7.5.20

Le Mariage des Moussons, 2001

film réalisé par Mira Nair, Lion d'Or à Venise en 2001


Pas évident pour moi de parler de ce film. Déjà, parce qu'à l'époque où je suivais des "ateliers d'analyse filmique", j'avais eu une très mauvaise note à l'analyse d'une séquence (alors que j'étais toute contente qu'on étudie enfin un film indien, j'étais super vexée) ; et d'autre part parce que la partie "dramatique" du scénario me touche d'un peu trop près. Bref, c'est un film émotionnellement chargé pour moi.


Aditi Verma, fille d'une famille de la classe moyenne supérieure de New Delhi a accepté un mariage arrangé alors qu'elle n'arrive pas à rompre avec son amant, un homme marié. Toute la famille afflue, et le mariage se prépare pendant que tout le monde est occupé à draguer. Surgissent aussi des sujets plus graves. Le père de famille, Lalit, reproche à son jeune fils son manque de virilité, son amour de la danse et de la cuisine. La cousine d'Aditi, Ria, voit d'un mauvaise œil l'arrivée de Tej, son riche oncle, qui a pourtant toujours joué les bienfaiteurs pour la famille.

Ce n'est pas à proprement parlé un film "Bollywood". Une très belle chanson composée pour le film est cependant chantée par Sukhwinder Singh pendant le générique de fin. Mais les chants, de films ou traditionnels, sont très nombreuses et participent à l’identité du film sans briser le fil du récit. Les danses donnent une impression de naturel frappante, comme si elles n'avaient pas été chorégraphiées. C'est pourtant Farah Khan, la chorégraphe des plus gros succès Bollywood, qui s'en est chargé.

Il est intéressant que le mariage à proprement parlé soit relégué au générique de fin. Ce qui intéresse Mira Nair, c'est la réunion de famille, et l'agitation que suscite cet événement unique. Bien que l'on suive différents personnages, c'est Lalit Verma, le père, qui a le rôle central. C'est lui qui court partout pour s'assurer que les préparatifs se passent bien, c'est lui qui aura à affronter le choix le plus difficile : faut-il couper les liens avec Tej, le beau-frère auquel il doit tant, qui est le chef de famille, mais que Ria accuse de pédophilie ? Naseeruddin Shah tient là un de ses plus beaux rôles, lui qui en a pourtant eu beaucoup.


En parallèle des étapes obligées avant le mariage (fiançailles, mehndi (pose du henné), sangeet (soirée festive)), Aditi fait connaissance avec son futur mari, mais cette histoire là n'est étonnamment pas du tout centrale. On suit plutôt les tentatives de dragues entre cousins/cousines, et surtout la jolie histoire entre Dubey, l'organisateur d'événements chargé de la logistique, et la domestique de la famille, Alice. Un des plus beau moment est leur mariage informel, inventant leur propre rituel avec les moyens du bord, en parallèle de l'arrivée fastueuse du marié, sous la pluie de la mousson bien entendu.

Alice et Dubey
Le marié

Et, bien sûr l'intrigue criminelle : l'oncle Tej tourne autour de la petite cousine, sous l’œil inquiet de Ria, soucieuse d'éviter que son malheur ne se reproduise. Ces passages provoquent une sensation de malaise très nette, en partie grâce à l'interprétation de Rajat Kapoor en vieux pervers, et de Shefali Shah, qui joue Ria.

Si le lieu centrale de l’histoire reste la maison de la mariée, grandement décorée pour l'occasion, la caméra s'offre quand même des sorties dans Delhi, et bien qu'il n'y ait aucun misérabilisme, le contraste est grand entre le pavillon des Verma, spacieux et doté d'un générateur en cas de coupure de courant, et les installations électriques chaotiques du vieux Delhi (qui sont presque tout ce qu'on voit de la ville). Le regard social de Mira Nair se voit aussi dans l'histoire d'amour d'Alice et Dubey, cœur romantique du film, finalement invités à venir danser sous le pavillon avec les invités dans une grande réconciliation inter-classe. Il est également fait allusion à un problème toujours d'actualité, le coût des mariages, entièrement à la charge de la famille de la mariée et se devant d'être fastueux. C'est une des raisons pour lesquelles on se réjouit plus de la naissance d'un petit garçon que d'une petite fille, synonyme d'endettement. Par ailleurs, à part un segment de I Am d'Onir, qui a eu une audience confidentielle, je ne me rappelle pas avoir vu d'autres films indiens traitant de pédophilie. Si le sujet est universel, il doit être particulièrement sensible dans les pays comme l'Inde où les liens familiaux ont un tel poids. 

Par ailleurs, le film parle de sexe d'une manière très libre : l'on entend au tout début une doubleuse de films pornos dans une émission de radio (je pense que Mira Nair a voulu choquer la commission de censure dès le commencement du film), et Aditi a des rapports sexuels hors mariage. Si le film se veut moderne sur ce point, il montre bien que la société indienne de 2001 n'est pas aussi tolérante.









sous-titres français : Jean François Cornu


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