau mais un peu sec avec Rekha et Farroq Sheikh, à vous de voir !

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