18.4.09

Luck By Chance et Billu (2009)

Deux films qui sont sortis au début de 2009, et qui parlent, chacun à sa façon, de l'industrie cinématographique de Bombay.
Il y a beaucoup à dire sur le goût de Bollywood pour la mise en abyme , et je renvoie à ce sujet à l'article de Señorita sur Fantastikindia. L'intérêt du cinéma indien pour ses coulisses n'est pas récent, et concerne aussi bien le cinéma du Sud que celui du Nord, mais il est particulièrement vif dans le cinéma en hindi de ces dernières années où les films sur ce sujet ont été très nombreux, et peinent parfois à proposer un regard neuf. Qu'en est-il de ses deux derniers avatars ?


Pour l'originalité, pas sûr que Billu soit le mieux placé. C'est en effet le remake du film tamoul Kuselan, lui même remake du film malayalam Katha Parayumpol, relecture de l'histoire de Krishna et Sudama. Ce dernier était un ami d'enfance de Krishna. Devenu adulte, il vit dans la pauvreté mais refuse d'aller demander de l'aide à son ami maintenant roi, malgré l'insistance de sa femme. Dans le film Billu (Irfan Khan) est coiffeur dans un petit village et a du mal à payer les frais de scolarisation de ses enfants. La vie du village est soudain bouleversée par l'arrivée d'une équipe de tournage : or la star du film (Shahrukh Khan) n'est autre que l'ami d'enfance de notre coiffeur, qui devient du jour au lendemain un héros.

C'est donc un regard extérieur qui est porté sur le cinéma : celui de Billu dont la vie est si différente de celle montrée dans les films, et, pense-t-il, de celle de son ami Sahir ; celui des villageois, tous fans de la star et prêts à tout pour l'approcher. Le cinéma semble d'ailleurs se résumer à cette star, ce Sahir Khan dont la carrière semble être un décalque de celle de son interprète. Il est d'ailleurs intéressant de comparer deux chansons, l'une du film tamoul, l'autre de Billu. "Cinema Cinema" de Kuselan parcourt tout le cinéma tamoul , dans un hommage à l'ensemble des acteurs qui y apparaissent quelques secondes dans des images d'archive. Bien sûr la vrai vedette du clip c'est la Superstar, Rajnikanth, qui nous est montré dans des séquences de films fictifs mais évoquant ceux dans lesquels il a joué, mais ces apparitions permettent d'inscrire son personnage dans la lignée de toutes ces autres stars, de donner l'impression qu'au fond la popularité de son personnage vient surtout de la fascination qu'exerce le métier d'acteur, plus que de la personne elle-même. Au contraire dans "Ae Aa O" de Billu, ce sont des images de film de Shahrukh Khan qui défilent en grand nombre. Les quelques caméos du film, uniquement féminins, ne sont là que pour ajouter à l'aura de la star en l'entourant d'actrices glamour. Du cinéma hindi on ne verra que King Khan : une fois n'est pas coutume, Billu dépasse son homologue tamoul en matière de glorification de la star.

Certes les villageois prêts à tout pour lui parler sont ridicules (et censés être drôles, mais malheureusement presque tous les gags tombent à plat), mais le film ne démystifie pas vraiment l'image de la star, présenté sans surprise comme un homme sympathique, à qui la célébrité n'a pas fait oublier ses amis. La leçon du film, exprimée dans un discours final plus didactique qu'émouvant, c'est qu'au fond Sahir Khan est un homme comme un autre, bien différent de l'image que ses films donnent de lui. Tout ça pour ça.







Luck By Chance, premier film de la réalisatrice Zoya Akhtar, présente un point de vue radicalement différent. Nous suivons deux aspirants acteurs, Sona (Konkona Sen Sharma), qui ne parvient à obtenir que de tout petits rôles dans des grosses productions et attend obstinément le premier rôle qui doit la lancer, promis autrefois par un producteur pas bien pressé de tenir parole, et Vikram (Farhan Akhtar), fraîchement arrivé à Mumbai, qui dispose de deux gros atouts : il n'a pas beaucoup de scrupules, et énormément de chance.

L'objectif clairement affiché est de montrer les coulisses pas forcément reluisantes de l'usine à rêve, à travers deux angles d'attaque qui ont une certaine pertinence, mais ne sont pas particulièrement originaux : le népotisme qui réduit terriblement les chances de Sona et de Vikram (ils ne viennent pas de ce milieu), et la pratique du casting couch, acceptée par les deux personnages. L'ensemble (ou presque) des acteurs semble vain, hypocrite, opportuniste, sans grande fidélité en amitié. Bref, tout l'inverse de Billu.

Ce qui rend cette critique du népotisme assez savoureuse, c'est qu'elle est réalisée et jouée par des gens qui sont tous sauf des outsiders, et qui ont pu convaincre un très grand nombre de leurs connaissances d'apparaître en guest stars ou dans des seconds rôles (il y a même Aamir Khan, pourtant peu coutumier du fait). La première moitié du film est malheureusement considérablement ralentie par le nombre de ces apparitions et par l'importance accordée au personnage de Hrithik Roshan, qui n'apporte pas grand chose au film si ce n'est un item number assez impressionnant.

Même si la critique reste assez convenue, le film est sauvé par sa galerie de personnages tous bien interprétés et souvent touchants malgré leur médiocrité, à l'image de la jeune Niki, fille de star arrogante mais au fond bien innocente, ou de sa mère jouée par Dimple Kapadia, ancienne vedette plus complexe qu'il n'y paraît. La musique est également assez bonne, et j'ai bien aimé la fin.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci A2line de citer mon article ^^
Señorita