24.8.08

Khuda Kay Liye - 2007 - خدا کے ليے


J'arrive enfin à écrire en urdu sur cet ordinateur, et ça tombe très bien puisque justement cet article est consacré à un film pakistanais, le premier sur lequel je poste, et le deuxième que j'ai vu, après Zinda Laash, un film d'horreur des années 60.

Khuda Kay Liye, sorti en 2007, est rapidement remarqué dans différents festivals internationaux : il remporte ainsi des prix au festival du Caire et à celui de Muscat (Oman). C'est également le premier film pakistanais à être diffusé en Inde, en réponse à une certaine ouverture du Pakistan aux films de Bollywood. Le sujet, actuel mais également relativement consensuel, a sans doute joué un rôle dans le retentissement de Khuda Kay Liye hors des frontières du Pakistan : il s'agit en effet d'une dénonciation à la fois de l'intégrisme islamique et des excès de la lutte anti-terroriste, à travers l'histoire de deux frères, musiciens au Pakistan, et de leur cousine Maryam (Iman Ali) vivant à Londres. L'aîné, Mansoor, joué par Shaan, parti à Chicago étudier la musique, épouse une Américaine avant d'être arrêté , soupçonné de terrorisme lors de la psychose collective qui a suivie le 11 septembre. Le cadet, Sarmad (Fawad Khan), se laisse entraîner par un imam intégriste, Maulana Tahiri, qui le persuade d'arrêter la musique, considérée comme haram (interdite par l'islam). Lorsque son oncle lui demande d'épouser sa cousine, amoureuse d'un Anglais, il accepte malgré l'opposition de la jeune femme, pour éviter qu'elle ne se marie avec un non musulman. Et tandis que Maryam cherche à s'enfuir, il s'engage de plus en plus dans le djihad.


Voici pour l'histoire, dont je connaissais les grandes lignes avant de mettre mon dvd dans le lecteur. Je partais avec un a priori positif, les critiques étant unanimement élogieuses.

Mais je ne m'attendais pas un choc pareil.

ça faisait longtemps que je n'étais pas à ce point entrée dans un film. Lorsque j'ai réalisé que ça n'allait pas bien se terminer du tout pour l'un des personnages, je n'ai vraiment pas voulu y croire, j'espérais jusqu'au bout qu'il y allait y avoir un retournement de dernière minute (même si ce n'était visiblement pas le genre de film), ou au moins une petite lueur d'espoir à la fin. J'étais tellement dans le film que je n'ai pas vu un certains nombres de problèmes pourtant évidents au niveau du scénario, qui me sont apparus quand j'y ai repensé (la famille de Mansoor n'a pas l'air de s'inquiéter plus que ça pour lui, c'est un peu surprenant, et surtout on aurait aimé que l'attitude de la belle-mère de Maryam soit plus clairement expliquée, il y a vraiment quelque chose qui cloche de ce point de vue là). Et tant qu'on parle du scénario, le dénouement ne m'a pas satisfaite du tout en ce qui concerne Maryam. [Spoiler] Elle ouvre une école pour filles en Afghanistan, très bien, rien à redire, mais pourquoi ne pouvait elle pas le faire avec Dave, son copain anglais ? On dirait bien que les films pakistanais font face aux mêmes tabous que les films indiens en ce qui concerne les personnages féminins.


Mais ça fait vraiment plaisir de voir un film s'attaquer avec autant de finesse à ce genre de sujets sensibles. A première vue le scénario semble sorti d'un exposé sur le thème "l'islam après le 11 septembre", où chaque personnage représente une attitude possible : la fille née d'un père musulman mais qui se fiche pas mal de la religion, jusqu'à ce qu'elle soit victime de l'intégrisme de certains, le type pratiquant, profondément croyant mais tout aussi profondément tolérant, et enfin le jeune homme influençable qui se laisse séduire par une pratique intégriste de l'islam. On peut trouver que les débats au tribunal font retomber l'intensité dramatique, mais ils sont d'un grand intérêt, et ils ont le mérite de développer suffisamment les arguments des intégristes pour qu'on comprenne comment Sarmad a pu se laisser embobiner C'est aussi à ce moment qu'apparaît Naseeruddin Shah, le seul acteur que je connaissais, dans le rôle du Maulana Wali, pour contrer ces arguments.


Si les deux Maulanas font vraiment figure de gentil et de méchant, les deux frères ont droit à un traitement nettement moins manichéen : Mansoor est certes un peu trop parfait face à une police américaine qui en prend pour son grade, mais en revanche Sarmad n'a jamais l'air à 100 % convaincu du bien fondé de ce qu'il fait. C'est un personnage qui doute, mais qui fait appel à la mauvaise personne pour dissipper ces doutes. Chacune de ses tentatives pour sortir de l'engrenage échoue.

Le casting est très bon : outre que le jeu des acteurs est plus que correct (d'autant qu'apparemment c'est le premier film de Fawad Khan, avant il était chanteur), le contraste entre les deux frères est immédiatement visible : le physique plutôt massif de Shaan est parfait pour interpréter le rôle d'un homme calme, sûr de ses principes, capable d'endurer presque tout, et en face le visage extraordinairement délicat de Fawad Khan, qui souligne la jeunesse du personnage et permet qu'on continue à compatir un peu et à le considérer aussi en partie comme une victime même quand ses actes ne sont plus excusables.


Et puis difficile de ne pas adhérer au message du film : face à doctrine du choc des civilisations et à la logique d'affrontemment qui est celle à la fois de l'administration Bush et de l'islamisme radical, les personnages positifs de Khuda Kay Liye refusent de répondre à la haine par la haine (Mansoor), proposent une entente harmonieuse illustrée par la musique du film et dénoncent la confusion entre religion (qui se veut universelle) et culture, forcément particulière (Maulana Wali).

une des chansons du film :






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Shoaib Mansoor n'est pas le premier à s'intéresser à la question de la musique dans l'islam. Il peut être intéressant de regarder, sur le même sujet, Le Destin (Al Massir), film de Youssef Chahine qui présente de nombreuses similitudes avec Khuda Kay Liye, tout en se plaçant dans un cadre spatio-temporel tout à fait différent (l'Andalousie du 12è siècle).

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